Blues : A Drifter to the Light of the Sun ou le destin perdu de Bobby Sichran.
Disponible en écoute intégrale sur YouTube et dans tous les bons bac à soldes.
[And so rock ? VI] Il est des existences aux destinations prémonitoires. Lorsque dans, la très bien nommée, indifférence générale il y a cinq ans dans quelques jours disparassait Robert Lichtman (1969-2015), tout le monde ou presque a déja oublié le bluesman grand fan de Bob Dylan et de Woody Guthrie qui se faisait appeler Bobby Sichran (prononcer siche-ranne).
Déménageur à mi-temps pour faire taire les factures, son dernier projet devait s’intituler “Dériveurs à la lumière du soleil”… Bobby Sichran a non seulement sérieusement dérivé, mais aussi par disparaître corps et biens.
Oui MAIS, parce qu’il y a un MAIS d’espèce. Il nous laisse une ‘espèce’ faute de mieux de disque bricolé entre les quatre murs de sa chambre datant de 1994.
1994 le web n’existe pas, nous sommes d’accord. L’émergence du home studio en est à ses balbutiements et ce type sorti de Long Island va provoquer le monde avec un titre au déchaînement contenu “From A Sympathetical Hurricane”.
Quelque temps avant, le mec s’est déjà acoquiné avec la bande Bomb Squad (ouais les ceux-là mêmes qui ont bossé avec Public Enemy). Tout en étant en grande partie à l’œuvre sur le mixage du premier album de Das EFX, “Dead Serious”, oui , I’m dead serious même s’il est seulement crédité à la guitare. Ça donne une petite idée, le Robert en question étant un vrai blanc bec; surtout bec ça a sa petite importance pour la suite…
C’est à peu près là qu’il commence à tambouiller sa mixture à 360°, de Robert Johnson et Muddy Waters en passant par James Brown et George Clinton … jusqu’à Bob Dylan et les toujours présents, parce que c’est comme ça et qu’on ne peut pas faire autrement, Beatles.
Une savoureuse macération de folk, funk, blues, hip hop et Beatles
Le cocktail finit par allécher et, c’est Columbia qui le signe. A cette époque les majors cherchent encore à sucer la roue de ceux qui cherchent vraiment. L’album reçoit des critiques élogieuses, surtout en Europe et se fait sa petite place entre les convaincus que Beck, on y arrive, qui vient de sortir son “Mellow Gold” accompagné de son irrésistible “Loser”, est le nouveau messie des branleurs. Oui Beck vient de crever le plafond et les fumeurs de sticks en raffolent. C’est à peu près ça, sauf que “From A Sympathetical Hurricane” sort 4 mois après et que pour certains il fait figure de suiveur.
Toute comparaison est finalement assez paresseuse.
Il n’en est rien. Mais le mal est fait. Cet album recèle une envergure qui ne dit pas son nom. Sous ses airs de rafistolage de bouts de trucs, il empeste la coolitude à pleines oreilles.
Visionnaire par sa démarche fait à la maison et composé de sons raccommodés sans couture. Arborant une allure particulièrement fraîche, il devance ce qui a pu émerger dans le genre sans jamais se la raconter. Je ne vais pas m’étaler et vous faire la retape à chaque titre de cette injustice. Je ne crierai surtout pas au chef d’œuvre, ce qui pourrait être franchement lassant.
Contentez-vous de plonger dans l’oeil de ce sympathique ouragan et vous y entendrez un croisement de dub funk aux contours pop attisés d’un hip hop aux racines blues d’un jeune mec de 25 ans qui poétise les sons sans fioritures et ramone les bleues de l’âme.
Sept longues années plus tard, son deuxième opus “Peddler In Babylon” verra le jour; il ne se contentera que de colporter une disparition toute aussi héroïque. Et c’est en 2015 donc que sur la pointe des pieds Robert Lichtman aka Bobby Sichran tire une révérence toute aussi effacée que la trace de son petit déchaînement de chambre.
#Calisto Dubson