Cinéma : Dans un jardin qu’on dirait éternel, de Tatsushi Ōmori (2020)
En salle depuis le 26 août 2020.
Le thé comme art philosophique indispensable à la compréhension intime du sens de la vie et de la mort.
La réalisatrice Tatsuhi Ōmori dont c’est le premier film distribué en France parvient à faire infuser un sentiment de sérénité tout le long d’un récit qui suit l’existence de son héroïne au gré des saisons ponctuées par les différentes cérémonies consacrées du thé.
Sa carrière débute en 2005 avec “Le Murmure des Dieux” récompensé au Japon par le prix du meilleur nouveau réalisateur au Japanese Professional Movie Awards (les Oscars japonais). “Dans un jardin qu’on dirait éternel” est une adaptation d’un roman de Noriko Morishita “Chaque jour est un bon jour”, titre original du film et mantra idéographique.
Le récit initiatique de tout une vie d’apprentissage
Noriko a dix ans lorsque ses parents l’emmène voir “La Strada” de Federico Fellini, elle qui aurait préféré un Disney n’y comprend rien et trouve le film bien triste. 10 ans plus tard, elle est une étudiante légèrement empotée et plutôt timide qui ne sait pas ce qu’elle souhaite faire de sa vie. Sa mère lui propose de suivre avec sa cousine, beaucoup plus dégourdie et expansive, l’enseignement de l’art du thé dispensé par Maître Takeda, une dame d’un certain âge. Son existence en sera complètement changée.
À la façon d’un apprentissage d’une réalité toujours renouvelé, Noriko se verra révéler une connaissance empirique d’elle-même. Par de légers changements intérieurs d’une éminente parcimonie elle finira par appréhender son destin comme coulant de source. Ce n’est que bien plus tard à l’orée de l’âge qui ouvre les portes d’une lointaine vieillesse, qu’elle saisira la portée universelle et la profonde émotion qui émanent du film de son enfance “La Strada”.
Un contrepied à la société du « temps gagné »
L’enseignement qu’elle en tirera s’applique sans aucun doute possible à notre époque avide de “temps gagné”, dont l’impatience pétrifie nos capacités à écouter et regarder, pour entendre et voir.
Chaque jour est un bon jour et aucun moment n’est le même, magistralement illustré lorsque Noriko entend la différence entre le son de la pluie en été et celui de l’automne. De la même façon que “le temps ne pardonne pas ce qui se fait sans lui”, être entièrement habité par chacun de nos gestes surtout les plus insignifiants, mène à la profonde compréhension que seul compte le temps présent.
De l’art du thé, un genre cinématographique en soi
Au pays du Soleil-levant l’art du thé est bien plus qu’un simple rituel. Plusieurs films ont déjà abordé la pratique de cet art philosophique au travers de l’histoire du grand maître Sen no Rikyu.
Deux sont curieusement sortis la même année en 1989 :
“Rikyu” de Hiroshi TESHIGAHARA
et “La Mort d’un maître de thé” de Kei KUMAI, adapté d’un roman, “L’Art du thé” de Yasushi Inoué. Seul ce dernier est parvenu jusqu’à nous.
Le troisième date de 2013, intitulé “Rikyu ni tazuneyo”, adapté du roman “Le secret du maître de thé” de Kenichi YAMAMOTO, il est inédit en France.