Exposition Klimt. La Secessione e l’Italia (Palais Braschi, Rome)
Catalogue, Skira, uniquement en italien
Derniers jours pour découvrir « le retour de Gustav Klimt » en Italie, 110 ans après l’exposition internationale d’art de 1911 où il obtient le premier prix. Pour célébrer La Secessione e l’Italia, le somptueux écrin du Museo di Roma-Palazzo Braschi expose en les resituant dans leur contexte, plusieurs des grands chefs d’œuvres de cette fascinante effervescence viennoise.
La « sécession » d’une vie d’artiste
Remarquablement scénographiée, plongé dans l’obscurité où chaque toile magnifiquement sort sur fond d’or, le parcours de l’exposition documente l’incroyable saut créatif et émotionnel de Gustav Klimt (1862 – 1918). L’effusion lyrique engagée à briser toutes les barrières de l’esthétique du passé ne se libère pas d’un gout d’amertume prêts à en corrompre les saveurs douces ou luxuriantes.
Reconnu et recherché pour ses portraits chatoyants de jolies bourgeoises de la société viennoise, celui qui reçoit le prix de l’Empereur en 1890 est en passe de devenir une sorte de peintre officiel, un pompier modernisant à l’érotisme diffus décoratif. Au fil des commandes publiques, Klimt va révéler sous les chatoiements de l’époque se pensant triomphante baignée d’ airs de valse et d’opérette sucrée, le fantôme acre d’une société en pleine décadence, qui en retour ne manque pas de faire payer au peintre sa lucidité. C’est en Italie, pays qu’il visite à de nombreuses reprises, qu’il est ébloui à Ravenne par les milles éclats des mosaïques de la vieille cité byzantine et qu’il trouve une reconnaissance légitime à l’exposition internationale d’art de 1911 où il obtient le premier prix.
Laboratoire pour une apocalypse et un art total
Pourtant le « laboratoire pour une apocalypse » selon le mot Karl Maus convient bien pour définir la fascination qu’exerce la Sécession, ce terreau créatif qui rapprochèrent des artistes comme Carl Schuch, Tina Blau, Théodor Hörmann, Josef Engelhart et Max Kurzweil, pour déboucher d’une part sur une fusion des beaux arts aux arts décoratifs afin de créer une forme d’art total accessible au plus grand nombre, où les arts appliqués trouveront un nouveau souffle, et d’autre part l’esprit du Gesamtkunstwerk, (Œuvre d’art totale), défini par l’auteur romantique allemand Otto Runge et développé par Richard Wagner, séduit particulièrement ces jeunes créateurs. La table du vieux siècle est bel et bien renversée notamment dans les deux frises – présentes à l’exposition – dédiés aux symphonies de Beethoven (9e) et de Malher (2e).
Ce qui le gouverne, ce sont les idées, ce qui l’intéresse, c’est qu’elles dissimulent ; l’œil dépend de l’esprit.
Un lien ambigu avec la modernité
Au fil des salles, un prodigieux cocktail visuel, fusionnant raffinement et sauvagerie libère ses effluves d’utopies merveilleuses et de cauchemars vénéneux ; il tient évidemment à la figure féminine qui concentrent toute l’attention de Klimt.
Entre Eros et Thanatos, – cette pulsion de mort que Freud formalise en même moment – le peintre oscille selon une trajectoire complexe à la croisée du désir et de renoncement fait tantôt jaillir des corps fusionnés dans un bacchanale de vie irradiante (la mariée) et de ses portraits de femmes dont le trouble s’appuie sur la bidimensialité créée par la profusion de motifs ornementaux abstraits rehaussées d’applications de feuilles d’or et d’argent (Judith et Holopherne).
Les nombreux dessins esquissant les thèmes tabous de la grossesse, de l’auto-érotisme et de l’homosexualité féminine contribue à exalter une vision de la femme en pleine révolution. Klimt ne cesse de libérer sa fascination – lui qui ne s’est jamais marié – balançant entre ce qu’Aristote nommait voluptas et voluntas.
Pour une brulure sensuelle qui ne cesse de persister.