Cinéma en salles : Le Deuxième acte, de Quentin Durieux

En ouverture du Festival de Cannes, notre chroniqueur n’a pas été ni découragé par les contradictions de la critique, ni dérouté par la lucidité acide d’un jeu de miroir tendre et corrosif. Quentin Dupieux fait jouer à quatre acteurs de la trempe de Vincent Lindon, Léà Seydoux, Louis Garrel et Raphaël Quenard, … un rôle de ‘grands’ acteurs plus vrais que nature, coincés par leur suffisance et leur facticité. Patrice Gree a beaucoup aimé « Le Deuxième acte », dernier opus d’un réalisateur finement baroque et totalement barré.

C’est l’histoire d’un tournage qui tourne mal…

Quatre stars du ciné qui (cela) jouent, s’engueulent, se réconcilient autour d’un malentendu amoureux et un figurant tétanisé qui les sert à table ! La frontière qui sépare les deux – et te permet de rester digne et debout – n’est pas fermée chez ce réalisateur finement baroque et totalement barré ! Elle est même grande ouverte. La dernière scène, tragique, en témoignera dans ce film fondamentalement pessimiste et profondément drôle. Quentin Dupieux (Daaaaaalí ! (2023), Le Daim (2019)…) aime déstabiliser les spectateurs et laisser les acteurs jouer comme des fous avec leurs personnages. Il en fait des enfants de la baballe…

Dupieux prend un malin plaisir à nous perdre entre la fiction et la réalité.

Ce doit être jubilatoire de travailler avec ce metteur en scène ! Si le réalisateur est économe, pour ne pas dire radin en décor – un maigre bout de campagne entraperçu dans un travelling aussi long qu’un Paris Marseille en Micheline, et une salle de resto moitié vide, moitié glauque, filmée comme « Au Théâtre ce soir ».
En revanche, c’est un gros et généreux dépensier en dialogues incisifs, nerveux, percutants, vachards, cyniques et surtout extrêmement drôles !

La pauvreté du décor est au service de la richesse du scénario faussement plat !

Les 15 premières minutes du film résument à travers un échange serré entre le taciturne DavidLouis Garrel – et le délirant WillyRaphaël Quenard -, les problématiques d’aujourd’hui…celles qui déclenchent toutes les polémiques violentes sur les réseaux sociaux : le fameux « on ne peut plus rien dire », tarte à la crème de ceux qui n’ont jamais eu, dans le fond, grand chose d’intéressant à dire.

Le deuxième acte, de Quentin Dupieux Photo Chi-Fou-Mi Productions – Arte France Cinéma

On peut toujours tout dire.

Le brouhaha des réseaux sociaux en témoigne, mais le risque en retour de déclencher des mises au pilori pour les célébrités toujours attendues avec une gourmandise crade au tournant des scandales préfabriqués…est énorme. Cette scène franchement hilarante, fait écho à la volée de bois vert que Vincent Lindon vient aujourd’hui de se prendre par des féministes !

L’intelligence artificielle qui dirige d’une main de fer les personnages du film en rajoute une couche épaisse dans la noirceur des propos du cinéaste. Le figurant joué par Manuel Guillot, au milieu des stars, est le passager clandestin du film… celui qui fera exploser la réalité au moment où les masques et le rideau tombent.
La scène où Vincent Lindon sollicité par un grand cinéaste, tourne en ridicule sa posture morale crédible est franchement jouissive. Cette course à l’échalote entre le tragique et le comique est la signature du cinéaste !
À la fin du tournage il se collera une fausse moustache pour « redevenir lui-même »…

Une merveille de lucidité tendre et cruelle sur les acteurs toujours un peu en représentation…consentants et victimes à la fois du star système.

Patrice Gree