[Cinéma en salle] Médecin de Nuit, de Elie Wajeman (2021)
Le film noir français reprend des couleurs avec cette virée nocturne dans le quotidien d’un médecin pris dans les rêts d’un trafic d’ordonnances, et d’une passion étouffante entre adultère et trahison. Avec Médecin de Nuit, son troisième film, après Alyah (2012) et Les Anarchistes (2015), Elie Wajeman trouve sa vitesse de croisière.
Jouer sur les ressorts du film de genre
Dès le premier plan nous sommes pris à bras le corps dans un intrigue serrée. Le réalisateur maîtrise parfaitement les codes du genre et nous plonge de plain-pied dans le quotidien de Michaël (Vincent Macaigne parfait d’une force inquiète dans un rôle à contre emploi), médecin de nuit de son état. Sans temps mort, nous partageons son parcours au travers consultations et pérégrinations noctambules.
L’inspection de l’assurance maladie le soupçonne de délivrer de trop nombreuses ordonnances de Subutex (traitement de substitution pour toxicomanes). Il s’avère que le toubib est pris dans les rets d’un trafic afin de venir en aide à Dimitri son cousin pharmacien (Pio Marmaï aux antipodes des personnages sympathiques habituels), pris dans les filets par un dangereux truand. Sa relation extra conjugale passionnée mais indécise avec la fiancée de Dimitri (Sara Giraudeau éblouissante), vient compliquer la donne.
De fil en aiguille Michaël pris entre ses valeurs morales et l’urgence de la situation critique de son envahissant pharmacien de cousin empêtré dans des problèmes financiers avec des gens peu recommandables va le conduire à tout remettre en question.
Habité d’une humanité soucieuse de ses patients, notre médecin de nuit, à l’apparence d’un ours bienveillant, va se révéler redoutable dans sa quête de justice. Jusqu’à se tromper ….
Un parfait petit film noir à l’intrigue ramassée
Cette réussite s’appuie sur l’interprétation juste grâce à un casting impeccable. En dehors des trois acteurs déjà cités. Sarah Le Picard, comme d’habitude dans une ribambelle de seconds rôles, compose et éclaire subtilement le rôle de la femme trompée qui fait face.
Plusieurs personnages auxiliaires sonnent d’autant plus vrais que nature, que le réalisateur a fait le pari de non professionnels issus de la vraie vie jouant leur propre rôle. Pour une véracité sans filtre qui octroie par moment au film une tonalité bienvenue de documentaire avec une réelle portée sociétale. L’abandon à sa détresse et à elle-même d’une grande partie de la misère sociale est une réalité.
C’est une des (nombreuses) qualités de ce film prenant de bout en bout, de mettre le doigt dessus sans avoir l’air d’y toucher.
#Calisto Dobson