Cinéma en salles : Le roman de Jim, d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu

Le mélo a mauvaise presse. La mièvrerie lui colle à la peau. Mais il y a mélo… et mélo pour Patrice Gree! Les frères Arnaud et Jean-Marie Larrieu (L’Amour est un crime parfait) nous servent avec « Le roman de Jim » adapté du roman de Pierric Bailly (POL) un très joli mélimélo de sentiments humains puissants, tout en nœuds serrés et nuances subtiles sur l’amour et la paternité.

Très peu de film abordent la paternité, sous l’angle de « l’adoption ».

Les champs de la maternité sont labourés, ensemencés, arrosés, cultivés et cueillis par la littérature et le cinéma, qui en feront des bouquets de fleurs odorantes et colorées ou de ronces sèches et piquantes, selon l’histoire personnelle du metteur en scène.
Mais la paternité est souvent laissée en friche, en terrain vague.

Karim Leklou incarne magnifiquement le père dans Le roman de Jim, d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu Photo Guy Ferrandis SBS Productions

Pourquoi ? Aymeric, joué par le formidable Karim Leklou, est un homme doux, avec quelque chose de l’édredon dans sa façon d’encaisser les coups de la vie.
Cet homme gentil, au caractère un peu passif, après une bêtise de jeunesse, qui l’enverra en prison pour un cambriolage auquel il a modestement participé, se révélera honnête et courageux en refusant de dénoncer ses complices. On devine qu’il a payé pour eux !
Sorti de prison, de petits boulots en petit boulots, de boites en bals, la vie va, sans histoire, ni attraits particuliers, dans ce coin aux apparences paisibles du Jura profond, jusqu’au jours où Aymeric rencontrera Florence, une ancienne collègue à la sortie d’un dancing. Florence est une femme de caractère, enceinte jusqu’aux yeux d’un homme sans caractère, marié, père de deux enfants, un amant de passage, fuyant ! Florence garde l’enfant, il s’appellera Jim, comme dans la chanson de Souchon  ! Aymeric, tombe amoureux de Florence et découvre avec Jim, les joies inattendues de la paternité ! Aymeric devient le père de Jim et Jim sera le fils d’Aymeric !

Le roman de Jim, d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu Photo Guy Ferrandis SBS Productions

La confiance, l’amour et l’engagement, plus qu’un acte à la mairie, signent la paternité d’Aymeric !

Mais, quelques années plus tard…l’amant disparu après la mort accidentelle de sa femme et de ses enfants, réapparait ! L’amant redevient l’amant, et le père adoptif à coups de mensonges monstrueux et destructeurs, sera écarté par la mère !

Sa soif de liberté qui est toujours sympathique et en rien illégitime, semble la dédouaner de sa responsabilité vis-à-vis de son fils.

La liberté à un prix…mais c’est le fils qui paiera la note !

Le roman de Jim, d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu Photo Guy Ferrandis SBS Productions

Ce n’est pas dans la tendresse échangée entre Jim et Aymeric que tu sens la puissance du lien entre le père et le fils, mais bien dans la détresse de la séparation provoquée à coups de mensonges par la mère…

Il y a une scène d’escalade extraordinaire, qui dit tout de la douleur d’un fils ayant vécu l’abandon supposé d’un père aimé. C’est là que les frères Larrieu au-delà de l’histoire, posent les bonnes questions…sans y apporter de réponses évidemment !

Le père tient sa légitimité, par la qualité du lien qu’il créer avec l’enfant bien sur, mais aussi par le discours de la mère sur lui… La mère fait aussi le père !

Même si ce n’est pas son propos, ce film singulier nous interroge dans ses marges sur ce que signifie être père !

 Cette question inévitable, une fois dépassée les clichés simplistes et toujours pénibles sur l’éducation des enfants, nous taraude.
Tant de choses nous échappent !

Pour une fois les affiches n’ont font pas des tonnes dans le superlatif …

Le roman de Jim, d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu Photo Guy Ferrandis SBS Productions

Le roman de Jim est un film assez bouleversant porté par un acteur formidable, Karim Leklou.

Son jeu me fait dire que les hommes aux formes arrondies, en léger surpoids, au regard lourd, laissant passer une forme de naïveté poétique et charmante qui en dit long sur la profondeur de leurs pensées complexes, inspirent spontanément confiance…

Je ne sais pas pourquoi, mais cette idée me réconforte !

Patrice Gree

avec Karim Leklou, Laetitia Dosch, Sara Giraudeau, Bertrand Belin, Noée Abita, Andranic Manet, Eol Personne, Mireille Herbstmeyer, Suzanne de Baecque, Sabrina Seyvecou, Robinson Stévenin.

A lire :
Le cinéma d’ Arnaud et Jean-Marie Larrieu, entretien avec Quentin Mével, Les Presses du réel, 2015

« Les Larrieu sont des montagnards qui savent combien les chemins tout tracés sont ennuyeux (…) mais aussi que l’improvisation sans cadre peut-être fatale (…). Leur art, à la fois aventureux et rigoureux, consiste à trouver un naturel équilibre entre le formalisme et la volupté. … Marcos Uzal