David Bartholoméo, « Visions multiples » (Galerie Rachel Hardouin -15martel)

Il vous invite à sa suite à un salutaire « lâcher prise » sensoriel entre expressionisme coloré et pleine conscience synesthésiste. David Bartholoméo se joue au sens propre et figuré des signes, des formes et des médiums avec ses « Transformances » où il se laisse traverser par la musique pour la métamorphoser sur d’immenses toiles en lin naturel. Il se produit le 17 janvier à 19h (avec le violoncelliste Jouan et l’accordéoniste Bruno Maurice) à la Galerie Rachel Hardouin où ses empreintes sensorielles, charriant bestiaires et mythes, sont exposées jusqu’au 25 janvier. Le graph performeur s’est confié à Olivier Olgan de Singular’s.

David Bartholoméo, Transformance, 2024 performance peinture 203 x 137 cm « Visions multiples » photo Galerie Rachel Hardouin

Une expression libérée

S’il a passé son Diplôme National d’Art Plastique (DNAP) en validation des acquis d’expérience (VAE), David Bartholoméo n’a pas été aux Beaux-Arts estimant que les cours ne lui auraient pas été d’un grand apport, leur préférant le Beaujolais où il vit et pratique son art en toute liberté.

Délivrées de tous les stéréotypes en « isme », son abstraction lyrique a pris une dimension expérimentale portée par la musique. Les toiles exposées à la Galerie Rachel Hardouin sont issues de performances musicales, couvertes d’une pâte légère, associant de multiples matières – acrylique, craie, bâton d’huile, charbon de bois, … – qu’il pioche en fonction des rythmes et de ses sensations. Ses « transformances » invitent le regardeur à plonger à son tour dans une surface de signes compacts, nourrie d’élans primitifs et de gestes en ‘pleine conscience’.

De la méditation à la « Transformance »

Avant chaque ‘transformance », l’artiste se prête à une séance de méditation pour le préparer et se laisser ‘habiter’ par la musique qui l’accompagne. Il assume une spontanéité maitrisée expressive, gorgée de liberté, d’ivresses synesthésiques, charriant symboles, signes et mythes amalgamés.

Les transformances sont différents moyens de parvenir à des états libérés de jugement. L’émergence d’un langage apparaît au fil des expériences.
Un vocabulaire vivant où chaque son et émotion se transforment. Les mouvements s’inscrivent sur le papier en suivant un protocoles précis. 

David Bartholoméo

David Bartholoméo, Transformance, 2024 performance peinture dans son studio photo David Bartholoméo

Rendre visible par le trait et les formes une énergie sous-jacente

David Bartholoméo, Folie Bestiaire, 2024 dessin « Visions multiples » photo (Galerie Rachel Hardouin

En guise de laboratoire et d’entrainements quotidiens, de petits carnets captent ses « Petits silences » quotidiens, petites mises en condition pour libérer à tout instant la main et la conscience.

Plus maitrisées dans le sens où les dessins sont repris, ses « Folies bestiaires » et « Métamorphoses » créent tout un Imaginaire qui n’est pas sans rappeler les visions échevelées de COBRA…

Pour faire sens dans sa totalité, ses dessins ‘Visions multiples’ semblent plus sages, plus posés. Une écriture fine quasi précieuse tout en restant foisonnante.

Une inspiration puisée de l’écriture automatique des surréalistes et du graph du Street art. D’autant que ces « signes » sont posées ou gravées sur différents objets comme des casquettes pour un art populaire ou des œufs d’autruche pour cultiver un rapport à la nature.

David Bartholoméo, Visions multiples (Galerie Rachel Hardouin) photo OOlgan

Une peinture aux nécessites intérieures

Quel que soit le médium, David Bartholoméo revendique une gestuelle picturale aventureuse appelées par les sons à vivre de leurs seules nécessité intérieures, alimentées aux sources profondes de la vie qui agissent autant sur la perception que sur les sens.
L’œuvre propage une fascination pénétrante, miroir d’une forte personnalité, attachante et à l’écoute.

Au-delà de vos diplômes, la diversité de votre œuvre donne l’impression que vous continuez à travailler en autodidacte ?

David Bartholoméo, Vision Chamane, dessin « Visions multiples » photo Galerie Rachel Hardouin

Vraiment, le fait d’être autodidacte est riche, on suit un chemin singulier sans référence. Mon processus, chercher les limites de chaque médium, en allant toujours chercher un peu plus loin.

La peinture sur toile est devenue volume, une sorte de peinture sculpture. La sculpture  est devenue installation en quête d’espace. Le médium après tout, c’est quoi ? J’utilise la peinture, j’ai un cœur de peintre, mais je ne suis pas un bon peintre.

Je suis plutôt dans le geste graphique, la matière, dans le côté physique : pratique du crayon, des craies, mais aussi intégration de matériaux glanés collés sur le tableau, le tout devient un matériau pictural.
Aujourd’hui, c’est mon corps et la musique qui devient le médium principal de la toile.

Quand ont débuté les performances musicales ?

Le déclic est venu d’ une résidence avec le chorégraphe Davy Brun aujourd’hui directeur du CND de Lyon. On a présenté deux performances dans plusieurs m3 de terre argileuse. A la suite j’ai proposé ma première ‘transformance’ sur un morceau de Noise. J’aime le mouvement, me provoquer, me mettre dans un état d’alerte et de danger.

Vos performances sont-elles satisfaisantes à chaque fois ?

David Bartholoméo, Visions multiples (Galerie Rachel Hardouin) photo OOlgan

Aujourd’hui, je ne peux pas dire qu’elles ne marchent pas. Au contraire, elles marchent à chaque fois. Pourquoi ? Parce que je ne juge pas la toile. Quand j’ouvre les yeux, la toile tient debout dans l’épaisseur de l’immédiat.

La seule chose que je juge, c’est si j’ai bien été dedans, si j’ai puisé le rythme à l’intérieur de moi. Si j’ai ressenti quelque chose,  La toile est réalisée. Je n’y touche pas.

Si elle n’est pas intéressante graphiquement, je la retravaille et elle devient métamorphose. A l’image de l’observation des nuages, je vois des figures, souvent des animaux que je colorise. Le but du jeu est de ne pas figer le mouvement, de garder l’énergie vécue pour libérer des histoires.

Toute votre production est très instinctive ? Même les ‘Visions Multiples’ ?

David Bartholoméo, Visions multiples, casquettes (Galerie Rachel Hardouin) photo OOLgan

Oui. C’est très instinctif car je ne pense rien à l’avance. Mon dessin part toujours d’un œil comme pour mes « folies bestiaires » et mes « Métamorphoses ». Seulement ici, j’ai des images plus que des signes qui se déroulent pour créer un univers que certains associent à la bande dessinée ou à la Pop culture.
C’est vrai qu’avec ces dessins, je raconte mon désir de trouver l’harmonie entre notre monde industriel et le monde vivant.

Comment évoluez vous ?

David Bartholoméo, Folle Farandole, 2023 « Visions multiples » photo Galerie Rachel Hardouin

De nature plutôt expressionniste, je me suis un peu apaisé au fil du temps. Je sais me faire plaisir et ne plus dissocier toutes mes facettes qu’elles soient sages ou plus énerg(et)iques.

Une espèce d’harmonie s’installe. Il y a à la fois de la vitalité et quelque chose de plus posé. Ce qui m’intéresse dans tous mes travaux, c’est de laisser da la place pour le spectateur. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, les gens rentrent dans mon travail et vraiment, se le réapproprient et me racontent leurs histoires à la manière des enfants.

Je ne veux pas être un dictateur de l’image.

Quel est la prochaine étape créative de la « Transformance » ?

David Bartholoméo, Visions multiples (Galerie Rachel Hardouin) photo OOlgan

Pour une prochaine expo, je souhaite que les bandes-son qui ont produit les toiles soient disponibles au regardeur.

Mon objectif, c’est qu’il « écoute » le tableau et qu’il retrace le parcours que j’ai pu faire avec les yeux fermes, qu’il sente la peinture bouger au rythme de la musique. C’est l’avenir de cet échange qui est intéressant.

Pour les ‘Visions multiples’, je souhaite que mes dessins trouvent sur chaque support une nouvelle manière de dire. Il n’y a pas de frontière entre un dessin sur papier arche, encadré et exposé au musée ou une casquette avec ce même dessin porté par un adolescent.

Le support, le lieu de la démonstration devient lui-même acteur de l’imaginaire, il prend part au dialogue initié par l’image, il élargit son prisme et sa portée pour le rendre commun. Commun, pas ordinaire, l’ensemble fait acte de vie pour l’ensemble.

Comment définissez-vous le résultat de votre travail ?

David Bartholoméo, oeuf noir et blanc, 2024 « Visions multiples » (Galerie Rachel Hardouin)

Mon travail est une exploration qui vise à formuler quelque chose d’universel dans lequel chacun peut se retrouver. Je m’offre aux polarités de l’univers et tente de rassembler ce qui pourrait sembler opposé.

Ici un trait précis imageant un univers singulier et là un autre trait rempli dont on capte la source, l’existence par sa force et sa couleur sans pour autant chercher autre chose que ce qu’il est, un trait issu d’un mouvement, d’une écoute particulière.

Entre les deux, des images insoumises, des traits nerveux qui habitent les lignes sans déflorer leurs énergies.

C’est bien là ma recherche, comment mon identité, ma façon d’être au monde, mes réalisations peuvent nourrir et servir un projet sans frontière.

Propos recueillis par Olivier Olgan le 11 janvier 2025

Pour suivre David Bartholoméo

La chaine youtube de David Batholomèo

Le site de David Bartholoméo
Transformances

  • « Corps-transcrit » visent à transformer les sons et les émotions par le vecteur du corps.
  • « Echo-nature » rassemble des dessins issus de l’écoute des sons de la nature et de certaines musiques méditatives.

Les métamorphoses naissent de l’observation des lignes issues d’une transformance et révèlent une vie organique, un bestiaire.