Les brèves de Servane de Mars : Titiou Lecoq, Viola Ardone, Emily St. John Mandel et Julia Armfield
« Le Couple et l’argent », de Titiou Lecoq aux éditions L’Iconoclaste
Pourquoi les hommes sont-ils plus riches que les femmes ? C’est de cette question que repart Titiou Lecoq pour explorer les raisons pour lesquelles, en étant une femme dans notre Société, et en particulier au sein d’un couple hétérosexuel, on a de fortes chances de s’appauvrir au fur et à mesure de sa vie.
Instructif, drôle (une vraie prouesse tant le sujet est désespérant), cet ouvrage est une bonne introduction pour prendre en main ce vaste sujet. En adoptant une approche chronologique, Lecoq met en lumière non seulement la nature systémique mais aussi incrémentale de cet appauvrissement. Elle lance aussi des pistes pour que ses lectrices (et lecteurs) se posent les bonnes questions et défient les statistiques (même si, vous vous en doutez, c’est un peu plus complexe qu’une simple question de volonté ou de mérite).
« Le Choix », de Viola Ardone, Albin Michel
Sicile, années 60. Oliva grandit dans une société ultra-patriarcale, dans laquelle, en tant que jeune fille puis jeune femme, sa seule raison d’exister est de trouver un mari, en évitant de déshonorer les hommes de son entourage. Il va sans dire que la majorité du temps, ce déshonneur n’est aucunement causé par son comportement mais précisément par celui des hommes qui exigent pourtant d’elle pureté, pudeur et discrétion.
Difficile de décrire l’essence de ce récit sans en livrer les moments les plus marquants. C’est une lecture difficile, qui donne la nausée tant les propos sont violents et d’un sexisme grossier. Mais c’est aussi une lecture essentielle, surtout lorsque l’on se rappelle que cette fiction décrit une réalité universelle et banale vécue par des milliers de femmes il y a seulement une soixantaine d’années.
« L’Hôtel de verre », d’Emily St. John Mandel, Payot Rivages
Comme souvent avec les livres d’Emily St. John Mandel, mieux vaut ne pas trop en savoir pour apprécier au mieux l’expérience.
Ce qu’il faut savoir pour se lancer, c’est ce qui fait le génie de cette autrice : sa capacité à mettre en scène des personnages aux destinées bien distinctes, pour finalement comprendre, page après page, qu’ils font partie d’une gigantesque tapisserie (au sein de ce roman, mais aussi au sein de l’univers que composent ses autres livres).
Laissez-vous emporter par l’ambiance si particulière qui recouvre le récit comme un voile d’étrange, des personnages complexes que vous aurez sûrement du mal à comprendre, une touche de surnaturel juste à la surface du récit, et enfin une plume en apparence simple mais qui laisse entrevoir la complexité du monde créé par cette grande autrice.
« Our Wives Under the Sea », de Julia Armfield, Macmillan (pas encore traduit en français)
Miri et Leah sont mariées. Leur relation, faite de plein de petits bonheurs, n’a rien d’extraordinaire, sauf pour elles évidemment. Elles se connaissent par cœur, s’aiment comme on aime son âme sœur. Leah est scientifique. Alors qu’elle était partie en expédition pour 3 semaines, le sous-marin qui la transporte avec ses 2 coéquipiers disparaît des radars. Six mois plus tard, il refait surface. Miri, qui attendait le retour de Leah, sort de ce drôle d’état de « presque » deuil pour enfin reprendre la vie là où elles l’avaient laissée 6 mois plus tôt. Sauf que depuis son retour, Leah n’est plus tout à fait la même…
Quel drôle de roman, entre la fiction contemporaine et la science-fiction, avec une touche d’horreur. Il est difficile de croire qu’il s’agit du 1er roman de Julia Armfield, tant le style narratif, le rythme du récit et la caractérisation des personnages sont bien travaillés. Il vous faudra néanmoins accepter de repartir avec beaucoup plus de questions que de réponses. De mon côté, ce roman a aussi relancé ma fascination pour les fonds marins. Je ne vous en dis pas plus.