Cinéma en salles : Et la fête continue, de Robert Guédiguian (2023)
Malgré le drame de la rue d’Aubagne et ses 8 victimes, effondrement qui sert de point de bascule à son 23e film, Robert Guédiguian assume un optimisme: Et la fête continue ! Cette résilience fait du bien pour Patrice Gree qui revient sur le « truc » du réalisateur marseillais, qui n’a pas de rival pour magnifier sa ville, mais surtout sa femme Ariane Ascaride, l’actrice incarne une fois de plus une femme énergique injectant sa grâce dans une mobilisation populaire jubilatoire qui titille nos sens et nos esprits.
Guédiguian a un truc…
Tout au fond du trou, il te redonne du souffle ! Sur les décombres d’un immeuble qui s’effondre à Marseille, il convoque Homère, la gauche cramée, l’Arménie meurtrie, et te construit une histoire d’amour entre deux retraités. Et ça tient ! Ça tient même vachement bien, parce que Guédiguian est un homme lucide et généreux ! Guédiguian raconte toujours la même histoire, dans les mêmes lieux… mais différemment à chaque fois !
Le titre a existé tout de suite. Nous avions pris la décision irrévocable de faire un film qui se terminerait bien. Avant le décentrement africain de Twist à Bamako, j’avais fait Gloria Mundi, qui était très sombre. (…) Peut-être ai-je été gagné par ce qui me domine aujourd’hui, une certaine mélancolie, mais c’est une mélancolie joyeuse. C’est ce que j’aime beaucoup chez Tchekhov, une mélancolie sereine.
Robert Guédiguian, réalisateur
On n’est jamais surpris et toujours enchanté !
Cet immeuble à Marseille qui s’effondre, c’est à la fois une réalité – 8 morts le 5 novembre 2018 – et une métaphore de tous nos effondrements intimes – le vieillissement – et politiques, climatiques, économiques…alors comment survivre aux ruines qui s’annoncent ? Le réalisateur n’a pas d’illusions, pas de leçons, pas de recettes, juste un regard clair, tendre, énergique et aussi désabusé sur la nécessité de l’engagement, de la solidarité, du lien social…et de l’amour, cet entre-nous, si vache soit-il qui nous offre un toit pour l’hiver.
Pourquoi ça marche chez Guédiguian alors que chez d’autres les mêmes ingrédients tombent à plat ? J’ai une explication nulle, mais à laquelle je tiens énormément : Guédiguian aime sa femme…depuis toujours et pour toujours, encore plus que Marseille, plus que l’Arménie et le Parti communiste réunit !
C’est beau un homme qui aime sa femme.
C’est magnifique un homme qui aime sa femme ! Sa façon de filmer Ariane Ascaride, de s’approcher d’elle, de s’éloigner pour mieux la voir, de tourner autour de son visage, de le mettre en lumière, de l’écouter regarder la mer ou de la regarder écouter la mer – j’ai oublié -, signe cet amour qui irradie la fiction !
Et cet amour se diffuse sur tous ses personnages.