Cinéma en salles : Reste un peu, de Gad Elmaleh (2022)

Avec Gad Elmaleh, Régine Elmaleh, David Elmaleh, Judith Elmaleh (1 h 33)

Avec cette comédie familiale construite avec justesse d’une conversion personnelle, Gad Elmaleh signe un film aussi intime que profond sur l’expérience spirituelle. La réussite de Reste un peu tient à son équilibre entre réflexion et humour, entre fiction et réalité, grâce à une écriture subtile et l’implication de sa propre famille. Juste un bon moment à passer après ça ira mieux….

J’aime l’idée d’être ambigu. Je m’interroge.
Je bouscule mon identité, ma pratique, ma religion.
Gad Elmaleh

Un « coming out spirituel »

Gad Elmaleh de retour à Paris après 3 longues années passées aux Etats Unis prétexte le désir de revoir ses amis, sa famille, le mal de Paris. Alors que son retour est motivé par une femme ! Mais par n’importe laquelle : la sainte vierge vers qui il veut se tourner en lui offrant sa foi. Cette passion spirituelle, l’humouriste la cultive depuis son enfance à Casablanca, quand il est entré dans l’église malgré l’interdiction de ses parents. A 50 ans, celui qui fut « éduqué dans une famille juive avec une éducation sépharade pas religieuse, pas orthodoxe, mais traditionaliste » se sent enfin prêt la conversion, pour un grand saut vers le catholicisme, surtout vers Marie. Ses (vrais) parents qui se font une joie de recevoir l’enfant chéri sous leur toit vont tomber des nues lorsqu’ils découvrent par hasard le mobile de son retour ….

Toute cette histoire du vivre ensemble, c’est bien beau,
mais si on ne sait pas où on en est nous-même,
on ne peut pas comprendre l’autre. 
Gad Elmaleh

De Woody Allen à la cellule de crise familiale

Gad Elmaleh pour son film Reste un peu, s’est appuyé sur son père et sa mère Photo DR

Le ressort est digne d’un Woody Allen où la psychanalyse s’entortille avec la dérision d’un quotidien bricolé à Paris teintée d’une façon de vivre à la ‘casablancaise.’ Pour plus de réalisme et d’intimité, Gad n’a pas hésité à « engager » au sens propre et figuré toute sa famille, son père lui-même mime de profession, sa mère, sa sœur, son meilleur ami,… et nous plonge avec gourmandise dans une cellule de crise familiale, où les préjugés se cognent à l’amour filial, les interrogations aux incrédulités des intimes.
Les situations cocasses se précipitent où le rire est jubilatoire au cœur de moments d’intenses réflexions aux cotés de philosophes spécialistes des religions comme Michel Noir ou la rabbine philosophe Delphine Horvilleur qui élève le débat sur le possible et l’impossible. Au fil des échanges, Gad Elmaleh nous invite à prendre parti sur cette dialectique du bonheur, qui réserve tant  d’inconnues : peut-on être vraiment heureux si l’on est incompris de ceux qu’on aime ?

J’ai une âme de comédie!
Elle est donc présente, mais différemment.
Elle est au service du sens, de thèmes sérieux et importants à mes yeux.
Gad Elmaleh

Prises de conscience et de cœur

Cette quête spirituelle qui se frotte au réel et à l’affection de ses proches s’inscrit dans le droit fil du magnifique bestseller initiatique, Je m’appelle Asher Lev du Rabbin américain Chaim Potok (1929-2002) publié en 1972. A sa sortie, Victor Malka du Monde écrivait : « Dans toute famille juive – américaine ou pas – il y a des conflits et des ruptures de cette nature. Parfois c’est l’art qui les provoque. Le plus souvent, c’est la difficulté pour les fils de continuer à vivre intensément des traditions vénérables transportées par les pères dans leurs bagages d’immigrants. »

Avec sa propre sensibilité, et son sens indéniable du comique,  Gad Elmaleh en brossant sans artifice ni simplification de l’intérieur une conversion inspirante tisse les fils d’une métaphysique rayonnante, sans prise de tête mais une prise de conscience de sens et de cœur. Plutôt culottée et joyeuse.

Allez restes un peu je n’aime pas quand tu t’en vas….

#Régine Glass