Colette féministe pragmatique, entre « Indomptable » de Gaël Lepingle et « music-hall » de Cléo Sénia

A notre plus grand bonheur, Colette (1876-1954) reste en vogue. Les facettes de sa vie comme les traits de sa personnalité indépendante fascinent et inspirent les auteurs contemporains, avec deux succès à l’affiche à Paris : « Colette L’indomptable » de Gaël Lepingle au TMGalabru jusqu’au 6 mai (puis au B.A Théâtre Avignon du 29 juin au 21 juillet) et « Music-hall Colette » de Cléo Sénia et Alexandre Zambeaux après le Tristan Bernard en tournée en septembre. Cet engouement pour l’écrivaine indomptable et l’artiste de music-hall censurée rend hommage pour Patricia de Figueiredo à cette grande dame qui a promu un féminisme pragmatique, juste en voulant vivre la vie et la carrière qu’elle souhaitait et sous son nom.

Colette, L’indomptable, de Gaël Lepingle

L’originalité du spectacle est de rendre hommage à l’écrivaine et l’artiste de music-hall censurée en musique! Les facettes de sa vie comme les traits de sa personnalité indépendante sont écrites en chanson par Julien Joubert pour la musique et Gaël Lépingle pour les livrets; elles tanguent entre opérettes et airs jazzy, superbement interprétées par un trio de charme, Ariane Carmin, Mia Delmae et David Koenig, pour un cocktail jubilatoire et inventif!
en savoir plus

« Colette L’indomptable » de Gaël Lepingle, chantée par Ariane Carmin, Mia Delmae et David Koenig au TM Galabru, puis au BA Théâtre d’Avignon

Music-hall Colette, de Cléo Sénia et Alexandre Zambeaux (en tournée)

Dans le joli Théâtre Tristan Bernard, Cléo Sénia bénéficie d’une plus grande scène et de larges moyens audiovisuels… pour elle toute seule dans ce Music-hall Colette, qui fait la part belle à la jeunesse de la rebelle. Enfin presque, puisque le personnage de Claudine répond à son auteure Colette par écrans interposés.

Music-hall Colette, de et avec Cléo Sénia et Alexandre Zambeaux (Tristan Bernard) Photo Julien Piffaut

Disons-le tout de suite, Cléo Sénia est éblouissante dans cette Colette, gonflée, énergique et véritable caméléon, belle voix et corps sculptural, …  Sa nomination pour la catégorie « Révélation féminine aux Molières 2024 » est largement justifiée.

Music-hall Colette, de Cléo Sénia et Alexandre Zambeaux (Tristan Bernard) Photo Julien Piffaut

La mise en scène de Léna Bréban multiplie les trouvailles réussies, autant scéniques que visuelles, grâce notamment à la scénographie de Marie Hervé : les projections de films d’actualité avec le commentaire off du « fantôme » de l’auteure, les déshabillages en clair-obscur, le jeu avec le manteau de la mère, … Beaucoup d’idées qui font mouches et qui brossent les traits et les contours d’une personnalité animée d’une irrésistible soif de libertés. Le récit courre sur toute la vie de l’auteure: de son enfance dans la maison de à ses obsèques. Le texte de Cléo Sénia et Alexandre Zambeaux est rythmé  par des scènes fortes sans temps mort, centrée sur une personnalité qui s’éclaire dans les contextes de chaque époque.

Avec subtilité, le texte passe en revue les contradictions de Colette, femme libre en amour, elle n’hésite pas à choquer les bourgeois en s’affichant nue sur scène ou en ayant des relations saphiques ou avec le fils de son deuxième mari Jouvenel, de 16 ans son cadet. Pour autant, elle se déclare contre mais le vote des femmes et s’élève contre les suffragettes.

Là encore quelques chansons apportent une note de charmes, telle une ponctuation. Elles sont joliment troussées par Hervé Devolder (vous souvenez-vous de sa très drôle comédie musicale Chance ?). La pièce qui fait se lever le public à la fin de la représentation se finit au Tristan Bernard, mais va reprendre en tournée cet automne et revenir à Paris en 2025.
A suivre donc.

Patricia de Figueiredo