Culture

Littérature : Ruiz Zafón, Diop et Donner

Auteur : Lanade
Article publié le 15 octobre 2018 à 12 h 35 min – Mis à jour le 22 octobre 2018 à 10 h 25 min

Bien que sur des thématiques fort diverses, ce trois romans apportent un éclairage instructif sur des épisodes historiques majeurs. Carlos Ruiz Zafón s’attaque à la dictature de Franco, quand David Diop rend hommage aux tirailleurs sénégalais. Christophe Donner, pour sa part, lève le voile sur l’invention du phonographe.

Carlos Ruiz Zafón, Le labyrinthe des esprits [Éditions Actes Sud]

Avec Arturo Pérez Reverte, Carlos Ruiz Zafón est certainement l’un des plus grands écrivains espagnols contemporains. Et il le démontre une fois de plus avec sa dernière œuvre, Le labyrinthe des esprits. Cet opus est un vibrant hommage à la lecture et aux livres, ainsi qu’au monde merveilleux de l’imaginaire. Il séduira, à n’en pas douter, les aficionados du cycle du Cimetière des livres oubliés, qui retrouveront avec délectation l’atmosphère envoûtante et surannée de la quadrilogie, et la verve inoubliable du premier du volume. Dans ce dernier tome, nous retrouvons donc Daniel, Bea et Julián, Fermín ainsi que la librairie Sempere & Fils. Mais un nouveau personnage central fait irruption : la mystérieuse Alicia Gris, jadis sauvée par Fermín durant la guerre. Et qui n’est autre qu’un agent du régime, chargé d’élucider la disparition d’un ministre de Franco, à Barcelone. Ce protagoniste permet à Carlos Ruiz Zafón d’aborder la période trouble de la guerre d’Espagne ainsi que celle du « règne » de Franco, et d’en dévoiler de particulièrement sinistres –mais bien réelles- pratiques. Ce qui confère à cet opus un côté engagé, que n’avaient pas les précédents.
Ce tome peut se lire indépendamment des autres et se dévore en un clin d’œil, malgré ses plus de 800 pages. Tous les passionnés de lecture n’auront qu’une envie : ne pas lâcher ce livre ensorcelant, dans lequel on se sent si bien.

David Diop, Frère d’âme [Éditions Seuil]

C’est un roman intense et dérangeant que signe ici le maître de conférence palois, David Diop. Il retrace de l’intérieur le calvaire des tirailleurs sénégalais durant la grande guerre. Et pour ce faire, l’écrivain a opté pour un style particulier : le psycho-récit. Un genre qui lui permet de nous faire pénétrer au cœur des pensées qui agitent son héros. Au coup de sifflet de leur capitaine, Mademba Diop et Alfa Ndiaye s’élancent vers leur sombre destin. Le premier est mortellement touché. Durant son agonie, il demande à son « plus que frère » de l’achever ; d’écourter ses tourments. Mais aux prises avec sa morale, Alfa ne peut se résoudre à tuer son meilleur ami. Une décision qui viendra le tarauder pour le restant de ses jours, lui faisant perdre la raison. Car dans une telle boucherie, où se situent le bien et le mal ?
Partant du constat que très peu de fictions existaient sur le sujet, David Diop, Sénégalais d’origine, a voulu jeter un éclairage sur le sort de son peuple, tout en transmettant la charge émotionnelle qu’il avait ressentie en lisant Paroles de Poilus. Un exercice plus que réussi !

Christophe Donner, Au clair de la lune [Éditions Grasset]

« Au clair de la lune, mon ami Pierrot, … » Cette comptine enfantine, qui a donné son nom au roman de Christophe Donner, n’est rien de moins que le tout premier enregistrement de voix humaine jamais réalisé. C’était en 1857. Un homme pourtant désormais oublié, Édouard Scott de Martinville, fils de sténographe, venait alors de créer un phonautographe capable de graver les sons sur une bande de papier enduite de noir de fumée. Mais pourquoi cet autodidacte de génie n’a-t-il pas poussé plus loin ses recherches, et réussi à restituer les sons ? C’est ce sur quoi Christophe Donner a souhaité faire la lumière. Une enquête qui nous entraîne dans le monde fascinant des révolutions technologiques du XIXe siècle. Ce faisant, nous rencontrons une partie des hommes qui ont marqué cette époque, à l’instar de Louis Daguerre, l’inventeur du diorama, une attraction faite de toiles peintes et animées par des effets d’éclairage qui connut un grand succès à l’époque, ou encore du célèbre Nicéphore Niepce.
Un ouvrage instructif tant d’un point de vue scientifique qu’humain. Car peu parmi ces grands chercheurs auront gagné leur vie grâce à leurs inventions, se faisant bien souvent damer le pion par des êtres plus cupides…

Sélection littérature

Le labyrinthe des esprits, Carlos Ruiz Zafón. Actes Sud, 848 p., 27 €. Le Cimetière des livres oubliés comporte trois autres tomes : L’Ombre du vent, Le Jeu de l’ange et Le Prisonnier du ciel.

Frère d’âme,David Diop. Éditions Seuil, 178 p., 17 €.

Au clair de la lune. Christophe Donner. Éditions Grasset, 274 p., 19,50 €.

 

 

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