Cheval en majesté, au cœur d’une civilisation (Château de Versailles - Lienart)

Enfin la somme sur le cheval et l’art ! Créature indissociable de l’aventure humaine cinq fois millénaire, le cheval est toujours au cœur de notre imaginaire, même si la civilisation équestre qui forgea l’occident est révolue. Ambitieuse par la diversité des angles culturels comme par la profusion des objets rassemblées au cœur même des espaces du Château de Versailles jusqu’au 3 novembre, « Cheval en majesté, au cœur d’une civilisation » est aussi un somptueux et indispensable catalogue Lienart mêlant approches esthétiques, sociales et scientifiques. La place et l’importance de « la plus noble conquête de l’homme » dans la civilisation européenne mérite pour Olivier Olgan cet hommage et notre reconnaissance.

« A horse, a horse, my kingdom for a horse ! »

La symbiose entre le pouvoir (royal) et le cheval trouve son acmé à Versailles : le cheval était roi, presque autant que les Bourbons ! La société de cour, puis celle de Napoléon ont sublimé ce symbole de noblesse très politique : elle fut une véritable civilisation équestre.
La force de l’exposition  « Cheval en majesté » n’est pas seulement de brosser tous les aspects de cette ‘civilisation’ remarquablement détaillée grâce au catalogue Lienart.  Elle nous plonge dans tous les espaces du Château de Versailles, autant de lieux d’épanouissement de ce culte du cheval où les artistes ont précédé les scientifiques dans l’étude du rôle et de l’anatomie du cheval.

Force de traction, fidèle compagnon de chasse et de guerre, qui fait corps avec son maître, ou vedette des fêtes royales, le cheval participe à la vie et à la pompe de la cour. (…)
Noble animal, le cheval est aussi l’animal nobiliaire par excellence et figure au premier rang des moyens expressifs de la distinction. Il soutient l’éclat de la majesté souveraine et, convoquant l’imaginaire des saints et des chevaliers illustres, fait du roi-cavalier un héros légendaire.
Laurent Salomé et Hélène Delalex, commissaires

 

Sa noblesse innée l’a élevé vers un destin à mi-chemin entre l’animal et l’homme.

D’humble serviteur, il est devenu spectacle : parades et tournois, où il est orné d’armures ou de somptueuses parures, en font un symbole de puissance et de prestige. Les chevaux se cabrent aussi sur les piédestaux et figurent aux premiers plans des tableaux.

Chaque artiste les croque à sa manière.
Delacroix les saisit dans la violence du combat. Géricault nous offre un tête-à-tête. Carle Vernet peint leur effroi dans l’orage. Avec Joseph Blanc, le spectateur s’envole sur le fabuleux Pégase, tandis que chez Ulpiano Chec a l’humain fuit devant les chevaux fantastiques de la mythologie nordique, fantômes des coursiers de l’Apocalypse. »
Christophe Leribault Président du château, du musée et du domaine national de Versailles

Portrait équestre de Léopold de Médicis (1617-1675), futur cardinal romain, vers 1624-1625, Benešov (Bohème centrale) château de Konopiště, National Heritage Institute, Czech Republic © National Heritage Institute, Czech Republic – René-Antoine Houasse, Louis XIV, roi de France (1638-1715), vers 1674 © Château de Versailles, Dist. RMN © Christophe Fouin – Jacques Louis David Bonaparte franchissant le Grand Saint-Bernard 20 mai 1800 © Google Art Project

Héritier d’une tradition séculaire

Si la civilisation du cheval est déchue, le « cheval d’État » conserve toute sa noblesse et son aura. Lorsqu’une patrouille à cheval fend la circulation parisienne, ou que le régiment de cavalerie de la Garde républicaine défile en grand appareil, on ne peut s’empêcher de s’émerveiller, ainsi que l’écrivait Jean de La Varende (1887-1959) 23, l’auteur de Nez-de-cuir, devant « […] ces milliers de chevaux-vapeurs courant les Champs-Élysées, lâchés et frénétiques, mais qui s’arrêtent pile, respectueux, frémissants, quand surgit dans son indolence seigneuriale, le seul, le dernier, Son Altesse LE CHEVAL . »

Album de tournois et parades à Nuremberg, Allemagne, Nuremberg, fin XVIe-début XVIIe siècle, New York, The Metropolitan –  Aimé Morot, Rezonville, 16 août 1870, la charge des cuirassiers, 1886, Musée d’Orsay Photo Grand Palais Rmn (musée d’Orsay) Adrien Didierjean

Quiconque aime le cheval plongera dans cette somme artistique, protéiforme, qui intéressera autant l’amateur d’art que tous les fondus de selle et d’éperons.

Olivier Olgan

Aller plus loin

  • Catalogue, sous la direction de Laurent Salomé, directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon et Hélène Delalex, conservateur du Patrimoine, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, Lienart, 584 p., 55 €
    Il explore la « civilisation équestre » européenne dans toutes ses dimensions culturelles : politiques, diplomatiques, académiques, artistiques, militaire, scientifiques, spectaculaires, réelles ou mythiques, de l’aube des Temps modernes où s’opère un profond bouleversement de la place et des usages du cheval dans la société civile et militaire, jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale.  
  • sur Arte, Documentaire de Sylvie Faiveley et Nathalie Plicot sur le rôle prépondérant occupé par cet animal dans la mise en scène du pouvoir royal et impérial à travers les arts.