La Fille du régiment, de Donizetti, par Laurent Pelly, Evelino Pido, Chantal Thomas (Opéra Bastille)

Avec La Fille du régiment, l’Opéra Bastille fait rire autant qu’il enchante. La mise en scène de Laurent Pelly – créée en 2007 avant d’être intégrée au répertoire – sert remarquablement l’œuvre de Donizetti. Surtout, quand metteur en scène, décorateur et direction jouent la même partition, plutôt que faire bande à part comme souvent à l’Opéra de Paris (lire sur ce Don Quichotte, par Damiano Michieletto). Les dernières représentations de cette saison courent jusqu’au 20 novembre (il y a encore beaucoup de places), mais il est certain pour Etienne Gingembre et Martine Waksman qu’on reverra cette production et sa troupe qui ont eu droit à un triomphe.

Comiques troupiers et excellents chanteurs

Dans cette « Fille du régiment », il y a une fille et un régiment. Pas de mise en scène délirante, décoiffante, dérangeante, décalée, comme nous y a habitué la Bastille, pour cet opéra de Gaetano Donizetti. Si vous saviez comme le public était heureux que, pour une fois, la mise en scène de Laurent Pelly ne nous raconte pas une histoire qui n’a rien à voir avec celle imaginée par ses librettistes. Sur la scène, donc, des soldats et une vivandière, autrement dit une cantinière.

La Fille du régiment, de Donizetti, par Laurent Pelly, avec Julie Fuchs, Felicity Lott photo Agathe Poupenet (Opéra Bastille)

Des grognards aux poilus

L’œuvre ayant été créée en 1840, Donizetti avait imaginé faire défiler des grognards napoléoniens. Mais le metteur en scène les a remplacés par une troupe de sympathiques poilus de 1914, avec moustaches et capotes bleu horizon. Ce faisant, Laurent Pelly fit preuve de beaucoup d’à-propos, collant parfaitement avec la matinée du 11 novembre, pour la 106e commémoration de l’armistice qui mit fin à la Grande Guerre.

La Fille du régiment, de Donizetti, par Laurent Pelly avec les décors de Chantal Thomas photo Agathe Poupenet (Opéra Bastille)

Toute la verve de l’opéra comique

Brava à la décoratrice Chantal Thomas qui a réussi à éviter les clichés de casernes tout autant que ceux de l’audace conventionnelle pour nous proposer des montagnes de cartes géographiques, un château de bois en dentelle et des pyramides de papier évocatrices de la campagne d’Égypte. Bravo à Laurent Pelly dont la mise en scène a fait rire, initiative d’autant plus heureuse que La Fille du régiment est un opéra-comique. Alors le public se marre, séduit par le formidable duo d’acteurs burlesques que forment Julie Fuchs, dans le rôle-titre, et Lawrence Brownlee.

Une guest star mythique

La Fille du régiment, de Donizetti, incarnée par Julie Fuchs photo Agathe Poupenet OnP

Les critiques soulignent la maitrise des aigus ainsi que « le timbre clair et étincelant » de la soprano française comme ils applaudissent la facilité avec laquelle le ténor américain « franchit l’épreuve des neuf contre-uts de “Pour mon âme” en technicien et en styliste, rompu aux subtilités du bel canto ».

Bien sûr, les autres interprètes, sous la baguette d’Evelino Pidò, sont au diapason. Cerise sur la pièce montée – parce qu’il est question d’un mariage –, ce n’est personne d’autre que Dame Felicity Lott que l’on voit apparaitre, tout de mauve vêtue, en Duchesse de Crakentorp. Et que Chantal Thomas n’a pas hésité à affubler d’un incroyable bibi de couleur assortie.

Vous l’aurez compris, le plaisir de cette production est une pépite!

Etienne Gingembre et Martine Waksman

  • De Gaetano Donizetti, Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges, Jean-François Bayard
  • Mise en scène – Costumes : Laurent Pelly – Décors : Chantal Thomas
  • Lumières : Joël Adam – Chorégraphie : Laura Scozzi – Dramaturgie et adaptation des dialogues : Agathe Mélinand
  • Direction musicale : Evelino Pido, Chef de Choeur : Ching-Lien Wu – Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris.
  • Avec : Julie Fuchs, Lawrence Brownlee, Lionel Lhote, Susan Graham, Florent Mbia, Cyrille Lovighi, Mikhail Silantev, et Dame Felicity Lott