FIAC Solo Show : Isabel Nuño de Buen, Thomas Bayrie, Dennis Oppenheim, Simon Martin, Kenjiro Okazaki (Grand Palais éphémère)

Jusqu’au 24 octobre, FIAC, Grand Palais éphémère, Champs de Mars

Répondant à ses concurrents européens et français (Art Paris), l’édition 2021 de la FIAC dispose d’atouts forts pour une plongée dans l’art d’aujourd’hui avec ses 171 galeries dont 38% françaises, et ses centaines d’artistes exposés pêle-mêle. Singulars a retenu quelques solo show : Isabel Nuño de Buen, Thomas Bayrie, Dennis Oppenheim, Simon Martin, Kenjiro Okazaki.

Kenjiro Okazaki, Galerie Vazieux

Kenjiro Okozaki acrylique sur toile, Galerie Vazieux, FIAC 2021 Photo OOlgan

« En japonais, le mot « couleur » = ? iro. signifie différence. rappelle l’artiste polyvalent, peintre, architecte et sculpteur japonais né en 1955. Les couleurs vives imprègnent d’abord tout votre champ de vision, mais si vous continuez à regarder, cette impression se transforme en une profondeur qu’il vous est alors possible regarder à l’infini. J’aime aussi les couleurs des feuillages d’automne, qui nous donnent l’impression que la matière se fond dans la lumière, et dans l’air. » ù

Les quelques peintures abstraites exposées sur des murs dépouillés libèrent des formes construites colorées, peintes avec matière et transparence. Ses signes à plat ou en relief rappellent des idéogrammes chargés de messages poétiques qui s’apprivoisent. Son écriture et ses formes entrent en dialogue avec les unes avec les autres et avec le fond pour libérer une pâte poétique et enchantée.

Isabel Nuño de Buen. Chris Sharp Gallery

Isabel Nuño de Buen, Codex, 2021 Galerie Chris Sharp FIAC 21

Les ‘codex’ muraux aux fragments composites d’Isabel Nuño de Buen évoqueront pour certains des palimpsestes tridimensionnels, des boucliers héraldiques ou des fragments archéologiques, pour d’autres des coquillages, ramassés au bord du tumulte terrien. Cette richesse de sens provient de leur composition, armatures en papier mâché portant une fascinante variété de matériaux – du papier brut aux dessins suturés, des plaques de céramique émaillée, aux ficelles qui créent des objets improbables.

Autant d’ énigmes qui, s’ils étaient correctement déballées et étudiées, révéleraient peut être quelques secrets de leur histoire. L’artiste mexicaine structure des allégories de traces d’une civilisation qui pourraient être la nôtre, derrière nous ou devant nous.

Simon Martin, Galerie Jousse Entreprise

Simon Martin, Acrylique, Galerie Jousse Entreprise FIAC 2021

Parmi les plus jeunes des artistes exposés, Simon Martin construit des images et des contre-plongées en aplats, aux couleurs chaudes et enveloppantes. En quelques tableaux parfois éblouissant dans les deux sens du terme, techniquement et visuellement, le tout récent diplômé des Beaux-Arts distille par lent processus d’imprégnation et une infinie bienveillance une subtile peinture figurative. La matière picturale légère et douce se joue des identités de ses modèles et de notre regard qui cherchent à en percer la réalité.

Simon Martin articule un discours descriptif, apparenté au processus analytique de la reconnaissance faciale, que le peintre efface volontairement. Ses empâtements lumineux à forcer de recouvrement des glacis colorés et de la résurgence de détails, captent la fragilité de l’intimité dans cette transparence lumineuse. Ce qui se donne à voir se lie ainsi avec ce qui échappe au regard, Simon Martin brosse une présence unique des objets et des êtres, présence discrète et précise comme le tressaillement d’un feuillage agité par la brise, qui estompent ou allègent.

Dennis Oppenheim, Galerie Mitterrand

Dennis Oppenheim Whirlpool eye of the storm, 1973 Galerie Mitterrand, FIAC 2021

C’est une démarche muséal que propose la Galerie Mitterrand avec le parti de pris de présenter les œuvres séminales de Dennis Oppenheim (1938- 2011). Ce pionnier des performances in situ en plein air, aux côtés notamment de Robert Smithson, Walter De Maria, Michael Heizer ne peut être réduit au land art, ce serait passer à coté à ses multiples pratiques artistiques et à la portée de son questionnement de notre rapport à l’environnement, à l’image et à la mémoire du paysage, le rapport au temps et au corps qui le traverse.

Pour conserver les traces de ses interventions, il associe deux disciplines, la performance éphémère et la photographie persistance. Avec une force intacte, Dennis Oppenheim se distingue par une approche plus conceptuelle intégrant une dimension sociale et politique explicite.

Exemplaire est l’œuvre Whirlpool-Eye of the Storm, elle récrée par une série de sept photographies, un projet réalisé au cours de l’été 1973 dans le désert du El Mirage Dry Lake en Californie pour lequel un avion dessina des cercles de fumée blanche dans le ciel. Durable ou éphémère, son récit kaléidoscopique confronte conceptuellement et visuellement des matières ou des organisations spatiales pour bousculer le regard et créer un nouveau narratif d’un paysage fragmentée.

Thomas Bayrie. Galerie Neugerriemschneider

Thomas Bayrie, Brancacci Chapel, 2021 Spatz von Paris, 2011, Neugerriemschneider, FIAC 2021

C’est dans un véritable espace immersif étouffant dans lequel Thomas Bayrle, né en 1937 nous plonge le visiteur à quelques mètres de l’entrée. Aucun échappatoire au regard n’est autorisé par l’artiste allemand à la croisée de l’art pop, sériel et optique qui fait de cette représentation de l’excès, sa marque de fabrique. La duplication mécanique de motifs qui engloutit l’ensemble des murs plonge dans l’histoire de l’art en cachant quelques tableaux aux titres suggestifs de « Brancacci Chapel » en hommage aux fresques « all over » de Masaccio et Masolino à Florence. S’il est difficile de nier la violence suscitée par la répétition étouffante des motifs anguleux, aux rares motifs et couleurs criardes et tranchées, elle assume et alerte sur  la déshumanisation produite par l’accumulation de signes digitaux, échappant à la fonction décorative traditionnelle.

Les malicieux se refuseront de voir ici dans cette alerte engagée, entre expérimentation et subversion, la métaphore d’une Foire dont l’attrait provient d’une accumulation exacerbée de plusieurs centaines d’œuvres au risque de noyer le visiteur. La somme du génie du tout en un, All-in-One….

#OlivierOlgan