Colette féministe pragmatique, entre « Indomptable » de Gaël Lepingle et « music-hall » de Cléo Sénia
Colette, L’indomptable, de Gaël Lepingle au TM Galabru
Avec peu de moyens décoratifs, un divan, quelques cartons transformables, le metteur en scène et auteur Gaël Lepingle crée des atmosphères différentes et rendent crédibles les situations changeantes de celle qui fut une précurseuse dans de nombreux domaines. Les chansons superbement interprétées, quant à elles, font lient et dynamisent les scènes. Écrites par Julien Joubert pour la musique et Gaël Lépingle pour les livrets, elles tanguent entre opérettes et airs jazzy.
La pièce commence en 1908 et se termine en 2014
Collette est alors marié à Willy, le couple vit l’amour libre, il a une maîtresse, elle a une liaison avec Mathilde de Morny, alias Missy. Elle a écrit les Claudine mais Willy s’est approprié la signature et les droits. Le divorce inévitable pour cette « indomptable » est le début d’une tournée qu’elle entreprend avec une compagnie ; elle mène alors une vie de saltimbanque, suis la troupe dans des conditions spartiates, refuse le plus souvent les hôtels. C’est à ses yeux le prix de sa liberté, de son indépendance.
Amoureuse de son deuxième mari, Henry de Jouvenel (de 1912 à 1923), elle passe les lignes pendant la première guerre mondiale pour le retrouver la nuit près du front. Ses relations avec sa fille – Bel-Gazou- sont aussi évoquées. Mais elle arrive à travers sa voie pour devenir l’auteure que l’on connaît.
Ariane Carmin endosse le rôle de Colette avec conviction et talent. David Koening et Mia Delmae incarnent avec gourmandise plusieurs personnages : le directeur du Moulin Rouge, le mari Willy, un comique, un journaliste, le mime Wague, …
Un trio vraiment enthousiasmant, une jolie pièce. C’est gai, charmant, léger, parfois grave aussi. Un vrai coup de cœur.
Music-hall Colette, de Cléo Sénia et Alexandre Zambeaux (en tournée)
Dans le joli Théâtre Tristan Bernard, Cléo Sénia bénéficie d’une plus grande scène et de larges moyens audiovisuels… pour elle toute seule dans ce Music-hall Colette, qui fait la part belle à la jeunesse de la rebelle. Enfin presque, puisque le personnage de Claudine répond à son auteure Colette par écrans interposés.
Disons-le tout de suite, Cléo Sénia est éblouissante dans cette Colette, gonflée, énergique et véritable caméléon, belle voix et corps sculptural, … Sa nomination pour la catégorie « Révélation féminine aux Molières 2024 » est largement justifiée.
La mise en scène de Léna Bréban multiplie les trouvailles réussies, autant scéniques que visuelles, grâce notamment à la scénographie de Marie Hervé : les projections de films d’actualité avec le commentaire off du « fantôme » de l’auteure, les déshabillages en clair-obscur, le jeu avec le manteau de la mère, … Beaucoup d’idées qui font mouches et qui brossent les traits et les contours d’une personnalité animée d’une irrésistible soif de libertés. Le récit courre sur toute la vie de l’auteure: de son enfance dans la maison de à ses obsèques. Le texte de Cléo Sénia et Alexandre Zambeaux est rythmé par des scènes fortes sans temps mort, centrée sur une personnalité qui s’éclaire dans les contextes de chaque époque.
Avec subtilité, le texte passe en revue les contradictions de Colette, femme libre en amour, elle n’hésite pas à choquer les bourgeois en s’affichant nue sur scène ou en ayant des relations saphiques ou avec le fils de son deuxième mari Jouvenel, de 16 ans son cadet. Pour autant, elle se déclare contre mais le vote des femmes et s’élève contre les suffragettes.
Là encore quelques chansons apportent une note de charmes, telle une ponctuation. Elles sont joliment troussées par Hervé Devolder (vous souvenez-vous de sa très drôle comédie musicale Chance ?). La pièce qui fait se lever le public à la fin de la représentation se finit au Tristan Bernard, mais va reprendre en tournée cet automne et revenir à Paris en 2025.
A suivre donc.