Culture

Le Loup et l’Enfant, Poème sur une photo de Jean-François Spricigo

Auteur : Jean-François Spricigo
Article publié le 29 novembre 2017 à 11 h 14 min – Mis à jour le 22 mai 2018 à 12 h 29 min

Le photographe Jean-François Spricigo est aussi poète. Sur une photo d’enfant avec un loup, il sait poser des mots tendres.

Je suis là, silencieux. Je parle peu. Je n’ai qu’une parole, au contraire des Hommes qui ne respectent rien.

J’observe la vie alentour, parfois je la prends. Par mes yeux regardent des centaines d’yeux. J’honore chacune de mes proies d’une mort digne des précédentes. Je guette l’instant où les prendre sera leur évidence. Sans cruauté, jamais.

Elles viennent en moi soulagées, à la fin d’une respiration, quand le coeur bat tranquille, sereines. La mort sous mes crocs est une étreinte, une célébration d’une infinie douceur. Je ne tue pas, je nous unis dans le sang. Les Hommes avec leur troupeau viennent ici souvent, je le sens, nous les sentons, ceux en moi le savent.
Aujourd’hui j’observe un Petit Homme, depuis deux aurores.

Il tremble sous l’arbre où il a été oublié. Il est jeune et ignore comment manger l’herbe et les feuilles. Couché, écrasé par la faim, je sens la souffrance en lui, la souffrance de tous ceux qui l’habitent. Les Hommes dévorent, sans discernement. À ceux qui prennent la vie sans dignité, ne les attendent que souffrance et résignation.

Lui n’est pas comme les autres. Il est triste, seul, abandonné, mais lui ne sent pas la peur de mourir. Je pourrais l’inviter en moi, je suis une famille entière. Je m’approche doucement. Il est trempé de détresse, son corps en pleurs pareil à l’automne. Sa solitude est infernale, elle doit cesser.

Je vais t’accueillir mon enfant, enfin tu seras aimé, comme je les ai tous aimés, et nous voyagerons sous la lune, et un soir nous irons à la terre, ensemble. Je ne te prendrai pas Petit Homme. Tes pères ne t’aiment pas, ils t’ont lié. Tu es attaché et je ne peux t’aimer que libre. Notre histoire est au-delà de toute stratégie.

Des Hommes s’en viennent, l’horizon se referme sur leur nombre. La cruauté les rassemble, la lâcheté les mène, eux, les vils qui ont tardé à surgir, espérant te voir répandre. Ils ont fait de toi leur appât. Maintenant ils me frappent, tous. Je sais que tu m’aimes, tu cries pour qu’ils cessent.

Tu as réussi à fuir, tu m’as même caressé quand j’ai mordu ta chaîne, qu’au moins l’un de nous soit hors d’eux. Ma salive a le goût du sang, je m’entends me briser. Ils frappent, encore. Hâte-toi, je ne soutiens plus leurs talons, mon souffle manque.

Je tiendrai jusqu’à ce que tu disparaisses sous les arbres. Puis je partirai, moi aussi. Adieu Petit Homme, je t’aime, puisses-tu m’emporter sous la lune, et vivre dans tes yeux.

Courts extraits du parcours d’un artiste multiforme

Né en 1979 à Tournai (Belgique) Jean-François Spricigo mène plusieurs disciplines. Il est photographe, réalisateur, auteur et comédien. Bien que très jeune, dès 2007 il entre à la BnF (Bibliothèque Nationale de France) qui acquiert certains de ses tirages pour ses collections. Un an plus tard il reçoit le Prix de Photographie de l’Académie des Beaux-Arts et est lauréat de la Fondation belge de la Vocation. En 2010, lors des 40 ans des Rencontres d’Arles il est nominé au Prix Découverte.
En 2012 il est résident artiste à la Casa de Velázquez, puis en 2016 au phare du Créac’h d’Ouessant et à l’Academia Belgica de Rome.

Un souci d’éthique

Jean-François Spricigo réalise lui-même les tirages (sur imprimante HP Z3200), limités en noir et blanc à 12 exemplaires et pour les couleurs à 8 exemplaires.
Les photos sont tirées sur du papier Canson Platine Fibre pour le noir et blanc et Rag Photographique pour la couleur, tous deux en 310 gr. Ces papiers sont choisis pour leur qualité et leur proximité avec le rendu des œuvres, mais aussi par souci d’éthique. La fabrication est faite en France, ils sont en pur coton, certifiés sans virage chimique et la Maison Canson® assure suivre une pratique raisonnée pour la production et le replantage d’arbre.

Pierre d’Ornano

La grandeur des boitiers argentiques

Matériel utilisé :
Nikon FM3A pour les 24 x 36, objectif Noct-Nikkor 58mm
Pentax 67 II pour les 6 x 7, objectif 120mm
Bronica EC-TL pour les 6 x 6, objectif Nikon 75 mm
Horizon, appareil panoramique 24 x 36
Xpan II, appareil panoramique 24 x 36
Noblex 175, appareil panoramique 5,5 x 17

Photo Jean-François Spricigo

Galerie Camera Obscura
268, Boulevard Raspail
75014 Paris
Tél : + 33 1 45 45 67 08
cameraobscura@free.fr
Visiter le site

La cote (prix par tirage seul, dégressifs en fonction des quantités)

Galerie Camera Obscura
268, Boulevard Raspail
75014 Paris
Tél : + 33 1 45 45 67 08
cameraobscura@free.fr
Visiter le site

La cote (prix par tirage seul, dégressifs en fonction des quantités)
Noir et Blanc : de 2 000 € à 9 500 €
Couleur : de  3 000 €  à 10 000 €

Partager

Articles similaires

Hommage à Maggie Smith, figure tutélaire de Downton Abbey, mais pas seulement

Voir l'article

L’esprit du Dibbouk, Fantôme du monde disparu, souffle sur Paris (MAJH)

Voir l'article

Camille Claudel à l’œuvre : Sakountala (Musée Camille Claudel, Nogent-sur-Seine – Silvana)

Voir l'article

L’ardent vibrato de « Il neige sur le pianiste » de Claudie Hunzinger (Grasset)

Voir l'article