Hommage à Carla Bley compositrice et jazzwoman (1936-2023)

[And so rock ?]  Avec la disparition de Carla Bley (1936-2023), grande dame du jazz contemporain, c’est une certaine idée de la création musicale qui tire sa révérence, après plus de 70 ans de carrière et près de 60 albums sans frontières de genre. Prolifique autant dans ses nombreuses et prestigieuses collaborations que dans ses œuvres personnelles, elle aura personnifié pour Calisto Dobson, l’élégance alliée à une exigence novatrice jamais démentie.

Une quête d’absolu

Lorsque Lovella May Borg connu sous le nom de Carla Bley vient au monde en 1936, Charlie Parker monument de l’innovation dans le jazz est à peine un adolescent.

Leur parcours n’est en rien comparable, mais la jeune Carla n’aura de cesse de poursuivre la même quête d’absolu. Initiée à la modernité par l’écoute de l’album What’s New de Teo Macero, appelé à devenir au cours de relations houleuses l’un des producteurs de l’irascible et génial Miles Davis, le sentiment de liberté furieuse qui se dégage de cette atonalité secouée de polyrythmie vont faire de cette autodidacte une tête chercheuse créative ancrée dans l’innovation. Naître musicalement avec le free jazz enracinera sa carrière au cœur des espaces à défricher.

Si le pianiste Paul Bley son premier mari lui offre un patronyme, il lui met également le pied à l’étrier en la poussant à composer.Après son divorce, sa rencontre avec le trompettiste et compositeur Michael Mantler sera déterminante, outre le fait qu’ils formeront un couple, leur aventure musicale les portera à la pointe de la modernité.

L’esprit à 360°

Dès le milieu des années 60 elle multiplie les collaborations de Gary Burton pour qui elle compose A Genuine Tong Funeral une procession instrumentale qui évoque la thématique de la mort à Charlie Haden pour sa participation à l’iconique Liberation Music Orchestra, album dédié à la conscience politique révolutionnaire. Nous sommes en 1968.

Un opéra avant-gardiste

L’esprit à 360° de Carla Bley captivé par Sergeant Pepper’s lui inspire en 1971, un opéra Escalator Over The Hill.

Au sein du collectif de pointures, le Jazz Composer’s Orchestra, elle compose cet opéra de jazz produit par Michael Mantler. Le livret qu’elle commande elle-même au poète Paul Haines et la teneur avant-gardiste du projet dans son ensemble en font un  coup de tonnerre créatif.

Aujourd’hui cette œuvre majeure est considérée comme un classique d’une époque où les tous possibles sillonnaient les cerveaux des chantres de la créativité à tout crin.

Elle ne s’arrêtera plus.

Il faudrait pratiquement citer la quinzaine d’albums solos qu’elle réalise entre 1974 et 2009,  tant sa personnalité artistique mérite toute notre attention. Que ce soient les premiers Tropic Appetites, Dinner Music, Musique Mecanique ou encore pour ma part le splendide Social Studies qui ouvre en 1981 une décennie majeure dans sa carrière, son travail recevra au fil des décennies une flopée de récompenses.

L’ épanouissement en guise d’ émancipation

Compositrice sans égal, Carla Bley va épanouir tout au long des décennies qui vont suivre son émancipation des genres en multipliant les influences au sein de son travail. Sa crinière de lionne et sa silhouette longiligne arpenteront les scènes du monde entier jusqu’à devenir une figure féminine d’autorité dans un domaine souvent réservé aux hommes.

Se pencher sur ses très nombreuses collaborations, avec Michael Mantler, Steve Swallow, bassiste avec lequel elle aura une relation aussi intime qu’intense artistiquement, ou encore Charlie Haden sans oublier le Jazz Composer’s Orchestra et toutes ses nombreuses participations, ne feront que démontrer que par la grâce de son exigence, alliée à une élégance jamais démentie, Carla Bley par la finesse de sa conception du jazz aura su rendre le monde meilleur.

#Calisto Dobson