Cinéma en salles : La fiancée du poète, de Yolande Moreau
« Et si nos mensonges étaient de petits arrangements avec la réalité pour la sublimer ? » Yolande Moreau pour son troisième film après Henri et Quand la mer monte, signe un « conte en forme de fausses pistes ». Sa façon de filmer les immatures ou des faussaires branquignols de la vie, sans qui « la vie serait vraiment triste » a su toucher Patrice Gree. La cinéaste des bons jours sait ajouter cette pincée de poivre indispensable pour relever le goût de ce film généreux.
Mireille bosse dans une cafétéria moche…
Elle y fauche des petits trucs sans intérêt et traficote des paquets de clopes, pour mettre un peu de beurre dans ses épinards. Bonne nouvelle elle vient d’hériter de ses parents une grande et belle demeure bourgeoise. Mais mauvaise surprise, elle est dans un piteux état. Son modeste trafic de paquets tabac ne lui permettant pas de refaire les 150 m2 de toiture, elle décide de prendre des locataires : un jardinier solitaire, taiseux mais bonasse qui aime s’habiller en femme – l’excellent Gregory Gadebois -, un réfugié turc qui se fait passer pour un chanteur américain à succès, et un jeune peintre de talent qui fait des faux sans les signer.
À ces trois personnages sympathiques et décalés, viendra se joindre un plombier, ex-amoureux de Mireille dans sa jeunesse, qui pour lui plaire se fit passer pour le poète « André Pierre de Mandiarguès »…
J’ai toujours été fascinée par les gens qui endossent la personnalité d’un autre… Comme si leur propre vie n’était pas à la hauteur et qu’ils la rêvaient en usurpant l’identité d’un autre. Je me suis interrogée sur le faux, le vrai… Ce qu’il y a de faux dans le vrai et ce qu’il y a de vrai dans le faux…
Yolande Moreau
C’est une histoire où tout le monde ment ! C’est donc une histoire vraie…
Avec plus ou moins de talents, plus ou moins de convictions, aux autres ou à nous-mêmes, pour nous protéger ou se supporter, on se raconte tous des histoires moches ou belles. Parfois le sentiment d’être une fiction, t’étreint quand elle ne te terrasse pas les mauvais jours. Les bons jours, ça te fait rigoler ! Yolande Moreau est la cinéaste des bons jours…
Yolande pose son bel oeil bleu flamand sur le monde des marginaux plus ou moins tordus par la vie.
Pas pour les redresser…non ! Pour les accompagner en poésie dans leurs délires, leurs peurs et surtout leurs gros mensonges…Yolande Moreau a un œil d’oiseau, rond et fixe, comme l’objectif de sa caméra…et aussi un œil d’enfant étonné qui t’interroge. Avec un bâton et trois bouts de ficelle, elle te construit un scénario qui tient la route sinueuse d’une histoire baroque.
La fin du film, parfaitement immorale, met cette pincée de poivre indispensable pour relever le goût de ce film généreux.