[Cinéma en salle] Les 2 Alfred, de Bruno Podalydès (2021)

avec Denis Podalydès, Sandrine Kiberlain, Bruno Podalydès.
En salles depuis le 16 juin 2021 92mn

Les 2 Alfred, le nouvel opus de Bruno Podalydès poursuit avec succès, le veine de la comédie humaniste et réjouissante dans notre société névrotique, qu’il serait bien dommage de bouder. 

Un paisible hédoniste débonnaire

Depuis ses débuts avec Dieu Seul Me Voit (Versailles-Chantiers), César de la meilleure première œuvre de fiction en 1998, Bruno Podalydès, toujours accompagné de son frère Denis Podalydès, pose un regard attendri et bienveillant sur notre société névrotique. À la façon d’un paisible hédoniste débonnaire mâtiné d’un Jacques Tati, il bouscule en les rendant burlesques et souvent très drôles nos vies modernes assiégées.

Avec Les 2 Alfred, après une de ses parenthèses patrimoniales (Bécassine) dont le réalisateur a le secret, il nous offre une évocation savoureuse et cocasse de la désormais fameuse “start-up nation”.
Alexandre, Denis Podalydès (toujours touchant), pré quinqua en crise conjugale (il a “fauté” et été trahi par une mouette), est à sa grande surprise embauché dans une de ses nouvelles structures au fonctionnement 2.0. Sa femme, sous-marinière de son métier, est partie en mission, le laissant seul avec son repentir et leurs deux petites filles.
Pour entrer dans la structure en question, spirituellement dénommée The Box ayant pour credo “No Child”, il nie en avoir.
Tous les collaborateurs s’engagent à ne pas avoir d’enfants et doivent être disponibles “H24” sous peine d’un licenciement manu-militari. Notre candide Alexandre va se trouver confronté aux exigences d’un monde impitoyable

La désacralisation ironique du travail et du sabir manageurial

Le vocabulaire corporate de The Box bourré d’anglicismes censé traduire une efficience qui ne peut jamais être démentie recèle déjà à lui seul son lot d’ironie.
Sa rencontre avec l’affable Arcimboldo, Bruno Podalydès lui-même (nommé ainsi à cause de son nez en aubergine) lui sera d’un grand secours. Homme multi-tâches adapté au changement en cours, il familiarisera le novice Alexandre avec le monde du connecté.
Associé à Séverine (Sandrine Kiberlain hilarante) une commerciale à la réputation de tueuse, il va vite se rendre compte que son embauche n’est qu’opportuniste. Grâce à son entregent avec le Maire de sa ville natale, il doit décrocher un contrat pour l’organisation et la communication d’un événement censé dynamiser l’image de cette petite commune, un combat de drones, idée du fils du Maire de la ville.
Avant de parvenir à la réalisation du projet, baptisé Game of Drones après un brainstorming truculent, Alexandre, Séverine et Arcimboldo vont traverser de multiples étapes jalonnées d’inénarrables péripéties.
Un brin pieds nickelés übérisés, un brin souffre-douleurs d’une révolution numérique déshumanisée, le trio choisira la voie de la rébellion collective, sous l’influence d’une ado stagiaire, fille cachée de Séverine, l’executive woman au bord du burn out.

Cette satire toute en douceur, à l’ironie bienveillante ne manquera pas d’éveiller en vous le besoin essentiel de garder précieusement sous le coude ce qui nous rend humain.

#CalistoDobson