La folle histoire du rouge à lèvres, de Rachel Kahn et Christophe Fort (Herscher)

Des lèvres de Cléopâtre à celles de Marylin, c’est l’objet cosmétique iconique par excellence, entre artifice et « soft power » féminin. Le fard à lèvres est presque aussi vieux que le monde !  Le « rouge » a toujours été un outil de séduction et de pouvoir, mais aussi d’émancipation pour Rachel Kahn et Christophe Fort, auteurs de cette La folle histoire du rouge à lèvres (Herscher). La pertinence de l’écriture très journalistique, dopée par une mise en page tonique et la grande densité d’illustrations réussissent à embrasser toutes les dimensions culturelles certes, mais aussi sa portée sociale, économique et politique de ce bâtonnet toujours explosif pour celles qui l’utilisent et ceux qui le stigmatisent !

 

Toute femme a besoin d’un homme qui sache ruiner son rouge à lèvres, pas son mascara.
Maryline Monroe

Un précipité politique

Si le bâtonnet doit sa forme actuelle au parfumeur Pierre-François-Pascal Guerlain (1798-1864), le fard à lèvre est pour les auteurs de cette » folle histoire du rouge à lèvres, le « baromètre de la longue et sinueuse marche des femmes vers leur émancipation », des suffragettes d’avant  la 1ère guerre, aux iraniennes défiant le régime de l’ayatollah Khomeyni. Le rouge à lèvres subit les tirs croisés des religieux de tout poil et des « assignations » genrées, dictées par la société de consommation, face à ses promesses d’individualisation permettant à chacune de construire son propre canon de beauté …

Le rouge est une couleur primaire, la couleur de la passion, celle du sang aussi. Les lèvres renvoient à la sexualité, elles évoquent l’oralité… c’est un symbole érotique et sexuel très fort !
Rachel Kahn et Christophe Fort

L’efficacité tonique de la mise en page dopée par une illustration très riche donnent toutes ses dimensions au « lipstick », autant phénomène socio-culturel qu’économique, puisque son marché est devenu un indicateur de niveau d’activité d’un pays.

Un marqueur social

Si je marche dehors sans rouge à lèvres, je me sens nue.
Sofia Vegara, productrice et animatrice de télévision.

La qualité rédactionnelle très journalistique de Rachel Kahn et Christophe Fort contribue aussi sortir de l’anecdote pour brosser une histoire qui dépasse le simple enjeu esthétique. Une série d’interviews d’experts, de Nicolas Gerlier, fondateur de Bouche Rouge, pionnier du rouge à lèvres éco-responsable, à Kelly Njiké, fondatrice de Meylaci,  en passant par les historiens Anne-Marie Granet-Abisset et George Vigarello contribue à densifier une dynamique qui a permis aux femmes de se réapproprier leur corps, leur image et leur désir de beauté. Une force invisible  pour l’esorit qui reste toujours explosive !

#Olivier Olgan