Cinéma en salles : Le Règne animal, de Thomas Cailley (2023)

avec Romain Duris, Paul Kircher et Adèle Exarchopoulos.

Avec Les Combattants en 2014, un premier essai plus que prometteur, Thomas Cailley portait un regard original sur ce qui peut tourmenter la jeunesse de cette première moitié du 21ème siècle. Près de 10 ans plus tard, le réalisateur signe pour Calisto Dobson un très bon film de genre, et alerte sans manichéisme et surtout tout en finesse d’écriture et de mise en scène, sur les enjeux civilisationnels sur lesquels nous ne pouvons plus fermer les yeux.

Un 1er film révélateur

« Les Combattants » en 2014 (couvert de prix dont le César du meilleur premier film), qui avait révélé le tempérament ardent de la désormais passionara féministe Adèle Haenel ainsi que la présence flegmatique de Kévin Azaïs, reste dans les mémoires comme le portrait hors des sentiers battus d’une jeunesse prête à se donner les moyens de répondre à ce qui l’oppresse.

Thomas Cailley tient les promesses de ses Combattants.

Son deuxième opus, après une incursion plutôt bien accueillie dans le monde des séries avec Ad Vitam (visible sur Netflix), Le Règne animal nous offre une veine fantastico-horrifico-humaniste d’une grande intensité.

Dès le début du film, le ton est donné, une mutation considérée comme une maladie par l’ensemble de la société, transforme certains êtres humains en animaux fantastiques. À ce titre, il faut noter le très beau travail fait sur les effets spéciaux.

Un père (Romain Duris dans un de ses rôles le plus habité) et son fils (remarquable Paul Kircher qui après Le Lycéen de Christophe Honoré s’affirme comme un acteur à l’avenir tout tracé), se trouvent désorientés mais déterminés à faire face au changement opéré chez son épouse pour l’un et sa mère pour l’autre.

Romain Duris et Paul Kircher dans Le Règne animal, de Thomas Cailley (2023) Photo Nord-Ouest Films – Studio Canal Artémis Prod

Plusieurs fronts simultanés

L’hostilité générale ambiante engendrée par la peur des bestioles telles que nommées par des belligérants adeptes de la traque et l’enfermement permet à Thomas Cailley d’aborder de front plusieurs questions qui taraudent notre époque. La plus évidente, l’intolérance, pour ne pas employer un mot encore plus explicite, face à ce qui est différent et que nous ne comprenons pas.

Plus au cœur de son dispositif, le réalisateur revient à ce qui était abordé d’une façon moins frontale dans Les Combattants, un retour à la nature et par là même la reconnaissance de notre animalité. En amenant différents points de vue finement proposés, certains désignent ces êtres en passe de muter jusqu’à en devenir un animal de créatures et opposent une cohabitation pacifique aux aux partisans de la chasse.

Adèle Exarchopoulos et Romain Duris dans Le Règne animal, de Thomas Cailley (2026) Photo Nord-Ouest Films – Studio Canal Artémis Prod

Bien sûr plane tout le long du film sans jamais la poser la question de l’avenir du monde et celui de la planète. Un évident discours environnementaliste par le sort que nous réservons aux animaux, tels que nous les connaissons (plusieurs détails pointent notre façon de consommer de la viande), mais également par la façon dont nous nous octroyons le droit d’être les maîtres des lieux.

D’un point de vue strictement cinématographique, la réussite est totale, dans le sens où la dramaturgie l’emporte toute la durée du film sans qu’à aucun moment ne baisse l’intensité de la narration.

Romain Duris et Paul Kircher dans Le Règne animal, de Thomas Cailley (2028) Photo Nord-Ouest Films – Studio Canal Artémis Prod

Par petite touche, un très bon film de genre

Thomas Cailley et sa co-scénariste Pauline Munier sont parvenus à distiller, au travers de ce que John Ford qualifierait d’abord d’une « bonne histoire« , une démangeaison dans le fond de nos consciences. Sans le dire explicitement, sans aucune leçon péremptoire, à l’aide de la simple stimulation de nos émotions, Le Règne animal est un parfait exemple de ce que peut être un très bon film de genre en France. Il réussit à évoquer de façon magistrale sans manichéisme et surtout tout en finesse d’écriture et de mise en scène les problématiques anxiogènes de cette première moitié de 21ème siècle sur lesquelles nous ne pouvons plus fermer les yeux.

#Calisto Dobson