Daniel Blaufuks, Journal de résistance (Centre d'Art GwinZegal, Guingamp)
Catalogue, avec un texte de Magali Nachtergael, Éditions GwinZegal 31 p. 10€
Finir la visite de Guingamp…en prison, est une offre surprenante qui ne se refuse pas ! Surtout quand l’ancienne Gwinzegal, rénovée, blanchie, accueillante est transformée en Centre d’art. Bien au-delà des expositions en cours, l’édifice vaut vraiment le détour pour Patrice Gree. Quand le photographe portugais Daniel Blaufuks exposée jusqu’au 11 février 2024, dévoile page par page, un étonnant « Journal de résistance », ses murs prennent une autre dimension par cet étonnant journal mémoriel – quotidien et « éclaté » – qui ne dévoile rien de sa vie intime, mais invite à une déambulation subjective qui fait réfléchir, entre autres, sur l’impact que les évènements extérieurs passés et tragiques ont dans notre vie quotidienne ordinaire.
Désormais les murs du Centre d’art Gwinzegal irradient d’autres intimités, celles des artistes invités.
Comment le passé traverse le présent…
et l’empreinte qu’il nous laisse pour l’avenir.
Dans une « performance » aussi sens littéral du terme, Daniel Blaufuks s’est astreint chaque jour durant cinq ans à créer une page A4 composée de deux ou trois photographies Polaroïd, au premier coup d’œil rapide banales, au second appuyé superbes, illustrant poétiquement, ou pas, un moment de notre histoire collective. Ce moment d’histoire choisi est la résistance en Bretagne durant la Seconde Guerre mondiale.
Le polaroid permet de capturer un moment sans pouvoir revenir dessus et le modifier.
Daniel Blaufuks
Les sujets qu’il représente ne sont jamais vraiment spectaculaires.
L’artiste a fait sienne l’injonction de Jules Verne « Regarde de tous tes yeux, regarde ! », et saisit, dans la banalité des petites choses du quotidien, une vérité qui nous unit. Le bruit du monde ne retentit jamais directement, c’est la lumière du dehors ou la presse qui le portent.
Magali Nachtergael, extrait du catalogue aux Éditions GwinZegal
De parents juifs allemands, fuyant le nazisme, trouvant refuge à Lisbonne, Daniel Blaufuks, bien placé pour mesurer le tragique de l’histoire qui déporta vers la mort six millions de Juifs, retravaille, à l’aide de coupures de presse de l’époque en résonance avec des récits courts sur les guerres d’aujourd’hui, notre mémoire collective…si fragile !
Le journal, c’est aussi le temps, celui qu’il fait et celui qu’il est. Celui du présent qu’il enregistre et du passé qui nous hante. Celui de nos petites vies et celui de la grande histoire. Loin des vérités historiques
Magali Nachtergael
Tu te surprends alors, à lire attentivement chaque page exposée sur le mur, de ce très beau et très surprenant journal intime.
Et tu te surprends aussi, et c’est plus inattendu, talent en moins mais désir commun, à te dire que ce serait formidable de t’atteler toi aussi à cette tâche. Pas pour créer une œuvre artistique, bien sûr, mais pour mettre en valeur, à l’intention de tes enfants, l’importance du travail de mémoire sur ta vie personnelle quotidienne imbriquée dans la vie collective.
C’est bien d’une mémoire de la mémoire dont il s’agit ici, et si le journal, au titre programmatique, Les jours sont comptés, appelle parfois à la mélancolie, il nous rappelle aussi que chaque jour est nouveau et que son histoire s’écrit au présent.
Magali Nachtergael
Aujourd’hui, où les démocraties sont menacées, où les guerres à nos portes grondent, où les mensonges étouffent les vérités dans un infernal et monstrueux flux permanent d’informations dérisoires et dramatiques confondues à t’en faire perdre la tête …
Aujourd’hui plus que jamais, l’œil du photographe est un temps de pause nécessaire et fructueux !