Littérature Atteindre l’aube, de Diglee (alias Maureen Wingrove) (La Ville brûle éditeur)

Pour son second récit littéraire, « Atteindre l’aube » (La Ville brûle) – après l’introspectif « Ressac » paru en 2021 – Diglee (alias Maureen Wingrove de son vrai nom) propose une nouvelle plongée dans l’intime : un hommage à sa grand-tante chérie, une exploration généalogique, et un questionnement sensible sur l’identité et les représentations que l’on hérite de nos ancêtres. Pour Servane Lauriot dit Prévost, au-delà du remarquable travail d’archéologie familiale, Diglee propose une étonnante leçon de lâcher prise et d’acceptation de l’identité familiale.

Il y a des livres dont il est difficile de faire la critique, tant ce qu’il nous est donné de lire est intime et sensible, à fleur de peau. Atteindre l’aube (La Ville brûle) est de cela.

Un récit comme une invitation

J’aime l’intime. Loin de me mettre mal à l’aise, ces récits personnels et intérieurs me bouleversent dans leur universalité, et provoquent chez moi une prise de conscience rassurante : si nos vies sont complexes, bourrées d’erreurs de jugement et de doutes, Diglee (alias Maureen Wingrove) nous montre que la sienne l’est tout autant.

A travers cet exercice d’introspection, ce travail sur soi, l’autrice nous fait une proposition : choisir ou non, nous aussi, de (prendre le risque de) démêler nos vies.

L’héritage familial, à la fois poids et miroir

Les innombrables facettes de notre identité sont façonnées par notre enfance, notre entourage, nos rencontres, mais le sont aussi par ce que l’on hérite de nos ancêtres, très souvent sans le savoir, et que l’on porte dans nos corps et dans nos cœurs.

Il y a quelques années, Diglee perd sa grand-tante chérie, Georgie, dont elle était très proche et qu’elle adorait. A son décès, les montagnes de lettres et trésors qu’elle récupère chez elle lui posent silencieusement une question : qui était vraiment Georgie, ce personnage fantasque qui toute sa vie a défié les conventions ?

Pourquoi Georgie était-elle Georgie ?

D’où lui venait sa liberté, son indépendance, son refus de se marier ?
Pour répondre à ces questions, Diglee entreprend d’explorer les vies des femmes de sa famille : ses grands-mères, arrière-grands-mères et grand-tantes. Quels ont été leurs destins ? Quel testament leurs histoires d’amour tragiques ont-elles laissé aux femmes des générations suivantes ? Qu’ont-elles vécu que Georgie aurait à son tour hérité ?

Comme dans Ressac, la plume est toujours aussi sensible, le début un peu timide et tâtonnant, puis on retrouve une fluidité dans l’écriture. Il y a aussi des moments durs et crus, mais indispensables. Une poésie simple, du quotidien.

J’admire ce qu’a réussi à faire Diglee, car au-delà de son remarquable travail d’archéologie familiale, celle-ci nous propose en réalité une étonnante leçon de lâcher prise et d’acceptation : d’une part, accepter de remettre en question les histoires que l’on se raconte sur nos proches, et qu’ils nous laissent croire parfois.
Accepter de soulever plus de questions que d’obtenir de réponses.

Accepter de voir, avec un courage inouï, que derrière cette enquête sur la vie de Georgie et de ses aïeules, finalement, c’est bien sa propre vie que Diglee est en train de démêler.

Ce qu’a réussi à faire Diglee dans Atteindre l’aube, c’est montrer à quoi peut ressembler ce travail sur soi, et nous proposer avec délicatesse de s’engager sur le même chemin.

# Servane Lauriot dit Prévost