Classique : L’Orchestre national de Lille ouvre sa saison en beauté
Saint-Saëns, Concerto pour violoncelle et orchestre n°1, Alex Nante, Sinfonía del cuerpo de luz, Richard Strauss, Mort et transfiguration
ONL, dirigé Alexandre Bloch, en résidence avec Victor Julien-Laferrière, violoncelle
Pour son premier concert d’une saison qui s’annonce aussi éclectique dans les musiques qu’attrayante dans la pluralité de ses formes, son directeur musical Alexandre Bloch a donné le ton des missions de l’ONL : volonté de transmission et ferveur musicale à l’occasion du centenaire de la mort de Camille Saint-Saëns (1835-1921).
Donner un accès à la musique
Prenant la parole avec simplicité avant chaque œuvre, son directeur musical Alexandre Bloch est soucieux de fournir quelques clefs de compréhension au public de l’ONL. D’autant que le premier morceau de la soirée est une création originale du compositeur argentin -en résidence cette année – Alex Nante (né en 1992). La Sinfonía del cuerpo de luz se propose d’explorer le corps humain à travers les 7 chakras, ces centres spirituels hérités du Yoga et de la tradition hindouiste. Le chef explique alors, avec un grand sourire et l’énergie débordante qui le caractérise les passages dans les différents chakras : Terre, eau, feu, air, ether, pensée, vibration. Cette explication bienveillante est le reflet d’une volonté propre à l’ONL – qui devrait continuer à se développer cette année – de rendre la musique savante le plus accessible, et la moins intimidante que possible. Histoire de balayer le mythe que la musique ne serait pas faite pour tous.
La Sinfonía del cuerpo de luz, d’Alex Nante, un pêle-mêle musical exigeant
Assumant son admiration pour les postromantiques, le jeune compositeur a concu une partition d’une technicité échevelée, où se retrouvent des airs de compositeur russe, de symphonies de Mahler. Et exigeante pour l’ensemble des musiciens de l’ONL. Comme habituellement dans la musique contemporaine, les dissonances plus ou moins mesurées dessinent des contrastes spectaculaires, dans lesquels s’opposent les percussions, les cuivres et les cordes. L’harmonie est passagère, L’argentin élève de Grisey et Benjamin laisse plutôt entrevoir les différentes textures qui composent un orchestre symphonique. Cette symphonie est néanmoins rendue plus lisible par sa structure, les sept chakras plongeant l’auditeur dans autant de courts-métrages auditifs.
Place à Saint-Saëns et son tube, le concerto pour violoncelle n°1.
La période romantique est le registre où l’orchestre brille le plus, comme s’il trouvait là son langage naturel. Alexandre Bloch use souvent d’une direction démonstrative, qui trouve ici sa pleine justification dans la rondeur du son et le phrasé délicat du compositeur français. Tout en Majesté, l’orchestre déploie une technique impeccable dans une émotion toujours maitrisée – l’effectif important d’un orchestre symphonique se fait oublier dans sa légèreté, résultat d’un travail technique hors du commun. Cela se manifeste par un son rond, plein d’une assise assurée par les 8 contrebasses et autant de violoncelles, véritable chair des cordes de l’ensemble. Exact opposé de la symphonie qui a initié la soirée, le spectateur assiste au mariage des sons et des familles d’instruments, un dialogue murmuré plutôt qu’un débat d’idées. Ce parterre fleuri est un piédestal pour le violoncelliste solo Victor Julien-Laferrière, qui fait éclore de son violoncelle des arabesques chantantes.
Voyage au pays de la volupté
Direction vers les contrées bavaroises : au programme de cette dernière partie, le poème symphonique Mort et transfiguration de Richard Strauss (1864 -1949). Aux ébats du violoncelle se succèdent les grands airs harmoniques transfigurés par les instruments solistes, tantôt flûte, tantôt hautbois planant au-dessus des plaines déroulées par les cordes. Cette pavane magnifique offre un final spectaculaire à mesure qu’il se transforme en le théâtre d’un évènement dramatique qui est aussi le titre de cette création – la mort de l’artiste. La représentation s’achève par un geste remarquable du chef d’orchestre, qui garde la baguette levée et préserve ainsi un silence d’une vingtaine de secondes après la tempête du poème symphonique.
L’auditorium 2.0, digne des meilleurs lives
Une performance musicale qu’il est désormais possible de revoir gracieusement grâce à l’excellente captation mise à disposition par l’ONL sur sa chaîne Youtube. C’est une nouveauté de cette saison : l’auditorium 2.0 permet à tous les publics – avec le soutien du Crédit Mutuel – de revoir et de réécouter la plupart des concerts donnés au fur et à mesure de la saison.
21-21, une programmation alléchante
Des nombreuses innovations du programme 2021-2022 s’ajoutent aux concepts déjà géniaux promus par l’orchestre lillois :
- Les concerts flash sont des rendez-vous de 45 minutes qui se glissent dans votre pause déjeuner en semaine
- Les concerts famillissimo qui s’accompagnent d’activités ludiques pour accueillir et offrir un concert s’adressant toute la famille
- Les ciné-concert, où l’ONL réalise en direct la bande-son de films cultes
- Les concerts évènements, qui invitent des personnalités de la musique actuelles pour apporter leur pâte aux représentations
Prochains concerts
- 22 oct. 20h, Mouchin, Salle de sport, Webern-Bach, L’Offrande musicale, Ricercare n°2, Schumann, Concerto pour violoncelle, Symphonie n°4, James Feddeck Direction, Steven Isserlis Violoncelle,
- 25 octobre, Auditorium du Nouveau Siècle, 20h, Just Play, Une plongée au cœur de l’orchestre. Alexandre Bloch Direction
- 29 octobre, 14h30 & 18h30, 30, 16h Auditorium du Nouveau Siècle , Même pas peur, Un conte dont le public est l’auteur. Alexandre Bloch Direction, Julien Joubert, Piano et narration