Le cousin, de Michele Aubriere (éditions Des femmes Michèle Touque)

Dans un des évangiles, je ne sais plus lequel, une phrase prêtée à Jésus, d’une puissance extraordinaire, te renverse cul par-dessus tête : « si vous touchez aux enfants…les pierres crieront ! ». Mais les évangiles ne tiennent pas souvent leurs paroles. Et les pierres crient rarement dans les cours de justice. Alors…elles hurlent dans les livres ! Patrice Gree a été bouleversé par la sobriété du récit Le cousin, de Michele Aubrière (éditions Des femmes Michèle Touque)

En France, 1 femme sur 5 déclare avoir subi des violences sexuelles. Parmi ces victimes, 81% avant l’âge de 18 ans, 51 % avant l’âge de 11 ans et 21 % avant l’âge de 6 ans…1 femme sur 5 ! Ce chiffre te tombe lourdement sur les pieds. Le nombre de viols constatés – constatés – s’élève à 24880 en 2022, soit 67 viols par jour, soit 3 viols par heure dans ce pays ! Pour un certain nombre d’hommes les femmes sont des proies. Et, parmi eux… les petites filles, des petites proies de choix !

« Le Cousin » est le récit d’une chasse qui aura duré trois ans, de huit à onze ans !

Une chasse gardée secrète durant le crime, puis révélée, puis…rien ! Par quel mystère rentrons -nous immédiatement dans une histoire ? Par sa construction ! L’auteure sait fouiller la mémoire et révéler à travers les micros détails d’une scène la terreur, la colère, la honte, le chagrin et la culpabilité qui s’y planquent !
Camille a trois ans quand son frère ainé, aimé, meurt… Il s’appelle Henri.
Il a quatorze ans quand la leucémie l’emporte. « Chaque jour, elle attend son retour. Assise sur sa petite chaise, postée en sentinelle à la fenêtre de l’étage. Ainsi font les chiens pendant l’absence de leur maître…

Qu’il arrête d’être mort, se dit-elle

Si en littérature il existait une balance pour peser le poids de la détresse et du chagrin contenu dans une phrase… Camille désormais fille unique, perdue entre une mère effondrée et un père qui fuit, vit dans «  la peine-ombre » dit l’auteure. La pénombre jusqu’à l’apparition du cousin… Du même âge que Henri celui qui ne sera jamais nommé a été embauché par le père, patron d’une petite entreprise de transport. L’enfance de Camille dans une cour pavée du treizième arrondissement de Paris, sent la solitude, l’huile de vidange et le gaz-oil !
Le cousin devient vite le grand frère affectueux et … joueur.

Ce qu’elle vient de vivre lui semble irréel, une séquence dénuée de sens : son cousin subitement transformé en un type bizarre et dégoûtant comme certains, croisés dans le métro, qui ont les mains baladeuses. Et l’obligeant, elle Camille, à jouer un rôle, à être sa “partenaire”.
Michele Aubrière, Le cousin

Comment deviner à huit ans, sous les blagues tendres, les jeux innocents dans la cour et le sourire enjôleur, les crocs du loup ?

Le besoin de tendresse et la confiance de Camille serviront de laisser passer au loup. Il franchira clandestinement trois ans durant les frontières qui séparent l’amour du crime ! Mots interdits, caresses de plus en plus insistantes, Camille perplexe d’abord laisse faire.
Comment un adulte qu’on aime peut-il faire quelque chose d’interdit avec un enfant ? Mais quelque chose ne va pas… quelque chose dans le corps, dans la tête, dans le coeur ! Camille ne veut plus, Camille se révolte, Camille crie ! Un cache-cache qui n’a plus rien d’un jeu d’enfant, se met en place dans l’appartement familial. Camille se cache, s’enferme à double tour…
Mais le loup trouve toujours un trou de souris pour s’introduire !

Tous deux dédoublés, radicalement “autres”, dans cette pantomime absurde. Elle s’aperçoit qu’elle ne respire pas normalement, se sent oppressée. Elle ne sait pas encore que sa vie vient de basculer.
Michele Aubrière, Le cousin

Jusqu’au viol, comme un dernier coup de couteau !

La vie bascule…et la fin du livre avec la réapparition soudaine du violeur, nous laisse sans voix !
Camille deviendra psychanalyste !

Patrice Gree