Hommage à Wilko Johnson, guitariste de Dr. Feelgood (1947 - 2022)

[And so rock] Guitariste et fondateur de l’ascétique combo Dr. Feelgood, Wilko Johnson, donné pour mort il y a près de dix ans à la suite d’une saleté de cancer du pancréas, vient de lâcher à 75 ans sa Telecaster. Son jeu de guitare, tendu et acéré et sa dégaine de moine soldat peuvent par leur impeccable intégrité en remontrer à pas mal de pseudo “guitar heroes”.

Au cœur de l’identité sonore du bon doctor

Ne cherchez pas, Wilko Johnson, de son vrai homme John Peter Wilkinson (12 juillet 1947 – 21 novembre 2022) ne figure dans aucun classement des meilleurs guitaristes du monde. Pourtant il aura œuvré à l’asservissement de la chose rock’n’roll sur le monde.
Guitariste phare de l’escouade Dr. Feelgood, son jeu mordant a marqué de son accent à l’acier trempé l’identité sonore du toubib qui te fait te sentir bien.

Un Rhythm’n’blues électrocuté

En 1971 acoquiné à John B. Sparks, John Martin et Lee Brilleaux (le chanteur qui eut le mauvais goût d’opérer un lâcher de micro définitif il y a 28 ans), il fonde le foudroyant Dr. Feelgood. Faiblement qualifié de Pub rock, il s’agit d’une entité qui vénère à l’os un Rhythm’n’blues électrocuté (à rebours des iconiques androgynes à la mode type Bowie).

En quatre albums, Down by the jetty (1974), Malpractice (1975), Stupidity live d’anthologie  (1976) et Sneakin’ Suspicion (1977), Dr. Feelgood creuse un sillon qui ouvre la voie à la déflagration punk et son exigence radicale. En seulement deux années, de 1975 à 1977, ce groupe d’incorruptibles jette à terre tout maniérisme et renvoie à leur caserne la colonne des faiseurs pompiers.

Même s’il reste un de ces groupes presque passé sous le manteau entre connaisseurs, le bon docteur a provoqué en quelques titres emblématiques  d’une intensité rythmique paroxystique une puissante envie de pousser le potentiomètre en zone rouge. Un alliage sans fioritures basse batterie au cordeau qui entoure la sécheresse d’acier de la guitare de Wilko pour accompagner le chant emporté du chanteur à l’harmonica révulsé, voilà pour la formule.
L’ébouriffant album en public Stupidity considéré comme un modèle du genre, donne un aperçu de ce que le groupe dégageait sur une scène. C’est pourtant loin de ce que pouvait exprimer le Wilko et sa légendaire Telecaster (Real men play Telecaster dit la maxime blues) en concert.

Habité d’une foi monacale à l’intégrité jamais démentie

La sobriété de son jeu au tensiomètre au bord de l’épilepsie, faisait pulser l’aura du Feelgood.

L’envolée du guitar heroe

Après le Dr. Feelgood, Wilko Johnson a continué sa route et offert ce qu’il faisait le mieux, jouer de la guitare à la façon d’un coupe chou.

Lorsqu’il apprend il y a presque dix ans qu’il ne lui reste tout au plus qu’une poignée de semaines à vivre, il refuse la chimio, reprend la route et survit. En 2014, il enregistre un album en compagnie de Roger Daltrey (chanteur des Who), qui se classe sur le podium des ventes en Grande-Bretagne. Une tournée avortée et une lourde opération chirurgicale plus tard, il annonce être guéri.

En 2018 il sort son dernier album intitulé Blow your mind.

Ce n’est que le 21 novembre à l’âge honorable de 75 ans pour un lancier de Pub qu’il finit par lâcher sa vénérable Telecaster.

#Calisto Dobson