Exposition : L’irrésolue, selon Anne-Lou Vicente (Frac Ile de France, Le Plateau, Paris)
Ouvert du mercredi au dimanche de 14h à 19h – Nocturne chaque 1er mercredi du mois, jusqu’à 21h – Entrée libre
Après sa Réserve, le Fonds Régional d’Art Contemporain (Frac) Île-de-France ouvre ses portes de son Plateau à Paris, avec L’Irrésolue, exposition de la critique d’art Anne-Lou Vicente jusqu’au 23 avril 2022. Elle réunit six plasticiennes qui partagent « une appétence pour le mystère, le secret, l’incertain et l’invisible autant que l’indicible ». Les œuvres de Nadia Belerique, Camille Brée, Eléonore Cheneau, Joanna Piotrowska, Leslie Thornton, Céline Vaché-Olivieri se complètent et s’harmonisent dans cet espace commun pour dessiner un récit en pointillé.
Au sein de ses réserves, le Fonds recèle des merveilles qui en disent plus long que n’importe quel article ou n’importe quel livre savant sur l’état de l’art contemporain. Les FRAC ne se contentent heureusement pas d’acquérir des œuvres. Ils mandatent régulièrement des commissaires d’exposition pour solliciter des artistes et présenter leurs travaux.
C’est le cas de l’exposition ‘’L’Irrésolue’’ structurée par la critique d’art Anne-Lou Vicente au Plateau, la jolie galerie que possède le Frac Île de France dans la paisible rue des Alouettes au-dessus du jardin des Buttes Chaumont. Pour cette ‘’Irrésolue’’, la commissaire a convoqué six artistes femmes, six plasticiennes comme on dit aujourd’hui qui s’harmonisent dans cet espace ou récit commun en partageant « une appétence pour le mystère, le secret, l’incertain et l’invisible autant que l’indicible » (Anne-Lou Vicente).
De signes en indices, de reflets en correspondances, de lueurs en appels d’air,
L’Irrésolue dessine les contours flottants d’une figure insaisissable
qui, aussi réservée et pensive soit-elle, résiste.
Anne-Lou Vicente. commissaire. FRAC Ile de France
Un rayon de lumière vers une structure lilliputienne
Chacune d’entre elles arrive à provoquer le spectateur à sa manière originale, personnelle et souvent très réussie. Souvent seulement ? Bien sûr. L’art même le plus conceptuel ne peut se passer d’’esthétique et parfois avouons-le l’intention de l’artiste nous échappe un peu.
Par exemple, si le travail intellectuel de Camille Brée mérite d’être salué, le résultat peut laisser le visiteur indifférent. La jeune artiste née en 1992 créée des espaces curieusement à la fois très construits et parfaitement imaginaires à partir de parois à peine entrouvertes d’où s’échappe un rayon de lumière rouge sur le sol. Peut-être un signal pour entrainer le sujet vers un paradis interdit ?
Venue de Toronto, Nadia Belerique, née en 1982, produit un univers microscopique sans doute inspiré par Jonathan Swift et son personnage Lemuel Gulliver. Au sol, répartis par branches, se succèdent des habitats minuscules les ‘’human traps’’ ou pièges humains, où résident des personnages si fluets que nous pouvons les croire incapables de penser. Ils peuvent dormir ou s’assoir, mais c’est bien tout. Au-dessus de ces ‘’traps’’ à humains s’abattent des ventilateurs, sans doute pour encore mieux représenter notre propre insignifiance.
La symbolique éclate par la géométrie de l’installation visiblement comme une projection de ces rues américaines infinies qui se coupent selon des angles systématiquement droits et dans lesquelles nous sommes condamnés à errer jusqu’au dernier jour, sans vraiment savoir pourquoi. La violence de la découpe justifie peut-être le nom de l’installation : Slice ou tranche en français.
Rembrandt disparu !
Eléonore Cheneau, née en 1972 vit et travaille sur l’Île-Saint-Denis (France)a choisi de faire résonner passé et présent. Parmi les œuvres qu’elle montre, retenons un diptyque plutôt surprenant accroché en diagonale. Le premier tableau et plus grand que l’autre figure comme un vase aux fleurs inachevées partant de la même tige pour se séparer en deux branches courbées. A l’autre bout de la diagonale, Eléonore s’est emparée d’une boite de puzzle représentant … Rembrandt en personne juste pour bien le recouvrir de cette glycérine qu’elle affectionne.
Disparu Rembrandt ! Bluffant. A la condition toutefois de connaitre l’intention de l’artiste. Sinon, le spectateur risque de passer complètement à côté.
‘’L’irrésolue’’ présente d’autres artistes venues de loin.
L’américaine Leslie Thornton (née en 1951, vit et travaille à New York) a consenti la diffusion de son film ‘’Jennifer, where are you ?’’ fait de rush d’un film publicitaire, dans lequel une fillette barbouillée de rouge à lèvres joue avec des allumettes.
La photographe britannique Joanna Piotrowska présente des photographies du meilleur niveau possible qui seront également montrées au prochain Basel Art. Nous avons été très sensibles à ses grandes images noir et blanc faites à partir de tirages argentiques.
Retenez le nom de Céline Vaché-Olivieri.
Depuis des années, l’artiste née en 1978 qui vit et travaille à Paris impressionne par son sens de l’esthétique fondé sur une réflexion solide. Son installation ‘’Seeing Double’’ faites de boites, occupe un espace mérité. Posées sur une grande table, ces boites de formes et de tailles différentes sont faites de produits recyclés, carton et latex. Le propos est de prouver que ces boites d’apparence quelconque possèdent une sorte de vie intérieure du fait de leurs contenus. Pleines ou vides, peu importe. L’artiste expose également une série de carreaux en céramique qui exploitent des phrases en anglais, plus ou moins elliptiques soyons francs, mais qui profitent chacune d’un cadre figuratif parfaitement maitrisé.
#Robert Mauss