Cinéma en salles : L’usine, le Bon, la Brute et le Truand, de Marianne Lère Laffitte
Nous avions suivi l’affaire dès les premières heures de la mobilisation, en 2019, sensibilisés par Arnaud Dauxerre, l’un des protagonistes, alors sympathisant de Culture Papier et Brigitte Legeay-Coste, experte passionnée par l’industrie papetière mais surtout convaincue par ce juste combat. J’avais même visité l’usine.
Un véritable paquebot en parfait état de marche, impressionnant par ses dimensions.
Fondée en 1927, la papeterie de Chapelle-Darblay est un maillon essentiel du recyclage français, soit l’équivalent du tri de 24 millions d’habitants par an. Mais en 2019, son propriétaire finlandais UMP décide de la mettre en vente et de licencier les 217 employés du site. C’est alors que se mobilisent les trois salariés dont le film relate le combat
Un combat, exemplaire à plus d’un titre
Sur les protagonistes en premier lieu : Il associe deux ouvriers syndicalistes encartés CGT et un cadre sans étiquette, puis la CGT et Greenpeace au travers le collectif Alliance écologique et sociale, unis dans un combat commun : sauver l’usine et ses salariés. Histoire d’hommes mais aussi histoire de principes : à l’heure du changement climatique des énergies renouvelables, où le gouvernement impose des pourcentages d’utilisation de papier recyclé, il faudrait le faire venir hors de France ?
« J’ai été happée par ce combat unique, mêlant conscience écologique, lutte sociale et surtout, intelligence collective. Un combat inspirant et qu’il est nécessaire de faire connaître auprès du grand public. J’aimerais aussi que ce film ouvre la voie et montre qu’il est possible de contrecarrer des décisions de grands groupes qui, trop souvent, broient toute perspective d’avenir » déclare Marianne Lère Lafitte.
L’usine, le bon, la brute et le truand retrace avant tout une aventure collective qui, je le souhaite, donnera de l’espoir, à tous ceux qui se battent pour sauver leur emploi tout en inventant un modèle industriel respectant l’environnement.
Marianne Lère Lafitte, réalistratice
Sans voix off
La réalisatrice ne voulait pas de voix off pour les explications, elle a donc choisi une chanteuse lyrique, Claire Gadéa, qui a divers moments du film, chante ce qui pourraient être les didascalies. Inattendus, ses chants apportent une dimension plus dramatique au documentaire qui se regarde comme une enquête à suspense, une intrigue à rebondissements sur fond de bataille sociale.
Témoin et aiguillon à la fois
Ce film a aussi aidé à faire bouger les lignes à Bercy, en étant utilisé comme un outil de propagande. « Il fallait qu’une solution soit trouvée avant sa sortie. »
Plusieurs acteurs locaux se sont mobilisés : l’ex députée Stéphanie Kerbach, le président de la Communauté de communes de Rouen, Nicolas Meyer-Rossignol…
Les protagonistes
Julien : LE BON, 39 ans, papetier à Chapelle de père en fils, Julien est embauché en intérim à l’âge de 19 ans. Il commence à la bobineuse, le poste de travail le plus bas dans l’échelle papetière. Après une année, son CDD se transforme en CDI. Levé́ tous les jours à 4 heures du matin, six jours d’affilée avec quatre jours de repos, Julien a ensuite grimpé les échelons. En parallèle, il est élu secrétaire du CSE (Comité Social et Économique), l’instance de représentation du personnel dans l’entreprise.
Cyril : LA BRUTE, 46 ans, papetier depuis 1998, il s’est formé à tous les postes de la fabrication du papier journal. Syndiqué dès son arrivée à Chapelle Darblay, il est élu délègué syndical et secrétaire du syndicat CGT Chapelle-Darblay.
Arnaud : LE TRUAND, 53 ans, Après avoir exercé plusieurs postes de management dans le domaine des services à l’environnement au sein d’un grand groupe français, Arnaud a rejoint l’industrie papetière en 2007. Diplômé d’un master en environnement et de sciences politiques, il avait en charge les achats de matières premières recyclables et les relations institutionnelles. Représentant des cadres sans étiquette, il décide de s’associer au combat du syndicat pour sauver l’usine.
Une belle histoire positive
Désormais une solution a été trouvée avec le consortium industriel Veolia/Fibre Excellence, même si tout n’est pas encore réglé et la remise en marche de l’usine est encore lointaine. Beaucoup d’anciens salariés ont retrouvé un emploi, d’autres sont partis à la retraite….
Reste que ce film documentaire relate une belle histoire positive, pose la question des syndicats dans le monde du travail. C’est aussi une histoire d’amitié entre trois hommes. Avec des moments de doutes, d’engueulades, mais « le fait d’avoir été trois nous a permis de trancher la meilleure stratégie et également tenir, quand l’un flanchait, les deux autres le soutenaient » analyse avec le recul Arnaud Dauxerre qui au moment de la mobilisation a décidé de rejoindre le combat des ouvriers.
J’ai décidé très vite, presque instinctivement. Je voulais sauver l’usine.
Arnaud Dauxerre
Après une avant-première à Rouen le 23 novembre dernier, il a été présenté au Cinéma Saint-André-des-Arts en la présence de la réalisatrice, des producteurs, du distributeur, et des protagonistes ainsi que de Philippe Martinez. Sorti le 3 janvier, le film est peu distribué malheureusement. Si certains cinémas veulent faire vivre ce combat, l’appel est lancé.
Production : Anne Schuchman-Kune
Montage : Steven Gaborieau
Musique originale/ montage son et mixage : Léon Rousseau Prises de vue intérieur usine : Pierre Warolin
Etalonnage : Jean Ousmane Voix mezzo : Claire Gadéa
Une coproduction Schuch Productions Joparige Films en association avec Steamboat Films Distribution : Patrick Hernandez – Next Film Distribution