Vins & spirits

Fin de vendanges à Bordeaux, Sauternes en majesté

Auteur : Isabelle Bachelard
Article publié le 12 octobre 2018 à 12 h 22 min – Mis à jour le 22 octobre 2018 à 10 h 05 min

Quand les vendanges tirent à leur fin dans l’ensemble du Bordelais, c’est le moment pour le vignoble de Sauternes de se réveiller. La pourriture noble, tant attendue cette année, a fait son apparition et la récolte, manuelle et par tries successives, peut se dérouler à son rythme singulier.

« Magnifique » se réjouit la présidente des crus classés de Sauternes-Barsac après ses deux premiers journées de vendanges. Alors que cinq jours plus tôt, elle patientait sans oser se prononcer, Slanie de Pontac-Ricard reconnait qu’il y a beaucoup plus de raisins botrytisés que ce qu’elle croyait. On annonçait un peu de pluie pour le week-end et cela ne l’inquiétait pas car « la pluie peut même faire du bien s’il n’y en pas trop ». Avec le temps chaud et sec qui s’est éternisé depuis le début de l’été, les raisins sèchent aussi. « Il faut un peu de volume, ne serait-ce que gustativement, pour que le partie confite s’équilibre avec un peu de jus ».

La nouvelle génération de Barsac, Bérénice Lurton de Ch. Climens et Slanie de Pontac-Ricard de Ch. Myrat, présidente des crus classés de Sauternes-Barsac. Photo © I.Bachelard

Sauternes & Barsac, une seule appellation de vins d’or pur

Sauternes et Barsac sont deux des communes du Bordelais, qui se trouvent à l’intérieur de la zone des Graves, au sud-est de Bordeaux, sur la rive sud de la Garonne, aux portes du Parc National Régional des Landes de Gascogne. Elles donnent naissance à des vins originaux, des liquoreux qui ne sont bien sûr pas des liqueurs, puisqu’aucun alcool n’est ajouté. Les raisins sont si riches en sucre que la fermentation ne peut le transformer entièrement en alcool. Les vins sont donc généreusement pourvus en alcool, en sucre et en gras – le côté liquoreux – mais tout autant en acidité et en parfums. Les jeunes sont gourmands, avec des parfums d’agrumes, qui s’enrichissent d’innombrables nuances avec l’âge, biscuit, vanille, safran, fruits confits, marmelade d’orange, bois ciré… C’est l’équilibre périlleux entre tous ces éléments qui en fait de très grands vins. Complexes, sophistiqués, ils séduisent par leur originalité, leur longueur en bouche et leur capacité à s’accommoder des circonstances les plus variées. Au delà du foie gras et du roquefort, ils se boivent comme apéritif, avec un poulet rôti (tradition locale), avec la cuisine végétarienne, les fromages forts, les plats aigre-doux. De plus, ils se conservent étonnamment bien au frais pendant plusieurs jours sans s’oxyder.

Étonnante pourriture noble

Le botrytis cinerea est une espèce de champignon, absolument unique et étonnant. Le béotien qui se promène dans les vignes admire des grappes magnifiques, à peine dorées et on lui explique que ce n’est pas du tout ce qu’on recherche, mais celles qui commencent à se flétrir. Les plus intéressantes pour le vendangeur sont celles, ratatinées et horribles que le non-connaisseur jetterait par terre ! Comme le disent les Sauternais quand ils accueillent des visiteurs : « Oubliez tout ce que vous savez du vin, ici c’est toujours le contraire ».  Le botrytis commence par faire des petites taches sur les baies de raisin. Petit à petit, il les colonise, les flétrit. A terme, il transforme les raisins à l’aspect le plus repoussant du monde en or liquide et délicieux, le grand vin liquoreux qui a fait la réputation de Sauternes, dont son 1er cru classé Château d’Yquem.

Les 4 stades du botrytis à Sauternes. Photo © I.Bachelard

120 vendangeurs pour quelques hectolitres

Au château d’Yquem, une équipe de 120 vendangeurs reste disponible pendant plusieurs semaines. Du jour au lendemain. Cette année, les premiers coups de sécateurs se sont fait attendre jusqu’au 3 octobre. Il faisait trop beau, trop chaud, trop sec, le botrytis ne venait pas et on cherchait dans les archives : A Yquem, qui a installé la première station météo, la récolte la plus précoce date de 1893, la plus tardive 1983, le 20 octobre… Au château Sigalas-Rabaud, ils sont une vingtaine à terminer les vendanges le 12 octobre. Laure de Lambert, qui dirige le domaine familial explique qu’il faut « passer au bon moment, quand on attend trop, on peut perdre ». Ravie de « l’acidité magnifique, de la complexité du botrytis », elle se réjouit des conditions superbes de la récolte 2018, qu’elle ne peut comparer à aucune de la douzaine qu’elle a supervisée.

Quelques jours avant la vendange au Chateau Doisy Daëne. Photo © I.Bachelard

Brumes fraîches et brises tièdes

Pour se développer, le botrytis a besoin de conditions particulières : il lui faut l’humidité qu’il trouve lorsqu’il pleut un peu ou que la brume accompagne le lever du soleil, suivie de chaleur dans la journée. La proximité de la rivière Ciron, dont les eaux fraîches se jettent dans la Garonne, crée le microclimat spécifique qui est indispensable au Sauternes (voir annexe Pour mieux comprendre…). C’est une des raisons pour laquelle il faut continuer à se mobiliser pour la préservation de son éco-système unique et de sa forêt de hêtres millénaire (40 000 ans).

Faut-il préciser qu’avec les vendanges par tries, parfois grain par grain, les cépages sémillon, additionnés d’un peu de sauvignon et parfois de muscadelle, produisent des rendements minuscules ? Quand on réfléchit au temps passé, à la technique d’orfèvre, à l’expérience indispensable pour obtenir un vin aussi complexe, les bouteilles de Sauternes et Barsac sont finalement vendues à prix aussi doux que leur goût.

Château d’Yquem sous le soleil attend les vendanges. Photo © I.Bachelard

Les sauternes ne sont pas si difficiles à se procurer, mais Singular’s vous aide à trouver les meilleurs… et vous fait découvrir le Ciron, essentiel dans l’écosystème nécessaire au sauternes

Les cavistes locaux

Visites, oenotourisme et boutiques des Châteaux

Les restaurants et hôtels dans les vignes ou très proches

Deux nouvelles tables exceptionnelles se sont ouvertes cette année au sein même de deux crus classés, La Chapelle à Château Guiraud, le premier des crus classés 1855 à avoir été certifié en agriculture biologique dès 2011 et Le relais-château du Château Lafaurie-Peyraguey, associé à la cristallerie Lalique.

Pour mieux comprendre le Ciron, le Sauternes et le botrytis :

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