Documentaire TV : Searching for Sugarman, de Malik Bendjelloul (2012)
Sur LCP mercredi 21 avril 20h32 , rediffusion samedi 1er mai 00h30
L’histoire proprement miraculeuse d’une réhabilitation artistique et de la réparation d’une injustice.
Réalisé par le regretté réalisateur suédois Malik Bendjelloul (1977-2014), ce documentaire – Prix du Public International au Festival de Sundance 2012 et Oscarisé en 2013 – raconte un destin comme seul le rock peut en générer : comment un enregistrement de Sixto Rodriguez, passé inaperçu à sa sortie en Amérique devient un album culte en Afrique du Sud, au point de bouleverser le destin d’un musicien qui se croyait maudit….
Une intrigue, menée aux quatre coins du monde avec suspens
Acte I. Nous sommes en 1969. Un artiste de folk psychédélique, Sixto Rodriguez, enregistre son premier album sobrement titré Cold Fact., produit de façon incongrue par les musiciens soul du label de musique Motown. S’il se voit promettre un grand succès, malgré les qualités évidentes du disque il n’en sera rien.
Acte II. Avant de retourner faire le manœuvre sur les chantiers de Detroit, sur l’insistance du label Sussex persuadé de tenir un artiste majeur, notre musicien relance les dés avec un deuxième opus intitulé Coming From Reality. Les musiciens et techniciens derrière l’œuvre convaincus que cette fois c’est la bonne jettent toutes leurs forces créatrices dans l’enregistrement. Patatras c’est une deuxième déconvenue plus rude encore que la précédente; fin de la « carrière » de Sixto Rodriguez.
Oui mais voilà, car il y a un gros « mais » de circonstance qui fait mentir tous les autres « mais » de la terre.
Acte III. Un jeune américain part en vacances en Afrique du Sud emportant avec lui un exemplaire de l’album Cold Fact. Non seulement il le fait écouter à qui veut bien l’entendre mais surtout il laisse le disque sur place en repartant. A peu près à la même période un DJ s’envole pour Sydney et essaime à son tour. Un succès nourri verra le jour en Australie. Cet album de copie en copie finira par faire le tour de l’Afrique du Sud et devenir incontournable pour tout jeune sud-africain qui se respecte. Pour la jeunesse sud-africaine, les paroles engagées de Sixto ne tombent pas dans l’oreille de sourds. Malgré la censure, la bonne parole se répand, cette génération a trouvé son Bob Dylan. De là les rumeurs courent, l’artiste serait mort soit d’une overdose soit d’un suicide.
Acte IV. Du culte à la tournée. Pendant des années, le culte autour de Cold Fact et de son géniteur invisible va grossir. Jusqu’à ce qu’un vendeur de disques, Stephen Segerman et un disc jockey, Craig Bartholomew, décident de mener sérieusement l’enquête. Internet est encore loin, ils parviennent tout de même à avoir la fille de Sixto Rodriguez au téléphone qui leur annonce que non son père n’est pas mort, il est bien vivant. Las, il ne fait plus de musique qu’occasionnellement.
Dans une euphorie collective, la tournée organisée en 1998 est triomphale. Rodriguez lui-même est subjugué par l’accueil prodigieux qu’il reçoit lorsqu’il débarque ébahi. Il lui faudra encore plus d’une décennie pour se faire connaître en Occident et que le public américain et européen ne découvre cette musique fascinante ainsi que son émouvante et rocambolesque histoire.
Epilogue. 2007 Malik Bendjelloul découvre et raconte ce précipité de musique et d’humanité dans toute son authenticité. Searching For Sugarman est magnétisée par l’enquête et par l’apparition de Rodriguez aux deux tiers du film. La charisme de ce héraut pas comme les autres irradie cette véritable chanson de gestes épique.
Il est inutile de rappeler que les deux albums de Sixto Rodriguez sont plus que fermement recommandés à toutes les oreilles averties ou non.
#CalistoDobson