Le Portrait de Dorian Gray d'après Oscar Wilde, de Thomas Le Douarec (Théâtre du Ranelagh )

Jusqu’au 14 janvier 2024, Théâtre du Ranelagh,
Adaptation théâtrale et mise en scène : Thomas Le Douarec
avec Michaël Winum (Dorian Gray), Caroline Devismes ou Marylou Salvatori (Sybil Vane, Sally la prostituée, La Duchesse), Fabrice Scott ou Maxime de Toledo (Basil Hallward), Thomas Le Douarec ou Fabrice Scott (Lord Henry)
Décors et scénographie : Thomas Le Douarec – lumières et régie : Stéphane Balny – costumes : José Gomez, d’après les dessins de Frédéric Pineau, musique et bande son : Mehdi Bourayou

Double actualité pour Thomas Le Douarec : le metteur en scène reprend jusqu’au 14 janvier 2024 au Théâtre du Ranelagh, son astucieuse adaptation théâtrale du Portrait de Dorian Gray, déjà jouée dans six théâtres parisiens successifs et pendant trois ans en tournée. Son succès tient à une distribution au diapason d’une mise en scène élégante, sans fioritures et au vertige du conte noir d’Oscar Wilde. Il met également en scène Caroline Devismes, Mehdi Bourayou et Alex Anglio, un trio décapant dans « Le jour où je suis devenue chanteuse black » au Café de la Gare jusqu’au 3 janvier 2024.

Tout art est à la fois surface et symbole.
Ceux qui cherchent sous la surface le font à leurs risques et périls.
Ceux-là aussi qui tentent de pénétrer le symbole.
C’est le spectateur, et non la vie, que l’Art reflète réellement.
Oscar Wilde, Le portrait de Dorian Gray, préface, Albert Savine, éditeur, 1895 

Le prix à payer pour une jeunesse éternelle.

Le Portrait de Dorian Grayn, d’Oscar Wilde, de Thomas Le Douarec (Ranelagh) Photo Laure Degroote

Présente-t-on encore le ressort dramatique du Portrait de Dorian Gray, l’unique roman d’Oscar Wilde publié en 1890 ?
Un jeune aristocrate, dandy et vaniteux, fait un pacte fantastique : en échange de sa jeunesse et de sa beauté éternelles, Dorian Gray accepte que son portrait, peint par son ami Basil Hallward, porte les marques de sa vieillesse. .. et de ses turpitudes, …  Par son aplomb, sa profondeur sur l’art, «trait d’union entre l’espace réel et l’espace pictural», les questions vertigineuses de réel et d’image, de présence et d’absence, le chef d’œuvre qui fit scandale à sa parution n’a rien perdu de sa modernité; la critique d’une société victorienne, obsédée par la jeunesse et la beauté, se nourrit de répliques virevoltantes faisant oublier le scandale à sa création pour pointer les risques de toute censure des artistes au nom de la morale.

Toute création a sa part d’obsession ou est le fruit d’une obsession. Poursuivre une idée de manière aussi obsessionnelle pourrait m’inquiéter… Pour me rassurer, je me dis que c’est le propre de l’artiste que de vouloir saisir un instant, du moins se donner l’illusion…
Thomas Le Douarec

Le Portrait de Dorian Grayn, d’Oscar Wilde, de Thomas Le Douarec (Ranelagh) Photo Laure Degroote

Pour le passage du roman à la pièce, Thomas Le Douarec a été fidèle à l’œuvre originale. « Rares sont les romans aussi bien dialogués : certaines scènes sortent tout droit du livre » poursuit l’acteur, metteur en scène et adaptateur qui explore pour la quatrième fois cette œuvre foisonnante qui permet une multitude d’interprétations.

Aujourd’hui les gens savent le prix de tout, et ne connaissent la valeur de rien.
Oscar Wilde Le portrait de Dorian Gray

La force de sa mise en scène tient aussi par le fait que jamais nous ne voyons le tableau.  Tout passe par le regard de Dorian dans cette plongée décadente au cœur d’un Londres victorien aussi éblouissant, voluptueux qu’angoissant…  dans lequel l’entraîne Lord Henry Wotton, mauvais génie, à la recherche du plaisir à tout prix. Il devient aussi cynique que son modèle, délaissant les femmes de ses aventures amoureuses, et même son plus cher ami.

La force de la mise en scène de Thomas Le Douarec s’appuie sur un tableau invisible (Ranelagh) Photo Laure Degroote

« La vie est une grande désillusion » pour Oscar Wilde. « Le chemin des paradoxes est le chemin du vrai. Pour éprouver la réalité, il faut la voir sur la corde raide. »

Comédien, Thomas Le Douarec campe également à merveille Lord Henry Wotton, dans tout le cynisme et la veulerie du personnage. A ses côtés, le jeune Michaël Winus est parfait dans le rôle de Dorian, maîtrisant l’évolution de son personnage. Fabrice Scott interprète avec beaucoup de justesse et d’humanité le rôle du peintre et ami, Basil Haward.
Enfin les rôles féminins, Sybil, Sally, La Duchesse, étaient tenus le soir de la représentation par la jeune et talentueuse Marylou Salvatori, qui remplaçait ainsi Caroline Devisme.
En effet, il est à noter que les tous les personnages, à l’exception, de celui de Dorian Gray, se joue en alternance.

La fluidité de la mise en scène et la qualité de l’interprétation captent les évolutions des personnages, nous rendent le texte avec une clarté impeccable, la salle le soir de la représentation suivait avec un silence éloquent. Trop étroitement associée à la vie de son auteur,  la pièce autorise à recomposer un — ou plutôt des — portrait(s) d’Oscar Wilde. Elle place également le lecteur-spectateur au cœur d’une galerie des glaces qui lui renvoie les reflets des autres mais aussi de lui-même.

« Le jour où je suis devenue chanteuse black »

Caroline Devismes, Mehdi Bourayou et Alex Anglio dans « Le jour où je suis devenue chanteuse black » Café de la Gare Photo DR

Thomas Le Douarec met également en scène Caroline Devismes, Mehdi Bourayou et Alex Anglio au Café de la Gare, les mardis et mercredis à 21h15.
Largement autobiographique, Caroline découvre à 8 ans ses origines avec l’arrivée dans sa vie d’un grand-père afro-américain dont elle ignorait tout. Elle décide alors pour plaire à cet amateur de danse et de musique de suivre la voix des Divas de la Motown.
Il faut aller voir le spectacle pour le talent et l’énergie de Caroline Devisme, elle chante, elle danse et nous entraîne dans un tourbillon d’émotions et de rires avec ses deux complices.

#Patricia de Figueiredo