Exposition : Keith Haring à la Citadelle de Saint-Tropez
Entrée 4€ avec accès au musée d’histoire maritime (tous les jours de 10h à 18h30)
Catalogue, Bilingue, 300 p. éditions Sébastien Moreu/Enrico Navarra, 45€. Disponible, à la Citadelle de la Saint-Tropez, aux Galeries Tropéziennes, place des Lices et au concept store Chez Scarlett.
Le choc de monumentalité entre l’immobilité de la Citadelle de Saint-Tropez et les sculptures colorées de Keith Haring (1958 – 1990) renforce l’intemporalité de l’artiste américain disparu du sida il y plus de 30 ans et éclaire les structures massives d’une forteresse militaire qui héberge un somptueux musée d’histoire maritime.
Le ludique de l’icône du Pop Art réinvente l’art militaire
Même si elle se concentre en 6 sculptures dont 5 monumentales et le Pop Shop Tokyo, vivre l’expérience Keith Haring à la Citadelle de Saint Tropez créée une euphorie puissante.
D’autant que loin des clichés, elle participe au vœu et à la responsabilité d’artiste d’Haring pour l’art pour tous : « Le public a un droit à l’art. Le public a été ignoré par la plupart des artistes contemporains. Le public a besoin d’art et il est de la responsabilité de l’“artiste auto-proclamé” de comprendre que le public a besoin d’art, et de ne pas faire de l’art bourgeois pour quelques-uns seulement, tout en ignorant la masse. L’art est pour tous L’art est pour tous L’art est pour tous. »
Choc des cultures et des courbes
C’est peu dire qu’il y a un choc de cultures entre la forteresse bastionnée pré-Vauban dominant St Tropez et l’art d’Haring d’une liberté toujours exacerbée. Ses scultures d’acier s’insèrent et s’imposent comme des notes optimistes dans n’importe quel paysage. Ici à l’ombre des pins parasols ou en proue d’une bâtisse militaire sévère face à la Baie de St Tropez, les pantins d’Haring libèrent sans complexe toute leur spontanéité.
Cette exposition d’une poignée d’œuvres de Keith Haring fut créée à l’arrache en deux mois comme le raconte complaisamment les protagonistes Sébastien Moreu, Doriono Navarra et Gil Vazquez président de la Fondation Keith Haring dans le beau-livre catalogue éponyme (Editions Enrico Navarra, 2021). Leur long entretien avec Tony Shafrazi le premier galeriste à avoir exposé Keith Haring, apporte certes quelques éléments sur le making of des sculptures en acier, et leur place dans le travail d’Haring, mais c’est pour en rester à la superficialité de son « âme d’enfant qui fait partie intégrante de ses sculptures« .
Pop Shop Tokyo, l’intemporalité de l’inachèvement
« Mes dessins n’essaient pas d’imiter la vie, ils tentent de créer la vie, d’inventer la vie…« , disait Haring emporté à 30 ans par le SIDA en 1990. Rien de plus juste pour exprimer le sentiment qui envahit le visiteur dans la visite immersive du Pop Shop Tokyo, conteneur peint du sol au plafond par l’inclassable zébulon aux larges lunettes.
Au-dela de l’immédiateté et de cette obsession fascinante de dessiner sur tous les supports qui lui passaient sous le pinceau, Haring savait aussi interroger l’acte créatif : « Le dessin est “achevé” dès l’instant où tu commences avec le premier trait. Il y a des endroits où tu peux “arrêter” le dessin et le déclarer “terminé” jusqu’à ce que le temps et l’espace soient eux-mêmes “terminés”. Il y a toujours un nombre infini de choses que tu peux ajouter à la composition, le problème est de savoir quand s’arrêter. La beauté, c’est savoir quand s’arrêter. Je choisis quand m’arrêter. Je choisis quand m’arrêter, mais mon travail n’est à la fois jamais et toujours “terminé”. »
Aller au-delà du ludique
Cette énergie ludique communicatrice constitue une invitation à ne pas se contenter du livre de coloriage, joint à côté de celui des dessins de jeunes tropéziens, inclus dans le catalogue certes somptueusement illustré de photos de St Trop’. L’œuvre d’Haring vaut plus qu’une simple fête même si elle colle si bien avec la carte postale d’une Saint-Tropez, capitale de la fête et des tendances estivales.
Nous invitons le visiteur à se plonger dans le catalogue de l’immense rétrospective du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris de 2013, « Keith Haring, the political line » qui sut si bien mettre en valeur la nature profondément politique de la démarche de celui qui déclarait : « Nous savons que les « humains » déterminent le futur de la planète. Nous avons le pouvoir de détruire et de créer. »
A lire : John Gruen : Keith Haring. The Authorized Biography, New York 1991, qui cite l’écrivain William S. Burroughs (1914 – 1997) : « Je pense que Keith Haring a été novateur, par sa vie, sa personne, et son travail. En ce sens, il se rapproche de Paul Klee, l’artiste sans doute le plus important du XXe siècle – qu’il s’agisse de son art, ses écrits ou son enseignement. Keith Haring influencera à son tour d’autres peintres –certainement profondément. Keith fait partie, par association, du système de métro new-yorkais. De la même façon qu’on ne peut regarder un tournesol sans penser à Van Gogh, on ne peut se trouver dans le métro à New-York sans penser à Keith Haring. Voilà la vérité. »
#OlivierOlgan