Cinéma en salles : Argylle de Matthew Vaughn (2024)
Le nouveau film de Matthew Vaughn, le réalisateur derrière la franchise Kingsman, Argylle, vient de faire un flop retentissant au box-office. C’est bien dommage pour Calisto Dobson. Pourtant, une narration gigogne animée de scènes d’action joyeusement secouées dans un écrin esthétique pop à souhait en font un avatar postmoderne des comédies d’action sixties.
Avec Layer Cake, Matthew Vaughn fait son entrée dans la cinématographie pop mondiale.
Ce thriller (de 2004, disponible Netflix) de très bonne facture lorgnait sur les platebandes de Guy Ritchie. Rien de surprenant, vu que Matthew Vaughn est derrière la production des vénérés Arnaques, Crimes et Botanique et Snatch : tu braques ou tu raques de l’ex mari de Madonna.
Doté d’une prescience en castant Daniel Craig, le futur James Bond, ce premier effort combine un avant-goût de la « rétrovision stylistique » de Vaughn. Une action brutale enrobée d’un humour badin, une esthétique soignée dopée par une mise en scène qui tire ses ressorts d’une culture alternative.
Très vite le réalisateur britannique après une adaptation sous-estimée de Stardust, une œuvre de Neil Gaiman (American Gods), va se confronter à l’univers de la bande dessinée. Kick-Ass, adaptation du comics éponyme, lui sert de tremplin. L’esprit d’auto dérision et l’humour potache dopés par une mort violente toutes les deux minutes annonce un virage dans l’univers des superhéros.
Que viendront entériner la réussite de Deadpool et Les Gardiens de la Galaxie.
Un succès qui lui ouvre les portes de la franchise X-Men. Ce préquel sur les origines des mutants a le mérite de ripoliner la série. L’épisode met sur orbite Michael Fassbender qui fait des merveilles en incarnant Magneto et nous offre un solide duo avec James McTeigue dans le rôle de son frère ennemi le professeur Xavier. Matthew Vaughn qui a désormais le vent en poupe se lance dans un projet qui va lui offrir la consécration. Kingsman : Services secrets fait un tel carton qu’une nouvelle franchise est née. Et c’est deux épisodes plus loin qu’il s’attelle à nous offrir Argylle.
Ce long préambule afin d’éclairer ce qui me semble être un condensé de ce tout ce qui a nourri jusqu’à présent le cinéma de Matthew Vaughn. Il en régurgite un de ces élégants cocktails qui étoffe la comédie d’action parodique des années soixante. Disons pour faire court de Notre Homme Flint doté du sourire carnassier de James Coburn (qui bénéficia de sa suite F comme Flint), à la série des Matt Helm avec le désinvolte Dean Martin.
Comédie car le premier mot qui vient à l’esprit au sujet d’Argylle c’est drôle, doublée d’un parfum sentimental, bourrée d’action bien sûr, surlignée d’innombrables clins d’œil, le tout relevé d’une touche narrative habilement déconstruite.
Si sur le papier cette superproduction à 200 millions de dollars paraît surannée, boursoufflée et cousue de fil blanc, il n’en est rien. Les voies de la versatilité de ce qu’il est convenu d’appeler le grand public étant aussi impénétrables que celle du Seigneur, en quelques points essentiels. Explications
Une mésintelligence mal fondée.
Sans rien inventer mais en combinant les attributs stylistiques d’une comédie musicale (sans musique ni livret) au cœur d’une parodie de film d’espionnage qui mêle action pétaradante, drôlerie et comédie romantique. Matthew Vaughn surprend et nous charme tout à la fois.
La mise en abyme opérée par le scénario de Jason Fuchs est ébouriffante.
En effet l’héroïne Elly Conway, jouée par Bryce Dallas Howard (fille de Ron Howard vue dans la trilogie Jurassic World), qui nous épate par sa pétulance et sa malice, n’est rien moins que l’auteure à l’identité mystérieuse du roman qui inspire le film. Ce roman qu’en réalité elle n’a pas encore écrit serait le tome 4 de la série de livres sur les aventures d’Argylle. Alors que dans le film (vous suivez), elle clôt ce volume sur un gros point d’interrogation, sa mère, sa plus grande lectrice, l’invite à la rejoindre pour le week-end afin de rajouter un dernier chapitre qui ne laissera pas le lecteur dans l’expectative. Notre romancière, phobique de l’avion, ne voyage qu’en train et ne se sépare jamais de son chat Alfie, qu’elle transporte dans un sac à dos doté d’une bulle transparente. Je ne dévoile rien de ce qui va suivre en vous disant que ce voyage sera sans retour. La rencontre d’un hurluberlu tout aussi exubérant qu’envahissant lui fera vivre en direct les péripéties qu’elle imagine dans ses histoires.
Il faut rendre au scénariste l’espièglerie à laquelle il s’est adonné. Ses acrobaties narratives sont aussi farfelues que la maestria avec laquelle le réalisateur a su mettre en image les scènes d’action mirobolantes (en particulier deux parmi la séquence finale), imaginées par l’auteur.
La réalisation de Matthew Vaughn, bien aidé par un choix de comédiens sur mesure (Sam Rockwell, Henry Cavill, Richard E. Grant), déroule sa pelote sans jamais être démonstrative et reste tout le long de sa fantasmagorie au service d’un généreux divertissement de cinéma à grand spectacle.
Malgré une volée de critiques assassines et un succès public aux abonnés absents, il semblerait qu’un Argylle 2 soit sur les rails et qu’une série soit également envisagée. Espérons que le « syndrôme du flop » (totalement injuste), de Alita : Battle Angel de Robert Rodriguez, pourtant parrainé et surtout produit par James Cameron, ne mette pas un terme définitif à l’extravagante destinée de l’agent Argylle.
A lire
« Argylle » : le roman d’espionnage d’Elly Conway publié chez JC Lattès