Littérature : L’inconnu de la poste, de Florence Aubenas (Points Poche)
Jacques Chirac, chaleureux, ému, lui tend les bras, l’embrasse, lui glisse à l’oreille « on est heureux de vous revoir », et s’entend répondre avec un sourire moqueur « pas autant que moi ».
Cette femme s’appelle Florence Aubenas, elle sort de l’enfer et fait ce jour-là, en descendant les marches de l’avion…son entrée au Panthéon des journalistes reporters.
Quelques jours plus tard, avec une extrême pudeur et beaucoup d’humour, l’ex-otage racontera la cage en béton ! N’importe quel journaliste, humainement normalement constitué, après une épreuve de cette nature demanderait la rubrique danse classique dans les pages culture ou jardinage dans les pages sports et loisirs de son canard ! Pas elle…
La grande reportrice du quotidien du Monde retourne sur le terrain – en Ukraine il y a quelques mois – et partout où la détresse, l’abandon et la terreur règnent.
Cette femme de tête et de terrain y court et témoigne, portée par une immense curiosité du monde et la nécessité de le raconter avec ses mots à elle ! Ses reportages sensibles, publiés dans Le Monde, sur les Gilets Jaunes, ont contribué à éclaircir ma vision sombre de ce mouvement et à faire le juste tri entre les manipulateurs fachos qui instrumentalisaient médiatiquement dangereusement cette colère et les pans entiers de la population abandonnés par l’État, sur les bas-côtés de la glorieuse route du libéralisme sauvage et triomphant.
Aubenas a le chaos au cœur et le printemps aux lèvres.
On ne quitte pas facilement le coin.
Un jour, on voudrait aller voir ailleurs, mais c’est trop tard :
quelque chose vous a attrapé ici et ne vous lâche plus. Vous restez.
Florence Aubenas. L’inconnu de la poste.
J’aime Florence Aubenas, beaucoup…et beaucoup, c’est un peu énormément !
Je viens de lire L’inconnu de la poste… Et j’ai retrouvé ce bonheur de lecture, celui très particulier que j’éprouvais en lisant des Simenon. Une sorte d’empathie naturelle, instinctive pour les personnages tordus par la vie.
La différence entre le romancier belge et la journaliste – Belge, elle aussi, merci les Belges – c’est que ses personnages ne sont pas de fiction ! Ils sont en chair et en os et c’est cette chair qui bat et ces os qui craquent que la journaliste nous mets sous le nez ! Montréal-La-Cluse, 3404 habitants, petit bourg de l’Ain, caché derrière ses montagnes, se cherche un avenir paisible à l’abri de la mondialisation.
La petite poste, l’un des derniers maillons, avec l’hôpital et l’école de cette chaîne de solidarité dont l’État devrait se porter garant, est sauvée et tenue d’une main ferme par une enfant du pays connue de tous, Catherine Burgod, 47 ans, fille de notable, mère d’une fillette, divorcée, joyeuse, parfois mélancolique, à nouveau amoureuse.
Le 19 décembre 2008, à l’ouverture de la poste, elle meurt sous 28 coups de couteau !
Ce matin-là, la ville est dans le brouillard… Le crime le restera !
C’est l’histoire d’un assassinat sordide et d’un paumé célèbre. La police coûte que coûte veut faire le lien entre les deux, le livre, page à page, le défait… Gérald Thomassin est un acteur qui au moment des faits erre dans le monde parallèle de l’alcool et de la dope
Thomassin est un doux qui à l’écran joue les durs. Pour le cinéma il a une gueule, pour la police, un profil…celui de l’assassin. Entre protection people, césar attribué, fauteuils de velours rouge et biture sur les bancs publics des parkings de supermarchés, Thomassin se perd ! Avec le cinéma, il passe de l’ombre à la lumière mais son enfance flinguée de môme battu, violé, rejeté, de père inconnu et de mère alcoolo le ramène toujours à ses origines sans racines aimantes.
Son ombre lui colle à la peau ! La police l’accuse sans preuve, la justice le colle au trou pour trois ans…avant de le relâcher pour suivre une autre piste !