Culture

Le carnet d’écoute des Ellipsos, Quatuor de saxophones

Auteur : Olivier Olgan
Article publié le 27 mars
 2021

Depuis plus de 18 ans le quatuor Ellipsos hisse haut les couleurs vocales du saxophone. Précurseur autant par leur polyvalence que par les formats de concerts, les quatre garçons dans le vent ne cessent de diversifier leur répertoire à force de transcriptions inventives ou de découvertes rares comme celle de la compositrice française Fernande Decruck. La 10e édition de Festival du Souffle qu’ils ont créé à l’Abbaye Royale de Celles-sur-Belle (79) se tient du 16 au 18 juillet 2021.

Paul-Fathi Lacombe, soprano, Julien Bréchet, alto, Sylvain Jarry, ténor et Nicolas Herrouët, baryton forme le Quatuor de saxophones Ellipsos @DR

Le saxophone joue toutes les voix humaines

Quand on entend quatuor, on pense immédiatement à la formation classique deux violons, deux altos et un violoncelle. Pourtant, d’autres formules existent, comme celle du quatuor de saxophones avec cette alchimie de tessitures si proches de la voix ; Les plus aigus sont soprano et alto, et les plus graves, ténor, baryton, basse et contrebasse. On retrouve vraiment toutes les voix humaines au saxophone ! « Il est à la fois doré, puissant, doux, il a un potentiel imaginaire énorme. Si vous voulez rêver, choisissez le saxophone ! » revendique Paul-Fathi Lacombe, saxophone soprano. « Et en même temps, c’est un instrument qui surprend en permanence, d’un saxophoniste à un autre, on entendra jamais la même chose.»

Une plasticité vocale

C’est cette plasticité musicale qui leur permet depuis leur création en 2003 à l’issu de leur leurs cursus aux Conservatoires Nationaux de Région de Versailles et Cergy de de construire une aventure artistique et humaine inédite. Elle décolle vraiment avec le 1er Prix à l’unanimité du Concours européen « Musiques d’Ensemble » 2007 organisé par la FNAPEC.

Cette reconnaissance leur permet de se bâtir un répertoire solide, qui embrasse toutes les époques et genres musicaux. Leur discographie témoigne de leur éclectisme et de leur soif de repousser les murs :   musique russe, française, américaine, de Bach à Glazonov. Et de leur volonté de se créer leur propre répertoire avec des collaborations avec des compositeurs contemporains comme Thierry Escaich, ou des saxophonistes actuels : Nicolas Prost, Philippe Geiss, Jean-Charles Richard, le coréen Seung-Dong Lee, le brésilien Erik Heimann-Pais, le colombien Javier Ocampo entre autres.

L’hommage rendu à Fernande Decruck (1896 -1954)

Si le quatuor n’a jamais eu peur d’éclairer des œuvres méconnues, et c’est à cela que l’on reconnait la marque de grands musiciens, le dernier disque d’Ellipsos répare aussi une injustice en réhabilitant l’œuvre de Fernande Decruck (1896 -1954). Si en tant que professeure-assistante d’harmonie au Conservatoire de Paris (dont elle avait remporté plusieurs Prix) elle a formé de grands musiciens comme Olivier Messiaen, son œuvre essentiellement écrite entre les années 30 et 40 est dédiée au saxophone. Elle sort enfin de l’oubli après maintes péripéties. Synthèse des Années Folles, la musique de Decruck comme celle de Ravel son contemporain fusionne les styles, combine des mélodies traditionnelles et le jazz, brosse généreusement des couleurs subtiles et suaves, parfois mélancoliques,  typiquement françaises. Les Ellipsos la magnifie à merveille.

La musique est transmission

L’autre dynamique qui rend les Ellipsos unique est leur volonté de transmettre. Comme rien ne leur a été facile pour créer leur niche musicale ; ils ont su très vite qu’il devait créer leur public, celui d’aujourd’hui avec de multiples apparitions (Victoires de la musique) mais surtout de demain. « Et justement, insiste Sylvain Jarry, saxophone ténor ce qui nous anime avec le Quatuor Ellipsos depuis de nombreuses années, c’est la transmission de notre culture, de nos cultures aux plus jeunes. Du coup, encore plus aujourd’hui qu’hier, on est persuadé qu’il faut renforcer les liens entre les artistes, les structures d’enseignement des arts et l’Education Nationale. »

Ellipsos s’est lancé dès 2007 dans la création et la direction d’un Festival du Souffle à l’Abbaye Royale de Celles-sur-Belle (79) pour en faire un creuset de collaborations afin de ciseler de nouveaux répertoires.  Sa 10e édition se tient du 16 au 18 juillet 2021. En parallèle, leur Académie de saxophone Ellipsos accueille de jeunes musiciens pour les former aux métiers de la scène. Ils ont tant à partager ceux qui ont réussi à forger et exprimer si personnelle. Souhaitons à Paul-Fathi Lacombe, soprano, Julien Bréchet, alto, Sylvain Jarry, ténor et Nicolas Herrouët, baryton, le meilleur vent loin de cette tourmente pour poursuivre leur dynamique généreuse.

Le carnet de lecture des membres du Quatuor Ellipsos

Paul-Fathi (sax soprano) :

Les Nuits d’été, de Berlioz par Véronique Gens, et l’Orchestre National de Lyon. Cette découverte s’est passée pendant mes études au Lycée Victor Hugo à Poitiers. Cette œuvre m’a bouleversé tant par le caractère léger et volubile du spectre de la Rose mais aussi par le panache que dégage la musique de Berlioz. Sachant en plus qu’il est le premier compositeur a s’être intéressé au saxophone dans son célèbre Traité de l’instrumentation : ma passion pour Berlioz était née!

L’étrange Noël de Mister Jack de Danny Elfman par l’Orchestre Philharmonique de Radio France (live 2018). Non seulement l’esprit et la magie de Noël sont des thèmes chers à mon cœur mais en plus le saxophone a une place toute particulière dans la partition. La musique et le cinéma ont toujours fait bon ménage et l’interprétation du Philharmonique est absolument fantastique – n’y voyait pas une influence berliozienne dans mon ressenti!- ! Inoubliable moment en direct de l’Auditorium de Radio France car c’était aussi moi qui tenais la partie du saxophone alto solo ce soir de Noël sous la direction du génial Mikko Franck.

Julien Bréchet (sax alto) :

« Easy living » l’album du saxophoniste Paul Desmond avec en feat son compagnon Jim Hall à la guitare.

L’ élégance du phrasé, sa simplicité et la sobriété de Paul Desmond m’ont marqué au plus profond. On dirait qu’il nous murmure à l’oreille la musique tant son jeu est vocal, et ce fut pour moi la révélation : le saxophone est comme la voix humaine !

L’Adagio du 23° concerto pour piano de Mozart K 488 par et avec Christian Zacharias ( 8 cds Emi.Warner)

Le thème bouleversant joué dès le début par le piano en solo dans un raffinement extatique exprime toute la poésie,  mais également la douleur tendre. Puis l’entrée de l’orchestre avec les cordes et la flûte apporte une sorte de magie lyrique divine. C’est pour moi l’une des plus belle page de la musique classique.

Sylvain JARRY (sax ténor) :

« Peur de rien blues » de Goldman (live 1987). Les paroles expriment bien la sorte d’invincibilité que je peux  ressentir en tant que musicien tant que je suis dans mon élément. Cette chanson a probablement été le premier blues que j’ai étudié, ressenti et compris sans même le savoir, simplement à force de l’écouter ! J’ai toujours besoin de « boire » la première partie « sage » pour profiter pleinement du shuffle endiablé de la fin et me laisser emporter par son solo de sax.

« L’oiseau de feu » de Stravinsky : C’est en préparant l’option musique du baccalauréat que j’ai découvert ce monument de la musique pour orchestre. Il m’emmène tantôt dans sa poésie hors du temps, tantôt dans ses rythmes telluriques. C’est cette capacité qu’a Berlioz à nous faire voyager d’un extrême à l’autre qui me fascine.

Nicolas HERROUËT (sax baryton) :

Le Concerto de Glazounov par Arno Bornkamp sur l’album « A saxophone in Paris » a été mon premier disque de saxophone. J’ai tout de suite été émerveillé par le son de cet instrument. Ca a été pour moi une source de motivation d’arriver à jouer cette œuvre magnifique, récompensée quelques années plus tard pendant mes études musicales.

Une autre musique qui me donne les larmes aux yeux dès que je l’écoute, car elle me replonge dans mon enfance et mes rêves, c’est Adventures on Earth de John Williams. Cette bande originale du film E.T. l’extra-terrestre est l’une des meilleures musiques de films, tant par la créativité de ses thèmes que par la richesse des accompagnements. Je l’ai d’ailleurs dirigée plusieurs fois dans sa version pour orchestre d’harmonie au conservatoire de Nantes.

Pour suivre Ophélie Gaillard et ses ensembles

Son site Quatuor Ellipsos

Sa Chaine youtube

Agenda

 

Au disque

  • Medina (2007) avec le saxophoniste Ph. Geiss, l’accordéoniste F. Tâtard et les musiciens du Gamelan de la Cité de la Musique à Paris,
  • Peer Gynt (2009), œuvres d’A. Glazounov, S. Prokovieff, E. Grieg et V. Monti,
  • Bolero (2014, Genuin Classics) ; musique française (M.Ravel, G.Pierné, Th.Escaich et J.Françaix),
  • Sax & Gospel (2017) ; JS Bach et aux chants gospel,
  • United Colors (2018, NoMadMusic) répertoire contemporain pour quatuor de saxophones et orchestre d’harmonie (Th. Doss, Ph. Geiss, Gr. Lynch et W. Gregory),
  • Saxophonie (2021, NoMadMusic), oeuvres de Fernande Decruck.

Partager

Articles similaires

L’Atlas historique du ciel , de Pierre Léna et Christian Grataloup (Les Arènes)

Voir l'article

Jean-Christophe Buisson (1945) & Brice Couturier (1979), historiens des années-charnières (Perrin)

Voir l'article

Hedwig and the Angry Inch, de John Cameron Mitchell et Stephen Task (La Scala Paris)

Voir l'article

12 romans 2024 retenus par les auteurs de Singular’s à lire ou à offrir

Voir l'article