[Cinéma en salle] Villa Caprice de Bernard Stora et La Petite Maman de Céline Sciamma

Villa Caprice de Bernard Stora (2021) 103 mn avec Niels Arestrup, Patrick Bruel, Irène Jacob, Laurent Stocker, Eva Darlan, Michel Bouquet, Paul Hamy et Claude Perron
La Petite Maman de Céline Sciamma (2021)  72 mn avec Joséphine et Gabrielle Sanz, Nina Meurisse, Stéphane Varupenne et Margot Abascal.

Notre sélection constitue deux bonnes raisons de résister aux sirènes de l’été. En apparence tout les oppose: Villa Caprice assume avec talent les canons du genre thriller politique, et La Petite maman brosse avec un naturalisme fantastique d’une vivifiante simplicité les mystères de l’enfance. La qualité de ton et de distribution, comme la maitrise des réalisateurs Bernard Stora et Céline Sciamma confortent cette diversité du cinéma français loin des clichés qu’il faut plus que jamais soutenir.

Villa Caprice de Bernard Stora (2021)

En réalisant sans doute son film le plus abouti, Bernard Stora surtout connu comme dramaturge et metteur en scène de théâtre, nous offre un thriller ambitieux aux relents hitchcockiens.
Doté d’un casting relevé, de Niels Arestrup en avocat à priori retors et aguerri à Patrick Bruel parfaitement à l’aise dans son personnage de chef d’entreprise vaguement inspiré disons d’un Bernard Tapie, Villa Caprice déploie une intrigue qui retient son souffle.
Le premier édile d’une cité balnéaire du sud de la France se voit contraint à la démission à la suite d’ un scandale de financement occulte alors qu’il forme avec son épouse un couple emblématique de la vie politique, suivez mon regard.

Mis directement en cause, Gilles Fontaine, notre capitaine d’industrie, Patrick Bruel donc, choisit délibérément de ne pas faire appel à son avocat attitré. Il demande à être reçu par Maître Germont (Niels Arestrup à son meilleur), ténor du barreau dans ce type d’affaires.

S’ensuivra une confrontation entre deux hommes habitués à ne pas perdre.

De la méfiance réciproque mêlée de dédain va naître bon gré mal gré ce qui nous semblera être de l’estime voire du respect mutuel.

À leurs côtés plusieurs seconds rôles de qualité (de Michel Bouquet excusez du peu à Eva Darlan en passant par Irène Jacob, Claude Perron et Paul Hamy), rehaussent la pertinence des petits cailloux semés par les scénaristes. Qu’il nous faut saluer. Un script de ce niveau d’écriture allié à une prestation aussi solide est suffisamment rare dans un thriller français pour être souligné. Coécrit par Pascale Robert-Diard et Sonia Moyersoen, Villa Caprice ne porte peut-être pas le titre adéquat et recèle un twist final un poil précipité, n’empêche le rythme et les dialogues en font un film qui retient l’attention tout le long de son déroulement. Après coup, plusieurs pointillés essaiment les ficelles imperceptibles qui nous mènent au dénouement. A vous d’en relier les nœuds.

La Petite Maman de Céline Sciamma (2021)

Comment se sortir d’un film aussi magnifique que Portrait de la Jeune Fille en Feu, aussi mal récompensé par les Césars? Céline Sciamma choisit la petite porte et réalise La Petite Maman.

Après Portrait de la Jeune Fille en Feu et l’humiliation artistique des Césars (en dehors de toute polémique partisane), Céline Sciamma  choisit toutes les libertés. Peut-être ou peut-être pas inspirée par l’esprit de Truffaut, elle renoue dans une pointe de naturalisme fantastique d’une vivifiante simplicité avec ce naturel si déroutant qui peut caractériser l’enfance.

Une petite fille de huit ans vient de perdre sa grand-mère et se retrouve avec ses parents à vider la maison de cette dernière.
Un matin sa maman est partie. Nous ne saurons pas pourquoi.  Désormais seule avec son père occupé à débarrasser les vestiges d’une vie, elle erre dans les bois alentour et fait une rencontre. Une petite fille de son âge qui lui ressemble étrangement avec laquelle elle tisse une complicité immédiate.
Il s’agit en réalité de sa propre mère à son âge. Une fois ce postulat posé, d’une limpidité déconcertante Céline Sciamma illustre l’attache et la connexité du lien entre un enfant,  en l’occurrence une fille, et sa mère.

Sans aucun didactisme pesant, elle parvient à dresser un nouveau portrait de ce que peut être une femme et une mère. En faisant du père une présence discrète, attentive et bienveillante, elle replace sur l’échiquier de l’existence la notion de parent et du partage de l’engagement face à un enfant.

Du haut de leur “huit ans” les sœurs Joséphine et Gabrielle Sanz interprètent avec  cette assurance et cette autorité déconcertantes des enfants la fille et sa petite maman. Les adultes quant à eux, à commencer par Nina Meurisse qui joue la mère ainsi que Stéphane Varupenne, le père, sans oublier Margot Abascal la grand-mère incarnent les points de repère autour desquels s’ancrent l’aplomb d’une enfance à la spontanéité préservée.

#CalistoDobson