Cinéma : Hommage au réalisateur Monte Hellman (1929-2021), référence de Jarmush et Tarantino

Filmographie sélective visible sur YouTube
L’Ouragan de la Vengeance (Ride in the Whirlwind,1964)La Mort Tragique de Leland Drum (The Shooting, 1966) Macadam à Deux Voies (Two-Lane Blacktop, 1971) Cockfighter (1974)

Incarnation du cinéaste culte, autant pour l’influence de quelques films (The Shooting, Two-Lane Blacktop) que pour la qualité des réalisateurs qui s’en  revendiquent ; Jim Jarmusch, Quentin Tarantino, Gus van Sant et Kelly Reichardt, la disparition de Monte Hellman, figure tutélaire  marque la fin d’un style référence du cinéma indépendant américain. 

Dans l’écurie Corman

C’est sous la houlette de Roger Corman, le magnifique producteur de la série B de genre à petit budget et débusqueur de réalisateurs d’avenir (Scorsese, Coppola, Jonathan Demme…) que Monte Hellman réalise son premier long métrage en 1959, sobrement intitulé La Bête de la Caverne Hantée. Le pied à l’étrier, il ne rate pas sa chance.

Un compagnonnage fertile avec Jack Nicholson

1960, avec The Wild Ride, Hellman prend goût au montage qu’il effectuera ensuite sur la plupart de ses films. Ce tournage fauché lui permet de faire connaissance avec le tout jeune Jack Nicholson (non crédité). C’est l’acteur qui coécrit et joue dans la seconde réalisation de Monte Hellman Flight to Fury, une co-production américano-philippine d’aventures guerrières. La même année en 1964, s’ensuit Back Door to Hell, autre co-prod’ du même acabit toujours avec Nicholson devant la caméra.

Deux westerns culte à contre-pied du genre

  1. L’Ouragan de la Vengeance lance le concept du western existentiel, coproduit, écrit et interprété par Jack Nicholson dans lequel s’ébroue Cameron Mitchell mais également le débutant Harry Dean Stanton.
  2. The Shooting récidive, toujours avec Jack Nicholson, auquel se joint Warren Oates (qui tournera deux autres films avec lui). L’originalité de l’approche de Monte Hellman dans ce genre particulièrement codifié est qu’il ne s’y intéresse pas. En tout cas pas directement, l’action lui importe peu, ce qui lui tient à cœur ce sont les moments … où il ne se passe rien.

Cette radicalité – à contre-pied des canevas hollywoodiens bien verrouillés – va inspirer Dead Man de Jim Jarmusch, Gerry de Gus Van Sant ou encore La Dernière Piste de Kelly Reichardt, autant de piliers créatifs de Nouvelle Vague américaine. Dans un autre registre, à la même période apparaissent des films tout aussi indépendants face à l’usine hollywoodienne; de John Cassavetes (de Shadows à Faces pour faire court), à Arthur Penn avec Mickey One, jusqu’à Shirley Clarke pour The Connection ou encore Barbara Loden avec Wanda
Autant d’exemples réussis d’un cinéma d’auteur (terme rarement employé à cette époque aux Etats-Unis), fondé sur de petits budgets, avec des acteurs inconnus, voire débutants, en décors naturels, parfois même sur le vif, quelquefois improvisé.

L’acmé en 1971 avec Macadam à Deux Voies

Ce road movie déjanté aussi iconique que Point Limite Zéro de Richard C. Sarafian comptent parmi les deux films auxquels Tarantino rendra un hommage énamouré avec son Boulevard de la Mort. L’obsession américaine pour les grosses cylindrées vrombissantes dévorant du bitume, telles que racontées dans certaines chansons de Bruce Springsteen (Thunder Road, Racing in The Street ou encore State Trooper), ce film reste une ode à la liberté tout autant qu’une dénonciation de l’illusoire rêve américain.
Thématique reprise trois ans plus tard dans Cockfighter d’après un roman de Charles Willeford, interprété par le fulgurant Warren Oates qui reste la dernière réalisation marquante de Monte Hellman. En tirant le portrait d’un parieur de combats de coq qui semble prêt à tout pour perdre, le réalisateur dessine en creux celui d’une Amérique courant à sa perte.

Quatre films qui resteront dans l’histoire comme les (premières) bases d’un cinéma indépendant et engagé, loin de l’usine à rêves, portant un regard acide sur l’amérique contemporaine, tel qu’il se déploiera au travers du fameux festival de Sundance.

Trois autres réalisations (China 9, Liberty 37 (1978), Inside the Coppola Personality (1981) Silent Night, Deadly Night 3: Better Watch Out! (1989) suivront qui restent sans doute encore à réévaluer d’autant qu’ils n’ont jamais été montrée en France. Le titre de la dernière Road to Nowhere, en 2010 ne présage en rien de la portée de cet héritage …. aux multiples ramifications, celle de Tarantino n’étant que la plus nourrie…