Littérature : Mon frère ce zéro (Thibert) - Alice, disparue (Paravel) - L’Anomalie (Le Tellier)
Trois paumés de l’existence se réunissent pour faire un coup fumant : kidnapper le frère jumeau – simple d’esprit – d’un très riche homme d’affaires, le conduire en Suisse et faire main basse sur les comptes grâce à sa signature de l’otage. L’affaire parait facile mais rien ne se passera comme prévu… La victime ne cède en rien aux désirs du trio… alors que se greffent un médecin pas net, un détective privé du même acabit, un duo de flics moyennement efficace…
Colin Thibert, écrivain, graveur et scénariste, brosse avec délectation ces hommes façon Pieds-Nickelés. Rebondissements en chaînes, équipées loufoques qui virent au cauchemar, personnages sans scrupules, c’est aussi le rapport à l’argent qui est évoqué et les dégâts que sa quête peut provoquer. Mais Mon frère, ce zéro est avant tout un roman d’une drôlerie mordante et en ces temps de morosité, à lire d’urgence.
Dans les années 70, Aude faisait partie avec sa meilleure amie, Alice d’un groupe de jeunes artistes, idéalistes et sans le sou, partageant un appartement à Venise. Entre fous rires et l’effluve de joints, du partage de rien et de la lutte contre le fascisme dans l’Italie de l’époque. Entre performances artistiques, cours et dolce vita. Jusqu’à la disparition d’Alice sans laisser de traces ni d’explications… Jamais remise de cet abandon, de cette déchirure, 40 ans plus tard Aude veut retrouver sa trace en se rapprochant de ses anciens camarades…
Dominique Paravel, qui connait bien la sérénissime pour y avoir vécu 20 ans, nous entraîne dans les venelles hors du temps et les Palais secrets, loin de la ville touristique. D’une écriture nostalgique et superbe, « nous éprouvons une joie mélancolique, une joie de l’accompli et du jamais plus » à lire ce roman sur la morsure du temps qui passe et des choix à jamais perdus. Mélancolique et réconfortant.
L’anomalie, Hervé Le Tellier, Gallimard, 327p. 20 €.
Hervé Le Tellier mérite ce Prix Goncourt et le succès de librairie qui court depuis son attribution. Tant l’auteur navigue avec aisance entre philosophie et science-fiction, œuvres fictionnelles et scientifiques. Il brasse œuvres prophétiques dont Le guide du voyageur galactique avec son protocole 42, mais cinématographiques comme Interstellar et Tenet de Christopher Nolan (dont l’auteur donne le nom à l’un de ses personnages). Jouissif et captivant, L’anomalie interroge le sens de nos vies, sur la seconde chance donnée aux êtres, sur les nouveaux départs. Tout à fait dans l’air du temps.
#PatriciadeFigueiredo