Vins & spirits
Le vignoble de Chambord et ses premières cuvées
Auteur : François Collombet Rédacteur en Chef du Dico du Vin
Article publié le 4 octobre 2019 à 21 h 03 min – Mis à jour le 5 octobre 2019 à 14 h 09 min
Le vignoble de Chambord, un projet historique, patrimonial, écologique et économique
Le premier vignoble est le fait d’un roi, un roi qui incarne la Renaissance, François 1er. En 1519 (année également de la mort de léonard de Vinci au Clos Lucé à Amboise), il entreprend la construction de son ‘bel et somptueux édifice’. Il va de soi à cette époque que la vigne est indispensable. Il fait donc venir de Beaune en Bourgogne 80 000 pieds d’un cépage, appelé aujourd’hui romorantin (à croire certains experts, il s’agirait plutôt de pinot noir). En 1547, à la mort de François 1er, un recensement des métairies du domaine royal de Chambord témoigne de la présence de parcelles de vignes dans la plupart des fermes. Le vignoble de Chambord perdura jusqu’au phylloxera même si quelques parcelles subsistaient encore ces dernières années, à consommation familiale.
Chambord, un établissement public à caractère industriel et commercial
Le Domaine national de Chambord est depuis 2005 un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Il faut donc le rentabiliser. Il accueille plus d’un million de visiteurs par an, un public presque captif et une fréquentation en constante hausse. Chambord est le monument le plus visité du Val de Loire et se classe au deuxième rang, en France, après Versailles, des châteaux par sa fréquentation. La production de vin, mise à la disposition de ses visiteurs, représente une manne plus qu’intéressante (avec des vins en 2019, à 17,50 € pour le rouge et 30 € pour le blanc). Ces 14 ha de vignes biologiques produiront environ 70 000 bouteilles et devraient rapporter un million d’euros de revenu net par an.
Un vignoble en Bio de 14 hectares
Le vignoble est situé à 1400 m du château à l’intérieur de son gigantesque parc dont la surface équivaut à celle de Paris. Les premières plantations datent de 2015. Elles couvrent aujourd’hui plus de 14 ha d’un seul bloc, au lieu-dit l’Ormetrou*. La vigne, exposée nord-sud jouit d’un terroir à dominante sableuse mélangé en sous-sol à de l’argile (on est en Sologne). Elle est entourée ici de 5000 ha de forêts ce qui entraînent des hivers plus rigoureux qu’ailleurs dans la région. Le gel est une sérieuse préoccupation. Et manque de chance, dès la première année, un épisode de gel oblige le Domaine à installer des éoliennes pour chasser l’air froid. On est sur un site classé et historique. La seule solution fut de dénicher en toute hâte des éoliennes mobiles et démontables.
*A cet endroit se trouve une ancienne ferme (servant de chai provisoire), juste en bordure de l’enceinte du château, où sera bâti le futur chai.
Les 5 cépages plantés à Chambord pour produire les AOP Cheverny et Cour-Cheverny
Le vignoble de Chambord se répartit en 5 cépages
- 4 ha de romorantin dont les ceps sont issus par bouturage d’une vigne pré-phylloxérique et donc franc de pied, c’est-à-dire non greffée, venus du voisin solognot, la maison Henry Marionnet (Domaine de la Charmoise) ;
- 4 ha de pinot noir (ou auvernat qui fut cultivé à Chambord jusqu’à l’épidémie du phylloxéra) ;
- 3 ha de sauvignon ;
- 2 ha d’orbois, un cépage propre au Val de Loire appelé aussi herbois ou arbois, menu pineau ou demi-pineau ou encore verdet ;
- 1 ha de gamay.
Le choix de ces cépages s’est fait évidemment en fonction du cahier des charges des deux appellations voisines. Ainsi, l’AOP Cheverny demande pour son vin rouge, un assemblage de pinot noir et de gamay (84 % pinot noir et 16 % gamay) et pour son vin blanc, 60 % de sauvignon et 40 % d’orbois. Quant à l’AOP Cour-Cheverny, elle a la particularité d’être en mono-cépage, exclusivement romorantin.
Le coup de pouce de la maison Henry Marionnet
Lorsque Jean d’Haussonville (issu du corps diplomatique), président de l’établissement public du domaine de Chambord depuis 2010, en mal de recette (voir plus bas) décide l’implantation d’un vignoble à Chambord, il s’adresse tout naturellement à un voisin, la Maison Henry Marionnet. Henry Marionnet et son fils Jean-Sébastien détiennent le domaine de la Charmoise à Soings en bordure de la Sologne. Leur production a acquis une réputation internationale. Un de leurs vins fut même servi à la reine Elizabeth II lors de sa visite officielle en France en 2004. Ils ont donné au Château ces fameux pieds du cépage romorantin, issus de leur vigne pre-phylloxérique plantée en 1850.
Chambord face au défi du vin
Pour que le projet aboutisse, Chambord a dû faire face à un triple problème : les droits de plantation, l’extension des 2 aires d’appellation voisines et, chose incroyable, la contestation de la marque Chambord sur le vin. D’abord, quid du droit de plantation ? Jean d’Haussonville n’est pas exploitant. Il fallut donc dans un premier temps louer la parcelle de Chambord destinée à la vigne à Henry Marionnet qui possède ce droit. Puis, comment obtenir une extension des aires d’appellations Cheverny et Cour-Cheverny afin d’englober le domaine de Chambord ? Qu’à cela ne tienne, la question fut rapidement réglée grâce à quelques bons appuis politiques. Enfin, si en 2011(un peu tard !), le domaine avait déposé la marque Château de Chambord auprès de l’Institut National de la Propriété Intellectuel (INPI), il fut assigné devant le tribunal de grande instance de Paris par Brown-Forman (groupe américain de 3 milliards de dollars de chiffre d’affaires dont le siège est à Louisville dans le Kentucky). Si le groupe possède le whisky Jack Daniel’s, il détient également la liqueur Chambord à base de framboise dont il a déposé le nom. Il conteste donc le droit du domaine d’apposer la marque Chambord sur ses futurs vins.
Rude bataille judiciaire pour la marque Chambord
Brown Forman produit au château de la Sistière, à Cour-Cheverny, cette fameuse liqueur appelée Chambord liqueur royale de France. Le groupe en détient la marque. Il conteste au Domaine national de Chambord le droit de vendre de l’alcool sous ce nom. Heureusement en 2016, un amendement (l’amendement Chambord), validé par les 2 chambres protège dorénavant les domaines nationaux ; le Conseil d’État par un arrêt décidant de la compétence de la justice administrative pour trancher ce genre de litige.
Ainsi, grâce à Chambord et à l’action de son président, la marque mais aussi l’image des domaines nationaux français sont maintenant mieux protégés juridiquement.Un nouveau chai pour Chambord signé Jean-Michel Wilmotte
Alors que la vendange des 500 ans était engrangée fin septembre 2019, la construction du nouveau chai, à l’Ormetrou, pour la vinification est dans tous les esprits. On parle du premier coup de pioche début 2020. Sa réalisation a été confiée à l’architecte Jean-Michel Wilmotte dont on doit à Chambord, la restauration en 2018 de l’hôtel Saint-Michel, devenu le Relais de Chambord. Il sera adossé au mur d’enceinte, à vue du château. Sa construction qui doit abattre le magnifique cerisier de l’Ormetrou sera accompagnée de la conception, dans le corps de ferme, d’un hébergement destiné à favoriser l’oenotourisme. Un lieu consacré à la dégustation et à la vente est prévu également dans les granges adjacentes.
C’est une ancienne ferme accolée au mur d’enceinte du château située à moins de 2 km de celui-ci. Les anciens plans de Chambord montrent une parcelle de vigne sur ces terres et les archives attestent par le plan de 1786 et par un acte notarié de plantation et d’entretien de cette vigne datant du 9 février 1787. un clos de dix arpents (6 ha) plantés « en bon complans d’auvergnat blanc et rouge franc ».
Présentation des deux cuvées de Chambord
Actuellement « Vin de France », Les « cuvées des 500 ans » passeront prochainement en appellation Cour-Cheverny. Le domaine a produit 3500 bouteilles (millésime 2018) au prix à l’unité de 30 € :
- Vin…
Actuellement « Vin de France », Les « cuvées des 500 ans » passeront prochainement en appellation Cour-Cheverny. Le domaine a produit 3500 bouteilles (millésime 2018) au prix à l’unité de 30 € :
- Vin Blanc de Chambord, vin de France (mais très prochainement en AOP Cour-Cheverny), un vin 100 % romorantin. Une récolte manuelle ; des raisins égrappés et pressés dans un pressoir de dernière génération, sous gaz inerte (pas de fermentation malolactique).
- Vin Rouge de Chambord, en appellation IGP Val de Loire mais dès la récolte 2019, en AOP Cheverny. C’est un vin issu d’un assemblage à 16 % gamay et 84 % pinot noir. Des raisins qui ont été déversés en grappes entières sans éraflage dans des cuves en inox.
Sur l’étiquette un double C en attendant, Chambord
Tout sur l’étiquette y est : un double C pour Comte de Chambord, les symboles royaux tels que la couronne de François 1er ou la fleur de lys mais n’y figure pas encore le nom de Chambord* dans l’attente d’une décision de justice (voir plus haut). La bouteille de forme à la baronne a été choisie en souvenir d’un modèle issu de la cave personnelle du Maréchal de Saxe, hôte de Chambord au XVIIIe siècle, et dont un exemplaire fut exhumé à l’occasion de fouilles archéologiques. Enfin, il est possible d’adopter un pied de vigne de Chambord à raison de 1000 €. Vous aurez la satisfaction d’avoir une plaque à votre nom apposée sur votre pied de vigne. Un droit également vous sera accordé pour l’acquisition préférentielle de bouteilles des cuvées des années suivantes. N’est pas là un mécénat de la vigne qui associe terroir et histoire de Chambord !
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