Cinéma : Hommage Dean Stockwell, second rôle captivant (1936-2021)

Avec Dean Stockwell (5 mars 1936 – 7 novembre 2021) disparaît sans doute le dernier acteur enfant star de l’âge d’or d’Hollywood. Des premiers rôles de son enfance (il a 7 ans lorsqu’il tourne son premier film, La Vallée du jugement en 45) à Max Rose en 2013), ce second rôle dirigé par les plus grands réalisateurs laisse deux grands prix d’interprétation au Festival de Cannes, en 1959 pour Le Génie du Mal de Richard Fleischer et en 1962 pour Long Voyage vers la Nuit de Sidney Lumet ainsi qu’une flopée d’apparitions marquantes à la télévision (Code Quantum).

Aujourd’hui on se souvient de Dean Stockwell pour son rôle dans la série Code Quantum  diffusée à l’orée des années 90 en France. Pourtant il ne s’agit là que de l’arbre qui cache la forêt. De ses prestations marquantes d’enfant star  telles que celles de La Vallée du Jugement de Tay Garnett (1947), Le Mur Invisible d’Elia Kazan (1947) en  qui lui vaut un Golden Globe de la Jeunesse au Garçon aux Cheveux Verts de Joseph Losey (1948) , sans oublier la merveille méconnue The Happy Years de William A. Wellman (1950), Dean Stockwell aura réussi à constuire une solide carrière autant au cinéma qu’à la télévision. Elle est marquée par deux grands prix d’interprétation au Festival de Cannes. Seul acteur à remporter ce prix deux fois avec, excusez du peu, Marcello Mastroianni et Jack Lemmon.

L’archétype du second rôle marquant

De Wim Wenders, Francis Ford Coppola, David Lynch ou encore William Friedkin et Robert Altman, la reconnaissance de  de réalisateurs prestigieux confirment son aura particulière  à incarner des seconds rôles solides et captivants.

Un enfant de la balle

Né le 5 mars 1936 en Californie, il est le fils de l’acteur Harry Stockwell,  qui prête sa voix au prince de Blanche Neige et les 7 nains , le dessin animé de Walt Disney.

C’est à l’âge de raison qu’il débute sur les écrans dès la fin de la deuxième guerre mondiale. Très vite confronté à tous les genres avec les plus grands des deux côtés de la caméra ;  comédie musicale Escale à Hollywood  de George Sidney avec Gene Kelly et Frank Sinatra, aventures, Les Marins de l’Orgueilleux d’ Henry Hathaway avec Richard Widmark (49),  il aborde aussi l’adolescence, Stars In My Crown de Jacques Tourneur, The Happy Years de Wellman, et Kim de Victor Saville, réalisateur oublié de ce classique de Kipling, aux côtés d’Errol Flynn, les trois films tournés la même année en 1950.

Une carrière d’adulte et quelques pépites

Dean Stockwell a fait partie de la troupe de David Lynch, ici dans Dean Blue Photo DR

Contrairement à beaucoup d’autres enfants star contemporains, cinématographiquement, il traverse la puberté sans encombre et c’est à 23 ans qu’il décroche son premier prix cannois en 1959. Le Génie du Mal est directement adapté d’une pièce de théâtre, elle-même inspirée par un terrible fait divers, l’assassinat par deux jeunes gens d’un de leur congénère afin de prouver leur supériorité intellectuelle. Alfred Hitchcock avec La Corde  en 1948 en avait tiré sa version avec le brio que l’on sait en unique plan séquence.

Dean Stockwell passe au travers des années 60 en seulement quatre films, dont celui qui lui permet de remporter son deuxième trophée cannois ainsi que Psych Out, curiosité  de Richard Rush estampillée sixties, entouré des jeunes Jack Nicholson et Bruce Dern.

S’il y fait partie de l’odyssée The Last Movie, de Dennis Hopper, (réalisateur deux ans plus tôt du cultissime Easy Rider), film aujourd’hui réévalué qui a marqué son époque par son tournage notoirement apocalyptique et son bide stratosphérique, les seventies se révèleront plutôt pâlottes pour Stockwell, une sorte d’antichambre de l’oubli qu’il sillonne sans grande conviction.

La renaissance avec les années 80

Tout d’abord en 1982 pour l’avant dernier film de Richard Brooks Meurtre en Direct avec Sean Connery. D’une certaine façon, ce rôle annonce la série de personnages en retrait et cependant prééminent qu’il incarnera au cours de cette décennie. En 1984 il tourne dans Paris Texas de Wim Wenders, Palme d’Or au festival de Cannes. La même année il est le docteur Yueh qui trahit le Duc Leto dans la version controversée du Dune de David Lynch. Rôle auquel il insuffle une part d’ombre diffuse qui apporte au personnage une indicible mélancolie parfaitement raccord à son initiative mortifère et funeste.

Il apparaît également en avocat dans le superbe film noir chromé de William Friedkin Police Fédérale Los Angeles. Mais c’est sans doute le rôle du particulièrement inquiétant Ben dans Blue Velvet de David Lynch, (ce qui n’est pas rien comparé à son compère de psychopathe Frank Booth joué par Dennis Hopper ) qui sera l’acmé de sa séquence eighties. Entouré d’une faune de petites frappes bien il y chante In Dreams de Roy Orbison en un playback qui ensorcelle le dérangé Frank Booth. Il a désormais acquis une nouvelle stature qui lui permet de tourner avec Francis Ford Coppola dans deux œuvres sous-estimées d’abord Les Jardins de Pierre puis Tucker où dans une scène de pénombre il incarne avec maestria en une ou deux minutes l’inquiétude refoulée du milliardaire Howard Hughes qui finira dans la paranoïa.

La récompense pour sa prestation pour Tucker viendra en “duo” avec la brillante comédie policière du regretté Jonathan Demme, Veuve mais pas Trop avec Michelle Pfeiffer comme lauréat du Meilleur second rôle au Kansas City Film Critics Circle Awards, au National Society of Film Critics Awards ainsi qu’aux New York Film Critics Circle Awards.

90’s, passage réussi du cinéma à la télévision

La décennie suivante, il apparaît notamment dans le remarquable film de Robert Altman The Player (Prix de la mise en scène en 1982 à Cannes et Prix d’interprétation pour Tim Robbins) puis dans L’Idéaliste de Coppola.
Si les années 90 reste cependant celle de Code Quantum, tout le long de sa carrière des années soixante jusqu’en 2014 la télévision l’a vu apparaître dans une méga tripotée de série. Code Quantum reste en mémoire avec les apparitions hologrammées de son personnage du contre-amiral Al Calavicci qui aide le héros incarné par Scott Bakula au travers de ses sauts intempestifs dans le temps.

De La Quatrième Dimension à Columbo en passant par Mission Impossible jusqu’à l’Agence Tous Risques et j’en passe une flopée avec notamment son rôle de Frère John Cavil dit ‘Numéro 1’ dans la série de science fiction Battlestar Galactica entre 2006 et 2009, il termine sa carrière télévisuelle par un rôle dans l’épisode 9 de la saison 1 de NCIS: Nouvelle-Orléans en 2014.

Son dernier film Max Rose de Daniel Noah en compagnie de Jerry Lewis est présenté hors compétition à Cannes en 2013.
Décédé le 7 novembre dernier à l’âge de 85 ans, Dean Stockwell nous laisse une carrière d’acteur sans fausse note  parsemée d’une série de rôles habités.

#CalistoDobson