Cinéma en salles : Miséricorde, de Alain Guiraudie

Drôle de drame dans un drôle de film… Miséricorde, le 7e film d’ Alain Guiraudie (Viens je t’emmène, Rester vertical) est passé sous les radars. Pas celui de Patrice Gree qui a pris un sacré plaisir à se laisser prendre par cet étonnant film d’atmosphère ! Qui grattent pas mal le spectateur sur les notions de culpabilité, de remord et j’en passe. Sans oublier, un curé qui a une conception très personnelle de la justice humaine.

Pour les amateurs d’atmosphère, il y a matière !

Jérémie (Félix Kysyl), la trentaine bien tassée, quitte Toulouse où il exerçait le métier de boulanger, pour assister à l’enterrement de son ancien patron à Saint-Martial, son village natal. Il y retrouve deux amis d’enfance, dont Vincent, le fils du mort. La veuve interprétée par Catherine Frot, dont la voix ébréchée laisse entendre les blessures intérieures, loge pour l’occasion Jérémie. Vincent, qui soupçonne Jérémie de vouloir séduire sa mère, le vit très mal…et ça dérape !

Catherine Frot éclaire Miséricorde, de Alain Guiraudie Photo Xavier Lambours Les Films du Losange

Et ça dérape sévère, en silence et dans tous les coins.

 Mais ce sont des dérapages parfaitement contrôlés par Alain Guiraudie, metteur en scène, peu connu du bon gros public dont je fais intimement partie. Derrière la caméra, tu sens une main de maître qui contrôle au millimètre près la dramaturgie oppressante, décalée et étonnamment comique d’un scénario totalement amoral, dans un décor de village mourant, au cœur d’une forêt humide, grise, de fin d’automne, où les personnages, tous inquiétants, à l’innocente recherche de champignons comestibles se croisent et se recroissent… pas tout à fait par hasard !

Les films qui m’intéressent cherchent à bousculer, ils observent et montrent le monde sous un angle singulier. Et ici j’ai choisi de réinterroger ou de bousculer quelques règles morales établies, notamment sur la question de la culpabilité, du remords, du pardon et bien entendu sur jusqu’où peut (doit) aller l’amour du prochain.
Alain Guiraudie

Miséricorde, de Alain Guiraudie Photo Xavier Lambours Les Films du Losange

Une conception très personnelle de la justice humaine

Un gendarme septique qui boit le pastis pendant le service, un assassin d’une grande douceur, une veuve troublée, un fils ambiguë, un ami solitaire, et un curé équivoque avec une conception très personnelle de la justice humaine… Voilà le décor ! Ce curé qui apparaît régulièrement au bois, tel un fantôme, toujours au moment décisif, est peut-être, sous son rôle secondaire, en réalité le personnage principal du film.

Félix Kysyl et Jacques Develay, Miséricorde, de Alain Guiraudie Photo Xavier Lambours Les Films du Losange

Un curé baroque, plus malin que le gendarme intuitif

Il mettra le masque du mensonge, pour dévoiler la vérité… La vérité des personnages qui se perdent dans le labyrinthe de désirs sexuels inassouvis, avoués sous le manteau.
Un très bon film…

Patrice Gree

avec Félix Kysyl, Catherine Frot, Jacques Develay, Jean-Baptiste Durand, David Ayala.