Cinéma en salles : Retour sur 2021 en au moins 12 films à voir en priorité
Deux opéras : Les Indes Galantes & Dune
S’il fallait choisir un immanquable en priorité en tête de liste, pour lui décerner ce que je pourrai considérer comme étant LE film de l’année, j’en choisirais deux.
Tout d’abord (simplement parce que sorti plus de deux mois avant), Les Indes Galantes, formidable documentaire sur la création de l’opéra baroque de Jean-Philippe Rameau sur une mise en scène de l’artiste polyvalent Clément Cogitore (voir son portrait). Réalisé par Philippe Béziat, réalisateur familier du genre, ce film dégage un parfum de modernité bien dans l’air du temps d’une parfaite pertinence artistique. Lire plus
Et puis un autre opéra, du spatial cette fois, Dune bien sûr.
Denis Villeneuve a réussi le pari de faire en une première partie haletante, constamment sous tension un film d’une maîtrise de tous les bords. Tant à la mise en scène et l’image d’une esthétique à la sobriété presque théâtrale totalement convaincante jusqu’à la musique puissante et envoûtante d’un Hans Zimmer au sommet de son art. Nous ne pouvons désormais que ronger notre frein en attendant la deuxième partie qui semblait (diablerie marketing ou pas nous n’en saurons rien), préalablement conditionnée à un succès au box-office. Comme ce fut le cas, le film figure toujours à l’affiche, la date de sortie est désormais fixée au mois d’octobre 2023. Lire plus
Revenons un peu de Titane.
Cette Palme d’or 2021 n’a pas fini de faire parler d’elle ; pour certains elle reste une imposture. Gorgé de références intelligemment assimilées, ce deuxième opus de la surdouée Julia Ducournau nous crache à la figure certains des profonds malaises qui hantent nos psychés désœuvrées face à un futur qui nous échappe.
En bonus la mise en lumière d’une actrice, Agathe Roussel, qui semble sortie tout droit d’une compagnie de spectacle de rue et d’un Vincent Lindon halluciné pour cette œuvre d’une envergure aux faux airs cyberpunk. Lire plus
La Conspiration des Belettes, de Juan josé Campanella
Nous n’attendions plus Juan josé Campanella après son magnifique Dans ses Yeux oscarisé et césarisé il y a plus de dix ans. Il nous est revenu par la petite porte si j’ose dire. En effet La Conspiration des Belettes n’a pas eu de succès et a très vite regagné la sortie de salle. Pourtant ce film à l’ancienne, j’entends par là, une intrigue fouillée, des dialogues ciselés autour d’une bande réjouissante d’acteurs plus malicieux les uns que les autres est une petite perle perdue dans un océan de pauvre ergotage. Pris malgré vous dans un étau entre l’Alfred Hitchcock de Mais qui a tué Harry? et l’Agatha Christie de disons Le meurtre de Roger Ackroyd ces petites belettes vous prennent par la main pour un exercice de style parfaitement jouissif. Lire plus
Annette, de Leos Carax
Comment ne pas saluer le deuxième retour gagnant de l’éternel adolescent du cinéma français ? Après Holy Motors et son hommage mélancolique à la pureté cinématographique, Leos Carax nous a offert avec Annette une comédie musicale aussi romantiquement sombre que diablement virtuose. Le monde à travers les yeux d’une enfant représentée par une marionnette au service de la névrose parentale est bien plus qu’une simple allégorie. Lire plus
La loi de Téhéran, de Saeed Roustayi
À chaque année son film noir, en 2021 c’est très certainement le film iranien La loi de Téhéran qui remporte la mise. Noir à souhait ce mérité 38ème Grand prix du festival du film policier déploie un panorama étouffant de la situation iranienne. Pour son deuxième film Saeed Roustayi nous entraîne dans un maelstrom de tensions à faire pâlir un David Fincher. Doté d’acteurs d’un charisme qui crève l’écran, cette évocation du fonctionnement de la justice en Iran est à ranger aux côtés de la formidable réussite égyptienne d’ il y a quatre ans Le Caire confidentiel (visible actuellement sur Netflix). Lire plus
The Velvet Underground, de Todd Haynes
Sorti en salle pour une petite poignée de séances, le documentaire musical The Velvet Underground (actuellement uniquement disponible sur Apple TV), ne doit sous aucun prétexte être éclipsé par la faramineuse série fleuve consacrée au crépuscule flamboyant du plus grand groupe du monde The Beatles. En effet les trois fois deux heures de The Beatles Get Back réalisé par Peter Jackson et diffusé uniquement sur Disney + sont en cette fin d’année dans tous les esprits. Et même s’ il y a vraiment de quoi s’en réjouir et s’en extasier, le film de Todd Haynes consacré à l’histoire du groupe de Lou Reed et John Cale fondateur du rock moderne est une réussite majeure du genre. Retracer la genèse et la carrière du Velvet Underground restait une gageure. En s’en appropriant les codes esthétiques et narratifs Todd Haynes réalise un hommage d’une grande probité qui place ce groupe conspué en son temps au panthéon de la catégorie des plus influents de tous les temps. Lire plus
En séances de rattrapage
The Father, de Florian Zeller
Co-écrit par Florian Zeller (auteur de la pièce originelle), et Christopher Hampton, The Father a décroché l’Oscar du meilleur scénario et a permis à Anthony Hopkins de remporter le deuxième oscar du meilleur acteur de sa carrière. Déployant toute la palette de son immense talent, il nous emporte au cœur de ce qui foudroie peu à peu certains de nos aînés, la terrible maladie d’Alzheimer. En privilégiant la narration du point de vue de l’esprit en perdition d’un homme qui a été une sommité intellectuelle nous plongeons en pleine mortification.
Nomadland, de Chloé Zhao
Deux semaines après The Father, sortait le fraîchement triplement oscarisé dans trois catégories majeures (meilleur film, meilleur réalisation et meilleure actrice) : Nomadland de Chloé Zhao qui avait précédemment décroché le Lion d’or à Venise et le Golden Globe de la meilleure réalisation.…
Ses deux premiers films, en particulier le précédent The Rider, avaient particulièrement marqué les esprits. Inspiré du récit journalistique de Jessica Bruder Nomadland: Surviving America in the Twenty First Century, le film suit le parcours d’une senior déclassée. Après le décès de son mari et l’effondrement économique ainsi que la disparition pure et simple de sa ville, elle se voit contrainte de survivre au fond d’un fourgon aménagé en suivant les opportunités de contrats précaires au travers des États-Unis.
Sans aucune dramaturgie dégoulinante, Chloé Zhao et l’immense actrice Frances McDormand qui obtient l’air de rien son troisième oscar de la meilleure actrice pour ce rôle (après Fargo et Three Billboards), dépeignent un portrait de l’Amérique des laissés pour compte saisissant. Une magnifique ode à un certain bucolisme en une allégorie de l’existence et de sa solitude au travers d’un réalisme social profondément humaniste.
Les Illusions Perdues, de Xavier Giannoli
Donner envie de lire ou relire Balzac n’est pas donné à tout le monde, avec Les Illusions Perdues, Xavier Giannoli réussit le film français qui réconcilie le grand public avec le cinéma de qualité. Cette adaptation de l’ogre Honoré de Balzac dresse un portrait de la France autour de 1848 saisissant de similitude avec notre époque : inégalitaire, censitaire et presse sans éthique… Un casting trois étoiles rend vivante et crue la fresque de l’ ascension et la chute d’un jeune Icare ambitieux et naïf pris dans les rêts d’une société sans pitié pour les rêveurs : avec en tête de liste Benjamin Voisin, très injustement oublié aux Césars cette année pour Été 85, Vincent Lacoste dans le rôle d’un parfait cynique, sans oublier Cécile de France, Xavier Dolan ou encore André Marcon…et j’en passe. Les Césars sauront-ils récompenser le meilleur film de Xavier Giannoli à ce jour ?
En bonus de dernière ligne droite, la version de West Side Story par l’enchanteur Steven Spielberg. A ceux qui se demandent son utilité, , que demande-t-on de plus à un film ? Bourré d’émotions, des chorégraphies bluffantes et des plans aux couleurs flamboyantes d’une inventivité folle, le wonderboy d’Hollywood nous émerveille encore, et en profite au passage pour corriger les erreurs de casting, tous les portoricains sont effectivement portoricains (non grimés), le casting dansent et jouent sans playback, … et quel plaisir de vovre l’expérience sur grand écran pour deux générations qui ne connaissent pas le chef d’œuvre ou sur petit écran !…
D’autres films auraient mérité plus que quelques lignes
Que ce soient les blockbusters
- Free Guy de Shawn Levy jouissive mis en abyme d’un jeu vidéo entre Truman Show de Peter Weir et Pixels de Chris Columbus,
- Mourir peut attendre, le dernier tour de piste de James bond 007 Daniel Craig avec que j’ai personnellement trouvé particulièrement percutant,
- la grande réussite Cruella de Craig Gillespie magnifiquement incarné par Emma Stone, qui enterre sans peine les poussives adaptations des 101 dalmatiens avec Glenn Close,
- sans mégoter pour Jungle Cruise de Jaume-Collet Serra avec Dwayne Johnson et Emily Blunt, un autre Disney film d’aventures fantastiques réjouissant pour petits et grands qui fait le job (Netflix)
- sans oublier le Black Widow, un Marvel de Cate Shortland avec une Scarlett Johansson « badass » à souhait. A contrario l’affreuse déception Marvel des Éternels qui promettaient beaucoup et ont déçu au moins tout autant.
Du côté auteuristes internationaux, rattrapez vous avec
- Sweet Thing de Alexandre Rockwell,
- l’étonnant Compartiment N°6 de Juho Kuosmanen primé à Cannes,
- First Cow de Kelly Reichardt,
- le film suédois Julie en 12 chapitres de Joachim Trier
- sans oublier The French dispatch la dernière chromatopsie de Wes Anderson.
Enfin du côté auteurs français je retiendrai Boîte noire de Yann Gozlan thriller rudement bien écrit et mené avec notre Pierre Niney national.
Une fois n’est pas coutume, je recommande quelques films que je n’ai pas vu, mais donnent envie (nous en reparlerons peut-être).
Drive my car, de Ryusuke Hamaguchi
Favori pour la Palme d’or 2021, adapté de trois nouvelles de l’écrivain star japonais Haruki Murakami, ce film est reparti avec le Prix du scénario.
À noter que le réalisateur a également cette année co-écrit le très recommandable Les amants sacrifiés de Kiyoshi Kurosawa.
La Fièvre de Petrov, de Kirill Serebrennikov
Ne serait-ce parce qu’il s’agit là du réalisateur de l’un des plus grands films de la décennie précédente, je veux évidemment parler de Leto et aussi parce que Kirill Serebrennikov est particulièrement harcelé dans son pays la Russie.
Bad luck landing or loony porn, de Radu Jude
L’Ours d’or de la Berlinale 2021 ne sort que sur quelques écrans ce qui augure sans doute d’un film qui ne serait pas à la portée de tous. Cela devrait éveiller notre intérêt.
Et pour en finir avec mes divagations deux films iraniens (comme quoi le cinéma qui nous vient de Perse est particulièrement vivace).
- Le Diable n’existe pas de Mohammad Rasoulof qui traite de la peine de mort,
- Un Héros de Asghar Farhadi qui semble en bien meilleure forme que son très passable opus précédent Everybody knows.
Voilà pour cette année 2021 bien garnie, 2022 s’annonce tout aussi riche avec pas mal de choses excitantes, entre autres le très très attendu Avatar 2 en fin d’année.
Mais celles sont une autre histoire.
Bonne année de cinéma