Le sport dans l'art, de Georges Vigarello et Yann Descamps (Citadelles & Mazenod)

384 p. et 350 illustrations, 179 € jusqu’au 30 septembre, puis 199 €

Quand le meilleur spécialiste de l’histoire du corps (propre, sale, sportif,…) et des sensibilités, croise l’un des meilleurs éditeurs de Beaux Livres, nait une somme scientifique et artistique incontournable sur « Le Sport dans l’art » (Citadelles & Mazenod). Entourés d’un collectif pluridisciplinaire, Georges Vigarello et Yann Descamps signent une synthèse somptueusement illustrée de la « sensibilité sportive » aussi bien historique que prospective. Leur double ambition est dense voir vertigineuse, pour Olivier Olgan : confronter les pratiques ‘sportives’ à leur expression artistique, tout en explorant le regard esthétique et l’imaginaire qu’elles induisent, mais surtout leur place dans la culture de leurs temps. Le sport devient ici révélateur pour le meilleur de l’identité physique des sociétés, et d’une fragile utopie de résolutions des conflits.

Le discours artistique sur le corps sportif demeure unique, précieux pour saisir le sens et l’essence même du sport au sein de nos sociétés.
Georges Vigarello et Yann Descamps

Valoriser, Montrer, Sublimer.

L’histoire de la rencontre entre l’art et le sport revient à constater – pour le meilleur et le pire – son omniprésence dans l’espace culturel et social. Si seules les pratiques les plus prestigieuses, les plus investies, les plus estimées font l’objet d’une représentation artistique, leur présence dans l’art est le signe de leur valeur aux yeux des acteurs du temps. Pour en décrire l’omniprésence croissante et évidente, les auteurs dans un récit chronologique multiplient éclairages et analyses. Ils démontrent que le sport influence l’art, notamment dans sa représentation du mouvement, et du temps, pour mieux écarter sa réduction en « simple » pratique physique» trop dévalorisée par rapport aux exercices de l’esprit.

L’art miroir du corps de l’époque

De cette vaste fresque chronologique magnifiquement illustrée,  une constante demeure dans ce début de XXIe siècle. Tantôt relais d’une « mythologie sportive« , tantôt « contre-regard« , l’art reflète son époque, et il saisit la marque de l’empreinte du sport sur son temps comme divertissement, spectacle aliénant, mais aussi outil d’émancipation. Une émancipation dans laquelle l’artiste joue également un rôle décisif, en creux des autres discours auxquels les populations sont sans cesse exposées.

« Autant d’interrogations que les productions contemporaines d’un jeune XXIe siècle centré plus que jamais sur l’individu sportif et son intériorité complexe plus que sa gloire immaculée, et dont les productions se déclinent désormais à travers d’autres arts tels que la bande dessinée et le manga, ne font qu’accentuer. »

Vase grec, Photo OOlgan

Une réflexion prospective sur la place et l’aura du sport

Georges Vigarello et Yann Descamps ouvre une réflexion prospective face au risque du « trop-plein du visuel » en général, et de l’image de la performance, en particulier: une révolution qui paraît inévitable pour le sport comme pour ses représentations artistiques, et une importance toujours plus décisive du regard artistique sur ce phénomène social. Avec de nombreux défis à relever, du symbolique à l’environnemental, du formel à l’économie.

de Staël, Nicolas. Parc des Princes, Paris 1952 (MAM de Paris) Photo OOlgan

« L’art est un autre outil pour questionner l’ineptie du système sportif actuel dans un monde qui brûle. (…) Demain, l’art sera sans doute de nouveau utilisé pour resituer la trace du spectacle sportif sur la planète comme sa nécessaire reconfiguration. (…) Nous dirigeons- nous vers la création et la représentation de corps-mondes et d’une pensée-monde, du fait de la mondialisation et de l’exposition générale à des représentations mainstream dominantes ? Ou bien verrons-nous la promotion de différents regards, et non leur hiérarchie ? »

La rencontre surpassera-t-elle la compétition, en sport comme en art ?

« Plus que jamais, le regard artistique aura de la valeur, dans une société du trop plein de l’image, et même de la montée d’images fausses ou sans substance. Il aura aussi autant d’opportunités supplémentaires d’atteindre un public grandissant. L’image porteuse de sens n’en trouvera que davantage de résonance, et les autres formes pourront apporter ou réapporter au sport et à ses représentations cette substance, au propre comme au figuré, tant corporelle que symbolique. »

Basquiat & Warhol, Olympic Rings, 1985 (Fondation Louis Vuitton) Photo OOlgan

Avec une telle somme, vous êtes désormais prêt à comprendre les performances (dans ses deux dimensions artistiques et sportives) à venir. Bon JO !

Olivier Olgan