Culture
Josquin Pouillon peintre "à l’école de la couleur" (Delamour Gallery)
Auteur : Calisto Dobson
Article publié le 5 novembre 2024
L’art contemporain dans ce qu’il a de plus abordable, autant dans sa représentation que dans son accès à l’achat recèle encore de belles surprises. C’est le cas avec la peinture de Josquin Pouillon qui a été à « l’école de la couleur » pour mieux capter les variations de la nature. Digne de toute votre attention, pour Calisto Dobson son travail peut être apprécié à la Delamour Gallery à Paris.
Une luminosité exaltée par sa palette de couleurs
Au détour d’un défilement aiguillé par un algorithme obséquieux, votre regard est soudain accroché par une publication sponsorisée sur l’un des vétérans des réseaux sociaux. En plein centre est représentée une toile de peinture entre figuratif et abstraction. Il s’agit d’un paysage d’une luminosité exaltée par sa palette de couleurs. Capté, vous pressez la détente du clic. Un artiste dont vous n’avez jamais entendu parler est exposé au cœur d’une des rues de Paris les plus fréquentées par les galeries d’art. Et il s’agit de le mériter car la Delamour Gallery se situe dans le fond d’une cour abritée des regards de la rue.
Accueilli par Mme Isabelle Fabre-Chabrat, vous y découvrirez le travail indignement méconnu de Josquin Pouillon, avouez qu’un patronyme pareil ne saurait être attribué qu’à un artiste peintre. Et si vous disposez d’un tant soit peu de goût pour la peinture, son œuvre est digne de toute votre attention.
Une jeunesse plongée dans tous les arts
Né en 1961 et malheureusement décédé prématurément en 2021, Josquin Pouillon eut une enfance immergée dans l’art. Sa mère qui fût Conservatrice au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, puis au Centre Georges Pompidou, le mit très tôt en contact avec l’art abstrait. Grâce à son grand-père maternel, Conservateur du Cabinet des dessins au Musée du Louvre pour qui il concevait une profonde affection, il fût amplement imprégné par la force et l’exigence du classicisme.
Il est aisé de voir aujourd’hui à quel point ses deux influences majeures se reflètent dans son travail. Et la synthèse qu’il effectue.
Son art figuratif se magnifie peu à peu en une abstraction qui certes révèle ses ascendances mais surtout témoigne d’une personnalité. Ses traits de peinture à l’huile dont la disposition picturale est d’une grande maîtrise dispensent une palette de couleurs qui transfigurent les paysages évoqués.
Le besoin d’en découdre avec le mystère de la nature
Chaque toile finit par représenter autant une carte mentale, un besoin d’en découdre avec le mystère de ce que la vision de la nature produit en nous, qu’une image surnaturalisée d’une forêt, d’un bois, d’un champ ou d’un relief. Ce qui n’est guère surprenant avec Josquin Pouillon puisque durant toute son existence il vécut littéralement habité par la campagne des environs du village de Bonnu dans la Creuse.
Pour la petite histoire, Josquin Pouillon fût la main de Jacques Dutronc dans le Van Gogh de Maurice Pialat.
« Pialat. Josquin sera la main, la peinture, la couleur Van Gogh durant les deux mois et demi du tournage. Lors d’une de ses colères homériques, Pialat s’empare du chevalet et l’envoie balader à une hauteur vertigineuse. Josquin : » Chevalet vole ! » L’ombrageux réalisateur s’incline. Le peintre a raison. La peinture n’aspire qu’à voler, quand bien même le peintre n’a pas d’ailes. »
Didier Goldschmidt
Ce qu’il reproduisit sur ses toiles n’étant que la traduction de sa fascination pour cette nature qu’il vivait comme une propre émanation de sa personne.
Une passion pour les Indiens d’Amérique
En dehors de cet attrait pour cette nature qu’il s’employa à transmuer en une allégorie de nos cheminements intérieurs, Josquin Pouillon voua une passion pour les Indiens d’Amérique. Si dès son enfance, il développa une grande attirance et une profonde érudition des tribus indiennes, ce n’est pourtant qu’à partir des années 2000 qu’il en exécuta une quarantaine de portraits. Tous d’un même format (140 cm x 100 cm), entre réelle connaissance et imaginaire esthétique, il rend hommage à leur sagesse ancestrale. Traçant sur les traits de ces visages des lignes de partage entre paysage émotionnel et vérité crue, il touche à l’universalisme prôné par la culture indienne.
La maitrise de pastel gras
Ayant développé une allergie à la térébenthine, il s’employa à utiliser la technique du pastel gras. Il en ressort entre portrait sur le vif et bande dessinée stylisée proche d’un idéal fantasmé le témoignage d’un respect hanté par le sentiment de sa propre insuffisance ainsi qu’une repentance face à ce qu’a subi cette culture.
C’est avec des pastels, aujourd’hui que je ne peux plus peindre à l’huile- que j’essaie encore et toujours de connaître- reconnaître- tracer- repasser- refaire- reprendre encore ces « tours » et ces détours du bord de ce lac qui a baigné mon enfance d’un doux bonheur.
Josquin Pouillon
Jusqu’à la fin de sa vie Josquin Pouillon aura poursuivi une inclination à célébrer l’harmonie cultivée par la physiologie même de la nature telle que celle enseignée par la nation indienne. Même si de son vivant l’artiste aura eu droit à un grand nombre d’expositions, il reste encore à découvrir la probité et la force de son travail.
« La peinture de Josquin Pouillon, au contraire, ne nous laisse pas errer, elle ne veut pas nous perdre mais nous guider vers sa clairière, sa contemplation. »
Didier Goldschmidt
Avis aux amateurs, ces toiles restent d’un accès plus qu’abordable sur un marché de l’art devenu fou et/ou surfait en matière d’achat.
Pour aller plus loin sur Josquin Pouillon
le site Delamour Gallery, 53, rue de Seine, 75006 Paris, du mercredi au samedi 13h00 – 18h00 (dans la cour à droite)
A lire
De la solitude des jardins : passerelle entre peinture & écriture, de Christian Sapin, Josquin Pouillon, Blancs Volants éditions, 2022. Un dialogue entre les peintures de Josquin Pouillon et les poèmes de Christian Sapin, où le jardin prend vie, où la lumière vibre et convoque les êtres aimés dans cet écrin de couleurs et de verdure.
Partager