Cinéma en salles : Les Survivants, de Guillaume Renusson (2022)

Ce premier long-métrage se passe des indulgences habituelles pour Patrice Gree tant la maîtrise de Guillaume Renusson crève l’écran ! Le choix des acteurs joue son rôle dans cette réussite ! Denis Ménochet et Zar Amir Ebrahimi sont à la hauteur des paysages qu’ils traversent et de la tragédie qui se cristallise. L’actrice Iranienne exilée, récompensée à Cannes pour Les nuits de Mashhad est particulièrement convaincante de son rôle de migrante traquée !

Un western contemporain, entre mountain movie et course de survie

Samuel (Denis Ménochet) est veuf. Sa femme, décédée dans un accident de voiture dont il porte la responsabilité, hante ses jours et ses nuits. En retournant au chalet familial, en territoire italien, pour le vider de ses souvenirs, il découvre planquée, terrorisée, Chehreh (Zar Amir Ebrahimi) une réfugiée afghane qui a elle aussi perdue son mari ! Après un moment d’hésitation, il se décide à l’aider. C’est une clandestine…comme lui, mais pas pour les mêmes raisons ! Traqué par sa culpabilité pour l’un, par l’urgence de survie, pour l’autre, la cavale s’accélère quand une milice de fascistes veulent sa peau !

Lorsqu’on apprend que 150 migrants sont morts, on s’en fout.
Mais si on décortique les destins de chacun, là on est choqué.
Guillaume Renusson cnews. 0301 2023

Ce beau film de genre est le récit de deux fuyards.

Le regard lourd de Denis Menochet apporte à son personnage silencieux une épaisseur humaine assez bouleversante.
Sans qu’elles ne se confondent, il y aura bien deux frontières à franchir ! L’une sépare l’Italie de la France, l’autre, intériorisée, le rejet haineux et affiché, de l’accueil à haut risque ! La neige en fond… Le blanc qui alors, envahit ici l’écran fait ressortir là, la noirceur de l’âme humaine.

Montrer aussi comment, à 3.000 mètres d’altitude, certains s’accaparent la loi.
Et le tout, avec des codes de fiction.
Guillaume Renusson cnews. 0301 2023

Quelque chose de sauvage

La caméra, au plus près, dans un corps-à-corps tendu suit la longue traque essoufflée des fugitifs dans la poudreuse…de jour, en plan large sur les paysages somptueux du Briançonnais, de nuit, tremblante, à la lampe torche ! Il y a quelque chose de sauvage, d’animal, dans cette traque humaine. Le réalisateur a su contourner habilement, in fine, le piège de l’histoire d’amour naissant entre les deux fugitifs… évitant ainsi le risque d’effacer le message politique.

Car quand le dialogue entre les citoyens devient impossible,
qu’il y a cette opposition, jusqu’où la violence peut-elle aller ?
Guillaume Renusson cnews. 0301 2023

Une réalité effrayante

Ce film, rythmé comme un polar, alternant pas lents, pesants, dans la neige et courses effrénées dans les bois, dénonce une réalité effrayante : la traque aux réfugiés organisée par des groupes d’extrême droite – Génération identitaire – qui portés par une jouissance de chasseurs, sillonnent les points de passage possibles aux cols des frontières. Ces milices, formées de plusieurs dizaines d’hommes et de femmes, encerclant alors, leurs proies humaines affolées…

Fort et beau film !

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