Culture

Littérature (Eté 2019) : Pardi, Trankova, Roger, Pascal, Rouart

Auteur : Patricia de Figueiredo
Article publié le 10 août 2019 à 17 h 20 min – Mis à jour le 12 août 2019 à 16 h 02 min

Avant la vague déferlante des romans de la rentrée 2019, Singular’s vous propose une (dernière) sélection de rattrapage. 5 bons et solides romans signés Cécile Pardi, Dimana Trankova, Marc Roger et Camille Pascal sans oublier le délicieux Dictionnaire de Jean-Marie Rouart, dédié à son ami Jean d’Ormesson.

Les Semeurs de Bonheur, Cécile Pardi [Albin Michel], 208 pages, 16,90€ (Roman)

Perrine, une cinquantenaire au chômage tourne en rond dans son appartement, jusqu’au jour où elle trouve une petite chienne perdue. En lui faisant faire sa promenade, elle s’arrête prendre un café et réconforte la serveuse. De là, Perrine se donne pour mission de faire chaque jour une MBB, (comprenez une Mission de Bonheur Bilatéral et prononcez : Aime BiBi) aidée en cela par sa chienne Fannette. Les deux complices vont ainsi écrire des lettres à leurs voisins pour les féliciter de leurs beaux balcons, aider un jeune garçon à nettoyer les déchets dans un parc….. D’aucuns trouveront peut-être le premier roman de Cécile Pardi un tantinet « Bisounours » mais, dans la production actuelle de livres dramatiques ou angoissants, ce ‘fellgoodbook’ fait du bien. « Si au départ, je pensais que mon salaire serait le plaisir des autres, je me rendais compte que l’essentiel était la satisfaction intime de créer du positif » se rend compte Perrine, qui à sa manière, est un colibri et entraîne à sa suite d’autres ‘semeurs de bonheur’.

 

La Caverne vide, Dimana Trankova [Éditions Intervalles], 536 pages, 22,90€ (Roman)

Dans une Union européenne désagrégée et appauvrie, un parti nationaliste et totalitaire règne sur un pays des Balkans, rebaptisé « Patrie populaire ». Chaque individu est identifié et tracé par une puce électronique et écrire à la main est devenu interdit. John, un journaliste américain, revient à l’endroit où il a vécu naguère, pour essayer de retrouver le frère de Maya, son ex-femme, qui a disparu. Maya dont le régime lui a retiré la garde de sa fille et qui depuis, tente de devenir une citoyenne exemplaire dans ce pays où la devise est « Notre passé est notre futur » et où le spot touristique « La caverne vide » un lieu sacré.
Ce thriller d’anticipation, écrit par la journaliste et archéologue bulgare, Dimina Trankova, nous plonge dans un univers oppressant. Il est parfois un peu difficile de situer tous les personnages (il existe un premier tome Le sourire du chien) mais dans la veine de 1984, le livre est une alerte à la tentation nationaliste actuelle et un message d’espoir en la résistance à l’oppression.

Grégoire et le vieux libraire, Marc Roger [Albin Michel], 240 pages, 18€ (Roman)

Grégoire travaille dans la cuisine d’une maison de retraire un peu par hasard. Son amitié avec un pensionnaire surnommé le Vieux Libraire, car il a gardé avec lui ses 3000 livres, est bouleversée quand ce dernier lui demande de faire la lecture. Le jeune homme, qui n’a jamais aimé lire, se prend pourtant au jeu. D’autres pensionnaires viennent l’écouter déclamer Salinger, Maupassant, Pagnol…  Relèvera-t-il le souhait du Vieux Libraire : aller déclamer pour lui des vers devant la statue d’Aliénor d’Aquitaine à l’Abbaye de Fontevraud ?

Hommage aux livres et à la littérature, à la profondeur de l’amitié, l’auteur aborde aussi la maladie et la vieillesse sur un mode drôle, parfois cru mais jamais larmoyant. La vieillesse n’empêche jamais de vouloir, par tous les moyens, profiter de la vie. Un beau roman émouvant qui montre que la culture et la littérature peuvent changer les hommes, en les émancipant, en les rendant plus forts.

L’été des quatre rois, Camille Pascal, [Plon], 643 pages, 22,90€ (Roman)

Juillet 1830, Charles X publie trois ordonnances, réduisant la liberté de la presse, l’accès au droit de vote et dissolvant la Chambre, qui entraineront sa chute et l’avènement de Louis-Philippe.

Agrégé d’histoire, Camille Pascal a été collaborateur de plusieurs ministres et conseiller du président Sarkozy. Il décrit parfaitement, d’une écriture fine et ciselée, les rouages de la révolution des « Trois glorieuses », l’aveuglement des puissants et la colère du peuple. Avec toutes une galerie de portraits des « stars » de l’époque : Dumas, Châteaubriant, Thiers, Hugo… Un roman à lire en ces temps troublés et qui a reçu le Prix de l’Académie française.

Je suis né laid, Isabelle Minière [Serge Safran éditions], 248 pages, 17,90€ (Roman)

Arthur aurait tout pour être heureux, des parents aimants dans un milieu privilégié, sauf qu’il est né laid ! Pas moche, mais vraiment laid ! Et aucune intervention chirurgicale n’est possible avant l’âge adulte. L’enfant, puis l’adolescent enfin l’étudiant devra vivre avec, enfermé dans une solitude sociale. Alors que sa mère a plus de mal avec l’apparence de son enfant, son père s’en inspirera pour devenir sculpteur.
La romancière Isabelle Minière nous livre ici, avec beaucoup de finesse, une réflexion sur l’apparence. L’importance du physique qui détermine plus ou moins votre place dans la société, malgré la beauté intérieure des êtres.

Le Dictionnaire amoureux de Jean d’Ormesson, Jean-Marie Rouart [Plon], 451 pages, 25€ (Dictionnaire)

L’Académicien au regard bleu nous avait fait l’honneur de clamer son amour du papier dans ce magazine. C’est un autre Académicien, Jean-Marie Rouart, ami intime, qui livre chez Plon ce « Dictionnaire amoureux». Creuset indispensable à tous les admirateurs pour mieux cerner l’auteur de La Douane de mer ou de Voyez comme on danse.  Tous les écrivains qu’il a admirés sont croqués : Nourissier, Kessel, et bien évidement Châteaubriand qui le poursuivit toute sa vie et auquel il consacra une biographie ‘amoureuse’ Mon dernier rêve sera pour vous… comme sont peints les lieux qu’ils affectionnaient – Rome, Venise, La Corse… C’est aussi un d’Ormesson plus intime qui se dévoile : « quand il perd sa mère, un monde s’écroule », les relations avec son père « pleines affection et de respect ne furent pas toujours faciles », Olivier Cadot, son cuisiner-majordome, véritable ‘Leporello’, « le moins célèbre des familiers de Jean d’O et certainement l’un de ceux qui l’ont le mieux connu » … Sans oublier ; les femmes et l’amour, sel de la vie du romancier : sa femme Françoise qui avouait dans une interview au Figaro « Jean n’a jamais été un mari, mais ce fut un merveilleux compagnon », sa fille Héloïse et sa petite-fille Marie-Sarah. Ce dictionnaire sensible et profond permet de mesurer l’épaisseur de Jean d’O et de sortir d’une image trop lisse d’un moderne aux multiples facettes.

Une sélection de lectures de Singulars pour l’été

-Les Semeurs de Bonheur, Cécile Pardi, Albin Michel, 198 pages, 16,90€ (Roman)

-La Caverne vide, Dimana Trankova, Éditions Intervalles, 540 pages, 22,90€ (Roman)

-Grégoire et le vieux libraire, Marc Roger, Albin Michel, 240 pages. 18€ (Roman)

-Le Dictionnaire amoureux de Jean d’Ormesson,…

-Les Semeurs de Bonheur, Cécile Pardi, Albin Michel, 198 pages, 16,90€ (Roman)

-La Caverne vide, Dimana Trankova, Éditions Intervalles, 540 pages, 22,90€ (Roman)

-Grégoire et le vieux libraire, Marc Roger, Albin Michel, 240 pages. 18€ (Roman)

-Le Dictionnaire amoureux de Jean d’Ormesson, Jean-Marie Rouart, Plon, 451 pages, 25€ (Dictionnaire)

-L’été des quatre rois, Camille Pascal, Plon, 643 pages. 22,90€ (Roman)

-Je suis né laid, Isabelle Minière, Serge Safran éditions 248 pages, 17,90€ (Roman)

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