L'extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt, de et par Géraldine Martineau (Théatre du Palais Royal)
Un hommage libre et à l’unisson d’une grande légende
» Quand je déroule le film de ma vie, il y a quelques trous noirs, mais je vois surtout des images joyeuses et colorées… Soyons libres et insoumises, Quand même ! Ne nous résignons jamais ! »
Géraldine Martineau
Dés les premières saillies, réelles, apocryphes, ou mythiques, le ton de la fantaisie est donné. Estelle Meyer fait revivre avec incandescence une Sarah Bernhardt sans filtre : « Mon nom vous dit peut-être quelque chose parce qu’on m’a donné un rôle d’aventurière dans Lucky Luke ! »
Assumant autant les faits que la légende
Sans trop illusion sur ce que le grand public connait de son héroïne XXL dont le centenaire l’année dernière a été plutôt timide, Géraldine Martineau, auteure et metteure scène trouve – au fil des tableaux – le bon équilibre entre les coups de têtes de Sarah aux institutions et conventions de tout poil et ses coups de cœur et ses coups du sort. Le rythme est intrépide, la succession des hauts et les bas propres à une dramaturgie haletante.
Le portrait peut paraitre forcément court ou grossi, il est vivant !
Et aucun évènement important n’est laissé sous silence. Sarah reste une femme complexe et attachante malgré les excès en tous genres, elle a autant brouillé les pistes que crée sa propre légende!
Plus qu’une féministe avant l’heure, c’est d’abord une femme libre qui s’épanouit loin de tout rôle assigné, impose son talent. Sa maitrise des codes d’une société où l’homme a la part du lion provoque, elle qui ne supportait pas l’indifférence. C’est en lionne que Sarah ne cesse de bousculer les normes avec panache, mais surtout d’en créer de nouveaux à sa démesure !
10 artistes, pas moins de 35 rôles
Pour la rendre tangible entre sa naissance (1844) et sa mort (1923), il faut une rousse flamboyante, capable de chanter comme de nous émouvoir: d’emblée Estelle Meyer réussit à être crédible, fascinante et actuelle.
Elle s’appuie sur toute une troupe au diapason (puisque deux musiciens sont sur scène) pour nourrir ce tourbillon de scandales et d’émotions ! Sarah ne sait pas faite seule. Plus d’une trentaine de personnages (George Sand, Victor Hugo, Edmond Rostand, excusez du peu) sont convoqués; ceux qui soutiennent (comme Madame Guérard, à la fois gouvernante et coach) ou freinent l’émancipation d’une fille qui semble condamnée par les antécédents et la démission de sa mère à une prostitution de courtisane. Plutôt qu’être cocotte mondaine, elle a préféré avoir le monde à ses pieds.
Derrière le tapage médiatique d’un star system qu’elle invente et fait encore sa légende, se dessine des engagements sincères, notamment politiques en défendant Louise Michel, ou Zola comme dreyfusarde farouche, …
Faire vivre la légende
Les enchainements historiques et géographiques (la fameuse tournée au Far-west US !), l’alternance de coups de théâtre et de drames intimes s’enchainent avec fluidité maitrisée sans aucun temps calme. Grâce aux images projetées, le spectateur traverse le siècle de Sarah à la vitesse d’un cheval au galop, non plutôt d’un train vapeur. Il en sort groggy, mais conscient d’avoir vécu une belle épopée d’une grande Dame, avec un immense plaisir ! « Quand même »
Olivier Olgan
Jusqu’au 26 janvier 25, du mardi au samedi à 20h30 (puis en alternance avec « Edmond » à partir du 8 octobre) au Théâtre du Palais-Royal, 38, rue de Montpensier, 75001, avec Estelle MEYER, Marie-Christine LETORT, Isabelle GARDIEN, Blanche LELEU, Priscilla BESCOND, Adrien MELIN, Sylvain DIEUAIDE, Antoine CHOLET, Florence HENNEQUIN et Bastien DOLLINGER
Musique et paroles d’Estelle Meyer
Texte publié à L’Avant-Scène Théâtre, 120 p., 14€