Cinéma en salles : Fario, de Lucie Prost (2024)
Avec Fario, Lucie Prost a sans aucun doute réalisé l’un des meilleurs premiers films français de l’année. Sa façon de titiller nos consciences écologiques (mais pas que), dans un souffle d’onirisme panthéiste à la lisière du fantastique est pour Calisto Dobson une véritable réussite, hantée par une teinte poétique prise entre rêve et réalité
Fario, symbole et protagoniste
La truite Fario (Salmo trutta fario) est une espèce carnassière dont la présence est un indicateur de la qualité de l’eau. À la fois symbole et protagoniste du beau premier film de Lucie Prost, elle en innerve la diégèse.
Léo (le trop rare Finnegan Oldfield), qui vit à Berlin, est un ingénieur spécialiste de l’étude de l’eau à la libido en panne. Il revient dans son village natal pour ce qu’il pense être une formalité; vendre à la commune des terres héritées de son père. La maire qui soutient un projet d’extraction de métaux rares lui demande de convaincre ses proches de céder également leurs parcelles.
Une prise de conscience d’enjeux enfouis
Sa nature que l’on devine angoissée, plongée dans un déni de sa réalité profonde va au gré de sa reprise de contact avec son passé, à la façon d’un courant qui l’entraîne, prolonger ce séjour qu’il pensait éclair.
Piqué par la curiosité, il va investiguer sur la nature réelle des conséquences de l’exploitation de cette mine à ciel ouvert sur l’eau et en particulier sur le comportement des truites Fario. Persuadé que ces dernières subissent une mutation, il passe ses nuits à recueillir des échantillons jusqu’à se laisser envoûter par sa quête.
Pendant ce temps ses retrouvailles avec sa mère (Florence Loiret Caille), sa petite sœur Louise, son cousin Gus, qui a repris la ferme du père de Léo (Andranic Manet, vu récemment dans Le Roman de Jim des frères Larrieu), et Camille son amour adolescent déçu (Megan Northman, dernièrement dans Pendant ce temps sur Terre de Jérémie Chapin), vont peu à peu réveiller en lui un remous d’émotions qu’il pensait enterrées.
Au-delà d’un simple discours écologique
Lucie Prost avec une formidable maîtrise pour son premier long métrage dresse le portrait d’une génération. Celle bien sûr ancrée dans la nécessité de veiller à la préservation de l’environnement. Mais également, ce qui suinte tout le long du film, celle affranchie des préjugés sociaux et sexuels tout en gardant une grande probité quant à leurs comportements. Sans se priver d’émettre par moment des avis tranchés.
Un film d’atmosphère
Ce qui constitue cependant la qualité première du film transparaît dans une mise en scène visiblement mûrement pensée. L’atmosphère qui l’imprègne, à l’aune de son fil rouge (quid des truites Fario?), s’avère hantée par une teinte poétique prise entre rêve et réalité.
La nature environnante, la sarabande des truites dans leur rivière semblent accompagner Léo dans son cheminement intérieur et recèle par là même une dimension fantastico-onirique.
Maîtrisé de bout en bout, Fario mériterait de décrocher au moins une sélection pour le César du meilleur premier film.
avec Finnegan Oldfield, Megan Northman, Florence Loiret Caille, Andranic Manet, Olivia Côte et Camille Rutherford. 90 mn