Le temps qui passe, la France qui change, de Jean-François Sirinelli (Odile Jacob)
D’un monde à l’autre par la volatilité d’une bande son
Je me suis efforcé de recueillir les échos du monde ancien portés par l’image et le son.
Guy Lux, Claude Sautet, Sardou, Sophie Marceau, Claude François, Tapie… La cinquantaine d’ « arrêts sur images » de Jean-François Sirinelli réussit à capter avec gourmandise les bulles émotionnelles d’une culture populaire partagée du « monde d’avant ». L’historien rappelle qu’elles remontent par intermittence dans notre mémoire collective, elles surnagent malgré l’accélération des images et des sons depuis les années 1950. Et résistent à la fragmentation « façon puzzle » du tsunami internet et des réseaux sociaux.
La « bande son » de l’historien s’étoffe chapitre après chapitre pour croquer une « histoire de l’intermittence du souvenir » (…) constituée « d’indéniables indicateurs d’intensité tout autant pour les vibrations de l’air du temps que pour des évolutions plus profondes alors à l’œuvre ».
Au XIXe siècle, on nous promettait l’eau et le gaz à tous les étages. L’un des phénomènes massifs du XXe siècle, c’est l’image et le son à tous les étages. (..) Mais l’arrivée à domicile de la radio, dans les années 1930, et celle de la télé, dans les années 1950-1960, ont constitué une révolution dans l’histoire de l’humanité.
Un album savoureux d’un pop culture collective
Son calendrier de l' »avant » aussi ludique que profond, pas plus facile à résumer que l’air du temps, dessinent trois perspectives à méditer : l’importance des « cultures populaires sensibles », il ne sert à rien d’opposer Sardou à Armanet, La Boum à Camping pour capter (et respecter) les mutations de l’environnement sensoriel des Français. L’ analyse reste d’autant plus délicate qu’elles se fragmentent dans le nuage numérique, leur consommation est désormais individuelle en « silos » dopées par les algorithmes fermés des réseaux sociaux. Des réminiscences flottent malgré dans l’air du temps, car elles offrent une bouée, aux inquiétudes de l’époque.
La fin de la mémoire collective ?
A l’’économie triomphante « de l’attention individuelle » (qui consiste à capter par tous les moyens le temps de cerveau disponible) répond une économie « de la mémoire collective, agrégation d’empreintes durables et d’autres plus fugaces » avec « des valeurs à la hausse et d’autres à la baisse », et avec, par le jeu du frottement des générations « des déclins mémoriels, mais aussi également de possibles résurgences ».
Signe d’espérance, une culture collective – nationale voir planétaire- s’infuser, d’une coté avec les plateformes culturelles, Netflix en tête, qui aurait parier sur le succès de Lupin ? et de l’autre, avec l’urgence humanitaires, de la reconnaissance des droits de la femme, aux réponses collectives au dérèglement climatique.
Peut – être le prétexte d’une nouvelle « bande son » d’un monde qui change !