Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty, d’Eric Bu et Elodie Menant (Théâtre Michel)

Jusqu’au 28 mai 2022, au Théâtre Michel, 38 Rue des Mathurins, 75008 Paris
Du mardi au vendredi à 20h30, le samedi à 16h30 et 20h30, le dimanche à 16h30
Mise en scène : Johanna Boyé – Costumes : Marion Rebmann
Avec :
Elodie Menant, Céline Espérin, Marc Pistolesi, Cédric Revollon

Récompensé par deux Molières, ce spectacle musical endiablé brosse la vie d’Arletty aussi gouailleuse sur scène que tumultueuse dans sa vie privée. La mise en scène de Johanna Boyé plonge dans les pages clair-obscures du XXe siècle grâce à la virtuosité de trois comédiens qui se métamorphosent en une trentaine de personnages. Elodie Menant dans le rôle-titre réussie à camper une femme de caractère frappée par les épreuves.

Une icone ambigüe des années Folles

4 comédiens chanteurs et danserus créent le biobic d’une icone française dans Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty Photo Olivier Grajon 4

Quatre formidables comédiens, danseurs et chanteurs nous font revivre la vie d’Arletty (1898-1992), de sa naissance à sa mort. Son enfance à Courbevoie de parents modestes, son premier amour mort dans les tranchées pendant la première guerre mondiale, ses débuts au music-hall, ses amours multiples connus : d’Aga Khan, Colette ou moins connus.
C’est aussi toute une tranche du cinéma d’avant-guerre et pendant la guerre qui repasse devant nous. La gloire et les paillettes à travers une savoureuse galerie de portraits :  Michel Simon, Jean Carné, Jean-Jacques Prévert, … Son comportement ambiguë pendant les années d’occupation n’est pas éludée : sa relation avec la famille Laval, son amour passionné pour son ‘faune’, Hans Jürgen Soehring, officier allemand qui avait sa carte au parti nazi. Les épreuves de la vie aussi, comme sa cécité partielle puis complète : « j’ai passé 30 ans dans la pénombre » déclarait-elle à la fin d’une vie tumultueuse.

Elodie Menant libère la gouaille d’Arletty sans l’imiter

Elodie Menant incarne formidablement Arletty avec sa gloire et ses ambiguïtés dans Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty Photo Olivier Grajon

Le spectacle trépidant haletant même par la métamorphose des comédiens qui incarnent plus de trente personnages a reçu deux Molières en 2020 : Meilleur spectacle Musical et Révélation féminine : Elodie Menant. Récompenses amplement mérités notamment pour la performance d’Elodie Menant qui réussit à prendre la gouaille et le naturel d’Arletty sans tomber dans l’imitation.

La comédienne n’en n’est pas à son premier spectacle musical, elle avait notamment joué dans la comédie musicale Le Soldat rose de Louis Chedid au Casino de Paris, puis a créé sa propre compagnie Carinae en 2011. Ici outre elle est aussi la co-auteur de la pièce (avec Eric Bu, auteur et metteur en scène notamment de Dolto, Lorsque Françoise paraît (Théâtre Lepic, 2020) que Singulars avait apprécié.

35 personnages à quatre.

Céline Espérin, Marc Pistolesi, Cédric Revollon ne cessent de métamorphoser pour incarner près de 35 personnages dans Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty Photo Olivier Grajon

Céline Espérin, Marc Pistolesi, Cédric Revollon qui interprètent plusieurs rôles sont tout aussi remarquables. Comme à Broadway,  ils savent tout faire ; danser, jouer des claquettes, chanter… qui valorise parfaitement la mise en scène de Johanna Boyé. Ce tourbillon de vie, aidé par des changements de costumes totalement dans le tempo croque les feux de la Belle Epoque et éclaire les ambivalences d’une icone.
Coté meneuse de revue pétillante, la metteuse en scène s’était déjà fait remarquée en 2016, dans l’adaptation et la mise en scène de La Dame de chez Maxim de G. Feydeau, spectacle créé au Festival Off d’Avignon, repris au Théâtre 13 puis au Théâtre Rive Gauche, qui obtient trois nominations aux Molières 2017.

Autant dire que cette reprise est la quintessence du musical à la française !

#Patricia de Figueiredo